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dimanche 23 novembre 2014

(Pr, Li, Vu) Halloween? Toussaint? Quelles relations avec nos défunts? - Prédication du 23 nov. 2014


 Lectures: Jean 11, 17-27; Jean 11, 28-37; Jean 11, 38-44 


En tant que réformés, comment pouvons-nous gérer nos relations avec nos défunts?

Les catholiques, eux, ils ont la Toussaint, bien sûr. Le 1er novembre, ils honorent les saints qui les ont précédés. Et le lendemain, 2 novembre, ils marquent le jour des morts, qui évoque le souvenir des ancêtres, et qui invite à prier pour leur salut. On fleurit les tombes, on intercède pour les proches décédés.

Et il y a encore Halloween, plus récemment arrivé chez nous. Cette fête était, au départ, la veille de la Toussaint, mais elle est devenue davantage une célébration de la peur, de la magie et des sorciers; façon d’exorciser nos craintes, nos fantômes. Et puis voilà que, déjà, nous voyons Halloween évoluer encore et se transformer, ici ou là en fête de la courge ou des potirons.

Trois jours d’affilée, en automne, la mort est donc au centre des préoccupations de bien des gens par chez nous. Et comme les traditions religieuses s’imbriquent de plus en plus les unes dans les autres, nous réformés nous sommes automatiquement pris dans le mouvement. Sans parler des familles mixtes!

En théorie, vous le savez j’imagine, les protestants ne prient pas pour leurs défunts. Et ils n’ont pas de vénération particulière pour les saints.

Pourtant, le décès ne coupe pas toute relation entre les morts et les vivants. Heureusement! Beaucoup de personnes veuves me disent qu’elles parlent encore à leur conjoint, parfois plusieurs années après l’avoir enterré. Et souvent, des survivants écrivent: “De là-haut, veille sur nous”! Quoi de plus normal, même dans notre Eglise? Ne vous en privez pas, si ça vous aide à vivre votre deuil!



 

Maintenant, un peu d’histoire.

Savez-vous que ces trois fêtes (Halloween, la Toussaint et le jour des morts) sont d’origine païenne? Mais attention: avant de les effacer de vos mémoires, ou avant, à l’opposé, de vous lever et de partir fâché de ce culte, comprenez bien ce que ça veut dire, “païen”. Le mot vient de la même racine (latine) que “paysan”. Il désigne l’homme ou la femme de la terre, qui vit au rythme des travaux des champs, et des récoltes. Et qui, logiquement, exprime sa spiritualité, sa religion, d’une manière syntone, qui résonne en harmonie avec son quotidien. Sa culture.

Nos ancêtres étaient tous païens. Et ce paganisme a encore des conséquences aujourd’hui; parfois positives. On sait que Noël, par exemple, était une très ancienne fête païenne, célébration de la lumière, au moment où les jours recommencent à grandir; juste après le solstice d’hiver. À l’arrivée du christianisme, cette festivité a été transformée en commémoration de la naissance de Jésus, Lumière du monde.

Pour nos trois “jours des morts”, c’est assez exactement la même chose: au départ, ces fêtes s’inscrivaient dans des sociétés stables, axées sur: (1) le sol; (2) les ancêtres; (3) les divinités; et (4) les vivants. Il fallait surtout relier ces quatre réalités, et en renforcer la cohésion: le sol, les ancêtres, les divinités et les vivants resserraient leurs relations, une fois par année, à travers des réjouissances religieuses. C’était tout un rituel d’apaisement face aux peurs soulevées par la mort. Les vivants, en renforçant leurs liens avec les proches décédés, réaffirmaient le sens de leur vie, leur solidarité “de clan”. Ce geste de mémoire rattachait ainsi les humains à ceux qui les avaient précédés et enracinés sur leur terre.

Evidemment, ces célébrations n’ont pas de fondement dans les évangiles. Au contraire, Jésus a été, sur cette question, plutôt, euh... iconoclaste! Contestataire! Vous connaissez ses formules: “Laisse les morts ensevelir les morts” ou “Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais celui des vivants”.

