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dimanche 18 octobre 2015

(Pr) « Lorsque j’étais oeuvre d’art » - Prédication du 18 octobre

 Lectures:  Proverbes 30, 7-9; Jacques 2, 1-7; Matthieu 7, 13-18


J’ai choisi de vous parler ce matin d’un roman qui m’a ému et fait réfléchir; il s’appelle «Lorsque j’étais une oeuvre d’art», écrit par Eric-Emmanuel Schmitt.
 


C’est l’histoire d’un homme, jeune, qui décide d’en finir avec la vie. Il se sent mal aimé, et surtout complètement nul: rien ne lui réussit. Il a l’impression de n’avoir aucune valeur. Le comble, c’est que même dans ses tentatives de suicide, il échoue. Plusieurs fois!

Ses deux frères aînés sont très beaux, et ils accomplissent une carrière facile comme mannequins. Ils deviennent riches sans peine, tandis que notre héros s’enfonce toujours plus. Il souffre de se sentir si quelconque, à côté d’eux.

Lors d’un énième tentamen, il fait la connaissance d’un artiste excentrique et célèbre qui s’appelle Zeus (comme le dieu grec). Un de ces créateurs experts dans l’art de faire parler de lui, et à qui tout réussit. Peintre et sculpteur, il a de lui-même une opinion tellement élevée qu’il juge avec mépris même les oeuvres de la nature: à côté des siennes, c’est zéro, pense-t-il. Plus mégalo, tu meurs!

Bien sûr, tout le monde s’aplatit devant Zeus, d’autant qu’il est doté d’un pouvoir de persuasion redoutable.

Or donc, Zeus propose à notre héros un singulier marché: plutôt que de s’ôter la vie, eh bien, qu’il la lui donne! Ou plus exactement, qu’il lui donne son corps, dans le but que l’artiste le transforme, et en fasse un chef-d’oeuvre nouveau, une sculpture vivante! Zeus pourrait ainsi inaugurer une ère révolutionnaire de l’histoire de l’art: modeler un corps humain, avec son génie.

Notre héros finit par accepter. Il signe le contrat, sans se douter de l’évolution intérieure que cette transformation va entraîner.

Dans un premier temps, tout se déroule comme prévu: la sculpture humaine est une réussite, et devant elle tout le monde s’extasie et crie au génie. Expositions, exhibitions... Notre héros est heureux, il est enfin admiré, sur toute la planète.

Pourtant, peu à peu, il se rend compte qu’il n’est traité que comme un objet: son sculpteur lui interdit de parler (!), il est trimballé sans pouvoir donner son avis... En fait, ce n’est pas lui que les gens admirent, c’est la sculpture de Zeus. Ce dernier finit même par le vendre; après d’ailleurs un vol, enfin un prétendu vol organisé par Zeus lui-même, dans le but de faire monter la valeur marchande de son oeuvre!! Toute ressemblance avec certaines pratiques d’aujourd’hui n’est absolument pas fortuite!


Un jour, par hasard, notre héros fait la connaissance d’un autre peintre qui est l’opposé de Zeus: Hannibal est modeste, amoureux de la nature... Il crée des oeuvres magnifiques, qui reflètent la beauté du monde, sans tapage médiatique ni provocation. Il est étonnamment doué, mais peu connu, et donc pauvre. Et puis, détail surprenant, il est aveugle - tout en continuant de peindre!

Hannibal se lie d’amitié avec notre héros, sans se douter d’ailleurs qu’il a affaire à la sculpture vivante de Zeus  dont tout le monde parle (évidemment, à cause de sa cécité). Cet artiste si authentique lui explique ce qu’il ressent en créant, il le fait si bien que notre héros découvre la beauté, et la passion pour la vie. Il se met à comprendre l’art du vieux peintre, et à l’aimer. Il se passionne pour les émerveillements que reflètent les oeuvres d’Hannibal; il découvre auprès de lui, et auprès de sa fille, dont il tombe amoureux, un désir de vivre, et de donner... Il n’a plus du tout envie de se supprimer.

Malheureusement, il ne s’appartient plus. Il s’est livré à Zeus dans cet étrange marché; à Zeus et puis à ceux qui l’ont ensuite acheté. Il va même être mis aux enchères publiques, et... acquis par l’Etat... Et donc entreposé dans un musée!

Notre héros essaie alors d’obtenir un statut de fonctionnaire, mais le musée s’y oppose: car pour eux il est un objet, qu’ils ont payé, et c’est tout! On finit par organiser un immense procès dans le but de déterminer son statut: humain ou marchandise? Et, à cause du contrat qu’il a signé en faveur de son créateur, ce sont les arguments du musée qui l’emportent. Il n’est qu’un objet, rien de plus.

La solution viendra finalement de Zeus, grâce à la fille du vieux peintre. Celle-ci découvre que l’artiste mégalomane a commis autrefois un meurtre, bien caché. Sous la pression de la fille d’Hannibal, Zeus déclare que notre héros n’est pas son oeuvre; que c’est une imitation, un faux!

Du coup, le jeune homme est jeté au rebut, avec les ordures du musée. Mais donc il recouvre la liberté, puisqu’il n’appartient plus à personne! Il peut enfin se marier avec la fille du vieux peintre, et se consacrer à faire connaître l’oeuvre de l’aveugle, qui lui a ouvert les yeux.

Hannibal atteindra finalement la célébrité, mais seulement après sa mort. Il sera reconnu comme le plus grand créateur de sa génération, tandis que Zeus va peu à peu tomber dans l’oubli.
 


J’ai été touché par ce roman, qui pour moi pose des questions essentielles. Par exemple:
- qu’est-ce qui fait ma vraie valeur?
- quelle importance a pour moi le regard des autres?
- l’être et le paraître (comme nous y invite aussi la lettre de Jacques)...
- quelles sont pour moi les vraies richesses?
- réussir sa vie, c’est quoi? ...

Cela fait beaucoup d’interrogations, que je vais laisser à votre méditation, pendant le silence, puis le jeu d’orgue qui vont suivre. Beaucoup d’interrogations, auxquelles je joins encore des questions sur l’appartenance: à qui es-tu? (comme on disait quand nous étions petits)... Qui a des droits sur toi?

Ceux qui sont entre les mains de managers, de pygmalions de toutes sortes: les sportifs (avec le problème du dopage); les artistes; les vedettes en herbe; acteurs, chanteurs... pour tous ces gens: où s’arrête le pouvoir des autres sur eux? qu’est-ce qui fait leur véritable richesse? (donc celle qui ne se monnaie pas de façon sonnante et trébuchante).
 



Pour conclure, j’ai envie de vous partager quelques lignes de ce roman, dans les dernières pages:

“Le vieux peintre, Hannibal, nous a quittés dans son sommeil, avec autant de discrétion qu’il en avait mis à vivre. Depuis, sa cote s’est envolée, les amateurs l’ont découvert, les critiques le reconnaissent. (... ) Il s’est éteint presque pauvre, riche de l’estime de quelques-uns, entouré par notre amour et notre confiance. Suis-je pour quelque chose dans sa découverte? Il est présomptueux de le penser. Toujours est-il que j’ai passé des années à écrire des articles sur lui, expliquer les émotions que me donnaient ses toiles, raconter comment il a changé ma vie. (...) Avec lui, avec ma femme, mes enfants, j’ai l’impression d’avoir mon rôle. Des êtres ont besoin de moi, des vivants comme des morts. Qu’ai-je d’irremplaçable? Ça. Mes pensées. Mes soucis. Mes attachements. Mes amours. ...

“J’ai découvert que l’univers est beau, plein, riche, si j’accepte, moi, d’être médiocre, vide, pauvre. Hannibal fut mon père, pas seulement mon beau-père, car il sut, en un instant, me charger du désir de vivre en me donnant le sens de l’émerveillement. ...

“ Jeune, j’ai voulu que la beauté soit en moi, j’ai été malheureux. Maintenant, je sais qu’elle est partout autour de moi, je l’accepte. Et je dis merci.”


Amen                                          


Jean-Jacques Corbaz



Bénédiction finale:
“Pour Dieu, chacun(e), nous sommes une oeuvre d’art! Ce qu’il a de plus précieux! Du petit enfant, devant qui tous s’extasient, jusqu’à la personne très âgée qui se sent une charge pour les autres; toutes et tous, nous sommes le Trésor du Père, sa beauté majuscule. Allons dans la paix, Dieu nous bénit, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Amen” 


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