Pour vous y retrouver

Bonjour! Bienvenue sur ces pages, que j'ai plaisir à ouvrir pour vous!
Vous trouverez sur ce blog différentes sortes de contributions:
- annonce (An),
- billet (Bi),
- citation (Ci),
- confession de foi (CF),
- conte (Co),
- formation d'adultes (FA),
- humour (Hu),
- image (Im),
- liturgie (Li),
- poésie (Po),
- prédication (Pr),
- réflexion (Ré),
- sciences bibliques (SB),
- vulgarisation (Vu).
Bonne balade entre les mots!

Ces œuvres sont mises à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 non transposé.

Ce blog fait partie d'un réseau de sites réformés "réseau-protestant.ch" qui vise à coordonner et rendre visibles et lisibles les publications web de la galaxie du protestantisme de Suisse romande. Voir sur ce blog la page https://textesdejjcorbaz.blogspot.com/p/blog-page.html>.

dimanche 2 novembre 2014

(Pr, Vu) “Dieu, tout-puissant?” - Prédication du 2 11 2014

Lect. bibliques: Exode 6, 2-9, 1 Corinthiens 1, 22-29, Marc 15, 29-32

Dieu, tout-puissant. Pour certains, ça semble une évidence. Mais pour d’autres, ça pose de gros problèmes. Aurait-il le pouvoir d’arrêter le temps... ou d’éteindre le soleil, puis de le rallumer? Vous connaissez également l’objection fréquente: si Dieu est tout-puissant, pourquoi laisse-t-il faire le mal? les catastrophes? les drames injustes?

Et on pense à ces chrétiens qui prient pour guérir, et qui ne sont pas exaucés; et qui culpabilisent. S’il est tout-puissant, Dieu est-il alors sourd, ou indifférent?

Nous l’avons entendu, le Nouveau Testament présente une puissance de Dieu très éloignée de la caricature magique que bien des gens en font. Pour les lettres de Paul comme pour les évangiles, c’est dans la faiblesse, voire dans la mort que Jésus révèle qui est son Dieu, et ses apôtres feront de même à sa suite. C’est un peu une toute-puissance à l’envers!

On va dire alors: “C’est donc l’Ancien Testament (AT) qui avait une idée primitive de la divinité. Une représentation un peu naïve...”

Eh bien, ce n’est pas tout à fait le cas. La foi des Juifs voit Dieu comme puissant, bien sûr, et agissant. En particulier depuis l’Exil à Babylone, au 6è siècle avant J-C; quand s’est développée la conception d’un Dieu unique, qui pourrait commander même aux armées des pays étrangers; qui aurait utilisé les autres peuples pour punir Israël.

La foi de l’AT voit Dieu comme puissant et agissant. Mais elle affirme aussi que YHWH est confronté à la liberté des humains, et qu’il la respecte. En créant l’homme, disent les Juifs, savez-vous: Dieu se met une limitation à lui-même, dans le but de préserver notre liberté. ... Dites, c’est étonnamment proche du message de l’évangile!


La plupart des auteurs de la Bible aiment chanter les hauts faits du Seigneur, et se sentir à l’abri d’un tel Ami majuscule! Pourtant, jamais l’AT ne parle, en hébreu, de Dieu comme tout-puissant! Etonnant, n’est-ce pas: jamais!

L’AT raconte ses actions impressionnantes, il chante sa force et sa fidélité; Dieu utilise parfois pour se révéler des manifestations cosmiques, le déluge, l’arc-en-ciel ou un tremblement de terre. Mais à aucun moment l’AT ne décrit YHWH comme quelqu’un qui maîtriserait la totalité des phénomènes et des événements. Puissant, oui; prodigieux, agissant, yes, mais pas tout-puissant.

Problème: pourquoi alors, peut-on lire dans nos traductions cette expression “Dieu tout-puissant”?

Eh bien, les versets de nos bibles qui l’utilisent traduisent en fait deux noms de Dieu qui ne veulent pas dire cela, précisément. Ces deux noms sont (en hébreu) El Shaddaï et Tsevaot (ou Sabbaot).

Le premier, El Shaddaï, est un nom propre dont on ne connaît pas exactement le sens. Il semble désigner une divinité des montagnes ou des steppes, qui protègerait les croyants des animaux sauvages. C’est sous ce nom que Dieu se révèle à Abraham. Par exemple, en Genèse 17, il dit au patriarche: “Je suis El Shaddaï, marche en ma présence”. Il semblerait donc meilleur de traduire “Je suis le Dieu protecteur...”. Et c’est ce nom que notre passage de l’Exode emploie au v. 3, quand il dit: “Je me suis manifesté à Abraham, Isaac et Jacob comme Dieu puissant” littéralement donc protecteur. Notre passage annonce ainsi que celui qui s’était révélé aux patriarches, il est le même que celui qui parle à Moïse, un Père qui veille sur les siens, qui leur donne assurance et sécurité.

Le second nom, Tsevaot (ou Sabbaot) signifie littéralement “des armées”. C’est exactement cette traduction que donnaient nos anciennes bibles, mais on a fini par l’abandonner, parce qu’on ne voulait pas décrire Dieu comme un militariste, qui enverrait son peuple massacrer les autres. Il n’est pas un chef de guerre, non, mais un Dieu fort, oui! Pour ma part, je préférerais cette dernière manière de traduire Tsevaot (ou Sabbaot): Dieu fort.