C’est à l’époque de Charlemagne (vers 800 après JC) que ces rites autour des défunts ont été “christianisés”, recouverts d’un vernis chrétien. On a fait cela pour permettre à la foi évangélique d’être adoptée par de nombreux peuples et tribus. En effet, l’Eglise ne parvenait pas à balayer ni la fête de la lumière de décembre, ni les célébrations d’automne autour de la mort. Alors, l’Eglise a introduit dans ces rites des contenus en relation avec l’évangile. On a encouragé la vénération des saints et de la Vierge; le culte des reliques (c’est-à-dire l’adoration des restes des saints, par exemple cheveux ou ossements); on a encouragé encore les pèlerinages, les processions...

C’est à ce moment aussi que le pays a été découpé en diocèses et en paroisses, pour encadrer le peuple, l’enseigner et le surveiller. Et c’est alors qu’a été réinventée l’école, pour instruire tout ce petit monde. C’est le cas de le dire, avec France Gall: sacré Charlemagne, oui sacré!

Ce fut donc le génie du Moyen Âge d’oser faire la synthèse entre l’héritage païen et le message chrétien. Mais cette synthèse a donné du coup un revers à la médaille: on a quelque peu émoussé le tranchant de l’évangile, on l’a dilué dans un ensemble de coutumes qui s’écartaient de l’enseignement du Christ et de ses apôtres.

Et c’est pourquoi, au 16è siècle, vous l’imaginez bien, c’est pourquoi la Réforme a voulu revenir aux sources et supprimer les traditions païennes qui s’étaient rajoutées. Les protestants ont alors balayé la Toussaint et le jour des morts (pas Noël, quand même; ça, c’était impossible!).


tombe de Gainsbourg, Paris
Pourtant, le fait d’effacer une tradition populaire, ça ne permet pas de répondre aux besoins qui avaient fait naître cette tradition. Le protestantisme n’a souvent rien résolu en profondeur, quand il a supprimé ce genre de rites, sans rien mettre à la place. Nous réformés avons peu de symboles, peu d’images fortes ou de gestes parlants, qui aident à donner un sens aux grandes questions de la vie; et qui aident à transmettre ce sens!

Comment donc exprimer aujourd’hui les liens, la solidarité que la Toussaint essayait de concrétiser? En 2014, entre nous et entre les générations, comment resserrer les attachements communautaires?

Il ne faut pas se faire d’illusions: dans les contrées catholiques, la visite des tombes va aussi diminuer. Car nous ne vivons plus dans un monde rural statique. Les sépultures sont désaffectées en moins d’une génération; la pratique de l’incinération gagne du terrain; et surtout, les déménagements, de plus en plus fréquents, distendent les liens avec le lieu d’origine et l’endroit de sépulture de nos parents.

Notre société, marquée par la mobilité, devra donc inventer de nouveaux langages pour exprimer cette continuité de l’humanité par-delà la mort. Et ce ne sont pas les psychologues, dépêchés sur les lieux des catastrophes, qui pourront développer cette solidarité spirituelle. Ils agissent sur le moment présent, pour aider à supporter le choc de la tragédie. Et c’est très utile. Mais ce n’est pas de leur ressort que de proposer des symboles collectifs; des rites qui ancrent le lien avec nos défunts dans la durée; des gestes qui disent le mystère d’une divinité qui seule peut tenir entre ses mains la vie et la mort, et donc le fil qui les rattache l’une à l’autre.

Ne nous trompons pas: ce n’est pas un acte rétrograde que de rendre hommage à celles et ceux qui nous ont précédés. Dans ce monde où tant de choses nous coupent de nos racines, c’est au contraire indispensable et sain de cultiver une telle solidarité.

Vous me voyez conclure: puisque la Toussaint n’est plus à l’ordre du jour, ce culte du souvenir nous est proposé comme une tentative de renouer du mieux que nous pouvons avec nos disparus. Mieux même: en y rappelant aussi les baptêmes; les présentations quand il y en a; en mentionnant les bénédictions des catéchumènes et les confirmations; ainsi que les mariages (et je vous invite à lire leurs noms sur le feuillet que vous avez reçu, et à penser avec affection aux personnes ou familles que vous connaissez)... en faisant cela, nous nous relions aux générations à venir comme à celles qui nous ont précédés.

C’est pour les unes et pour les autres que Jésus exprime son émotion, ainsi que le raconte l’évangile de Jean que nous avons entendu tout à l’heure. Le Christ pleure de tristesse avec les endeuillés, et il pleure de joie ou de tendresse avec les enfants ou les jeunes couples. Et puis, en faisant ressortir Lazare du tombeau, ne nous remet-il pas en relation, tous, par-delà la mort? Ne nous remet-il pas en religion?

Oui, qu’il nous relie, les uns aux autres. Qu’il nous attache mieux. Nous vivrons plus solides. Amen








(après l’interlude)

Je n’ai pas, aujourd’hui, la prétention d’inventer un rite qui satisfasse tout le monde, moi qui ne suis que de passage dans cette paroisse. Mais j’ai la conviction qu’un rite bienfaisant passera par des signes qui évoquent la chaleur et la lumière. Celles que Dieu nous offre, et celles que nous pouvons nous transmettre les uns aux autres.

Je vous propose donc, ce matin, d’allumer quelques bougies pour évoquer nos liens, tant avec nos défunts que nous aimons, qu’avec les nouvelles générations.

Nous allumons d’abord une bougie rose, en signe de solidarité avec les enfants baptisés. ...

Nous allumons une bougie blanche avec un papillon, symbole de transformation; elle est un signe de notre lien avec les catéchumènes qui ont confirmé leur alliance avec Dieu. ...

Nous allumons une bougie rouge, symbole d’amour, en pensant aux couples qui ont reçu la bénédiction de Dieu. ...

Nous allumons une bougie rouge foncé, symbole d’amour toujours, en signe de notre lien avec les personnes décédées, remises à Dieu. ...

Nous allumons une bougie bleue, en pensant à toutes les situations pleines de soucis, de peines, de souffrances. ...

Nous allumons une bougie orange, en pensant à toutes les situations tissées de joie, de bonheur, d’espérance. ...

Nous allumons une bougie verte où est inscrit le mot “liberté”, en signe de solidarité avec toutes les personnes victimes d’emprisonnement arbitraire, ou de persécutions. ...

Enfin, nous allumons une bougie où les couleurs s’entremêlent, en pensant à toutes les situations compliquées, mélangées, nuancées où alternent la joie et la tristesse. ...




Ces huit flammes nous relient les uns aux autres, et à nous-même, et à Dieu. Et c’est ainsi soutenus les uns par les autres que nous écoutons le Psaume 23, paroles de confiance et de foi.

Je vous invite à prier (“Prières”, éd. Ouverture, p. 32, de Marie Henrioud)

J'ai tout remis entre tes mains:
ce qui m'accable et qui me peine,
ce qui m'angoisse et qui me gêne,
et le souci du lendemain.
J'ai tout remis entre tes mains.

J'ai déposé entre tes mains
le lourd fardeau traîné naguère,
ce que je pleure, ce que j'espère,
et le pourquoi de mon destin.
J'ai tout remis entre tes mains.

J'ai déposé entre tes mains
autant la joie que la tristesse,
la pauvreté ou la richesse,
et ce que jusqu'ici j'ai craint.
J'ai tout remis entre tes mains.

J'ai déposé entre tes mains
que ce soit la mort ou la vie,
la santé ou la maladie,
le commencement ou la fin.
Car: tout est bien entre tes mains. Amen

                                                                            Jean-Jacques Corbaz  



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