Ce sont les premières traductions de l’hébreu en grec qui ont rendu nos deux noms par “pantocrator”, c’est-à-dire tout-puissant. Cela partait d’une bonne intention: mettre l’accent sur le pouvoir impressionnant, la force du Seigneur. Mais, hélas, les générations suivantes ont compris cette expression de façon beaucoup trop absolue. Trop au mot-à-mot.

Prenons l’exemple d’une lettre d’amour! Si un fiancé dit à sa belle qu’il s’enflamme pour elle, ou qu’il est sur un nuage en venant la trouver, on ne va pas prendre ces expressions au pied de la lettre. On saisit bien qu’il s’agit d’une image, pour évoquer la force de son amour!

Eh bien, la Bible est réellement une lettre d’amour: des mots inspirés de Dieu, qui parlent de sa présence, fabuleuse; de sa bienveillance, inépuisable; du fait que partout et toujours, il est à l’oeuvre pour nous sauver. Le Protecteur! Le Dieu fort!

Mais le Seigneur n’est pas tout-puissant au sens où il dirigerait nos vies et les éléments du monde dans les plus petits détails. Toutes choses ne sont pas décidées et déterminées par lui. Les mots que j’emploie dans cette prédication... la couleur de vos chaussettes... les vents qui soufflent ou s’arrêtent... Tout cela, Dieu le laisse au gré du monde, qu’il a créé. Sur cette terre, le Père est souvent en lutte contre d’autres forces que les siennes, par exemple les nôtres: c’est la liberté humaine; et aussi celle de la création entière, où des courants contradictoires s’affrontent, entremêlant le bien et le mal.

                                                              


Les choses ne sont pas toutes décidées et déterminées par Dieu. Quand elle parle de sa puissance, la Bible proclame quelque chose de bien différent: elle dit que son pouvoir divin, qui est celui de l’amour, ne sera jamais définitivement vaincu, ni anéanti. Il finira par l’emporter sur tout ce qui lui résiste: l’injustice; la haine; le malheur; la misère; la mort.

Sachez-le bien, si nous nous abstenons de qualifier Dieu de tout-puissant, nous ne lui enlevons rien! On ne l’honore pas en imaginant sa grandeur sur le modèle des rois ou des tyrans de ce monde. La majesté véritable, selon l’évangile, elle ne consiste pas à se faire obéir dans les moindres détails. Elle consiste à aimer et à libérer; à accompagner, dans le respect et la tendresse. Comme un souffle fragile. Ce n’est pas nous qui servons Dieu, mais c’est lui qui nous sert.

Voilà exactement ce que YHWH a fait, dans le récit de l’Exode. Il a appelé son peuple à la liberté. Il a ouvert devant lui des pistes d’espoir. Il a agi. De même dans toute l’histoire d’Elie. Dieu a agi.

Mais il n’aurait rien pu faire sans la participation active de Moïse et Aaron; rien non plus si le peuple était resté fermé à ses promesses. Et il n’a pas pu empêcher Elie d’égorger les 850 prophètes païens. Pour que son plan de salut se réalise, Dieu a besoin des humains; de leur confiance; de leur engagement. Est-il tout-puissant? Pas sûr... En tout cas, dans ce monde tel qu’il l’a créé, il a limité son pouvoir: pour nous en donner, à nous!

N’ayons donc pas peur de parler du Dieu fort! du Protecteur! Mais, quand nous disons cela, souvenons-nous bien que sa force et sa protection dépendent aussi de nous. De la place que nous leur laissons, dans nos vies.

Et puis, si nous aimons dire que Dieu est tout-puissant, eh bien c’est possible, oui, puisque son pouvoir divin, celui de l’amour, ne sera jamais définitivement vaincu. Mais il serait utile que nous parlions de cette tout-puissance avec un peu de recul. En pensant à ce que ça peut évoquer chez d’autres, qui pourraient croire à un pouvoir magique! Il serait bon d’en parler avec prévenance et respect pour ceux qui souffrent de prières non exaucées; avec un clin d’oeil, et pourquoi pas avec humour.

Tenez, moi qui aime le foot, j’ai ainsi découvert qu’il y a, au Congo, un club qui s’est donné comme nom, accrochez-vous: “le Tout-puissant de Mazembe”. C’est ainsi qu’on a pu lire dans les journaux: “Le Tout-puissant a été écrasé par le Tonnerre de Yaoundé!” Authentique! Voilà qui aidera sans doute à prendre avec un peu moins de sérieux les traductions bibliques!

                                                     


Pour moi, dans ce monde, Dieu a surtout le pouvoir d'un ami: soit un soutien, un stimulant, un rappel de sa volonté, qui est de ne jamais faire de tort aux autres; pas un pouvoir absolu. Il est plutôt l'avocat des faibles, de celles et ceux qui n'ont pas de voix.

Et oui, je crois qu’il se laisse écraser par l’humanité et ses intolérances, pour nous montrer l’authentique pouvoir de l’amour. De son amour, qui se veut contagieux! C’est ce qu’il a vécu sur la croix.

Vous voyez, entre l’enfant qui croit que Dieu peut lui faire réussir ses examens sans réviser, d’un côté, et d’autre part l’athée, qui refuse de voir que la spiritualité a une influence sur notre vie et notre terre, il y a de la place, largement, pour vos nuances à vous. Merci de les partager, à l’occasion! Et surtout, merci de les vivre, ces nuances! Amen

Jean-Jacques Corbaz


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire