Pour vous y retrouver

Bonjour! Bienvenue sur ces pages, que j'ai plaisir à ouvrir pour vous!
Vous trouverez sur ce blog différentes sortes de contributions:
- annonce (An),
- billet (Bi),
- citation (Ci),
- confession de foi (CF),
- conte (Co),
- formation d'adultes (FA),
- humour (Hu),
- image (Im),
- liturgie (Li),
- poésie (Po),
- prédication (Pr),
- réflexion (Ré),
- sciences bibliques (SB),
- vulgarisation (Vu).
Bonne balade entre les mots!

Ces œuvres sont mises à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 non transposé.

Ce blog fait partie d'un réseau de sites réformés "réseau-protestant.ch" qui vise à coordonner et rendre visibles et lisibles les publications web de la galaxie du protestantisme de Suisse romande. Voir sur ce blog la page https://textesdejjcorbaz.blogspot.com/p/blog-page.html>.

vendredi 23 août 2024

(Hu, Co) Anecdotes vécues par JJC pasteur

J’ai plaisir à vous conter de brèves anecdotes vécues, qui m’ont fait sourire… ou sursauter! J’ai modifié quelques noms par souci de discrétion.



Le pasteur de Palézieux
Chaque mois, nous pratiquions un «échange de chaire» avec la paroisse voisine, ce qui nous permettait de ne pas avoir à préparer une prédication cette semaine-là. C’est ainsi que, de «Palouze», j’étais devenu un familier des voisins d’Oron-Châtillens, tout proches, en particulier des organistes, concierges d’église et lecteur-trices.

Or il arriva qu’un certain dimanche, mon collègue Jean de Benoit étant indisponible, un remplaçant fut mandaté par l’Eglise cantonale, un pasteur retraité. Arrivé à la sacristie de Châtillens, il y est reçu par la toute brave concierge, Simone. Et il se présente: «Bonjour, je suis le pasteur de Palézieux!»
Stupeur de l’accueillante, qui réplique: «Mais non, je le connais bien, le pasteur de Palézieux, il est nettement plus jeune que vous…»
Le remplaçant s’appelait Etienne de Palézieux!

Raciste, moi?
La scène se déroule pile au même endroit: la sacristie de Châtillens. Cette fois, c’est moi qui viens célébrer le culte. M’accueillent Simone, donc, ainsi que le lecteur, Jeannot, un jeune paysan des Tavernes à peine plus âgé que moi.
Le tutoiement était encore rare en ce temps-là. Je serre donc la main de Jeannot: «Bonjour Monsieur!». Et lui de répliquer: «Vous êtes raciste?»
J’en ravale ma chique, moi qui commence à être bien connu pour des positions plutôt progressistes et qui ai vécu une année au Cameroun pour mes études. Vraiment inattendu.
Je balbutie: «Mais pourquoi dites-vous ça?». Et lui de sourire: «Parce que vous tutoyez les jeunes de Palézieux, et pas ceux des Tavernes!»
«OK, alors volontiers! Salut Jeannot!»

Le «do»
Cette chorale répétait un morceau difficile. Les messieurs en particulier avaient de la peine à respecter le bon tempo.
Finalement, le directeur trouve la parade: «J’invite les soprani à rester plus longtemps sur le ‘do’, pour que les ténors puissent entrer plus facilement»!

Le candidat
J’avais sollicité un ami afin d’étoffer la liste de candidats pour l’élection au Grand Conseil. Je savais qu’il était connu et apprécié dans tout le district, et que c’était donc une bonne pioche pour le parti. Chance, il accepte. Merci, Max!
Peu après, je le rencontre et lui demande comment ça va. «Ben, il y en a beaucoup qui ont peur de ne pas être élu. Moi, j’ai plutôt peur d’être élu!»
Élu, il le sera, effectivement. Et brillamment.

Berthe et le thé de St-Gall
Cette paroissienne âgée était très attachante. Veuve depuis longtemps, elle se débrouillait plutôt bien dans son intérieur.
À chacune de mes visites, elle me servait du thé. Et toujours le même commentaire: «Vous verrez, il est bon! Il vient de St-Gall, je le commande par la poste!»
Sauf qu’avec les années, les gestes préparatoires devenaient… disons aléatoires! Elle mettait chauffer l’eau avec un plongeur, et il me semblait qu’à chacune de mes venues, elle retirait l’objet de plus en plus tôt. De bouillante, l’eau est devenue peu à peu simplement chaude, puis tiède… Et le thé de plus en plus fade, bien entendu. Je dégustais le breuvage en souriant intérieurement.
Lors de ma dernière venue, dix jours avant sa mort, l’eau était carrément froide. Elle avait oublié de brancher le plongeur. Comme pour anticiper une fin de vie devenue inéluctable.
Adieu, Berthe! Que l’eau de là-haut vous soit pleine de bon thé!

Repose en paix

Un entretien pour préparer un service funèbre. La défunte m’est inconnue, habitant une autre paroisse pour laquelle je suis de permanence pendant les vacances de mes collègues.
J’accueille les trois fils, que je ne connais pas davantage. Afin de les mettre à l’aise, je dis avec empathie: «J’imagine que vous êtes très tristes».
«Ah non, font-ils. C’était une charogne de bête!» Et de m’expliquer à quel point elle leur avait pourri la vie, du début à la fin… Aïe! Donc pas d’éloge funèbre, Monsieur le pasteur!
Pour une fois, ces fils ont fait mentir la chanson de Brassens: «Les morts sont tous des braves types»!

Mariage mixte
C’est l’histoire d’Evelyne et Raymond, elle catholique (d’une famille très engagée et conservatrice) et lui protestant. Et lui paysan. Il me téléphone un soir pour m’annoncer leur mariage, et nous prenons rendez-vous pour préparer la fête.
Le jour dit, je les attends à la cure. Mais au lieu de ma porte, c’est mon téléphone qui sonne.
Au bout du fil, le père de Raymond, notable du village. «Mon fils ne viendra pas, ce mariage n’aura pas lieu».
Aïe! Bien sûr, il se révèle que les dissensions confessionnelles sont à la base de ce refus. Je repense à l’histoire de Claire et de Louis, dans le même cas (Claire et Louis qui s’aiment, mais qui ont dû vieillir loin l’un de l’autre à cause de l’interdiction parentale. Avec l’âge, Claire est devenue sourde, et presque en même temps, Louis a perdu la vue. Logique: Louis ne pouvait plus voir clair, et Claire avait perdu l’ouïe!).
Mais Evelyne et Raymond, eux, trouvent rapidement une solution! Ils se débrouillent pour que l’amoureuse tombe enceinte. Dès lors, les parents n’osent plus s’opposer à «régulariser la situation», comme on dit en ce temps-là.
Le jour de la cérémonie religieuse, le père de Raymond reste un peu bloqué, ou peut-être intimidé, devant la chapelle catholique où nous allons bénir le couple. C’est l’heure de commencer, et il ne se décide pas à entrer. Je le prends alors par le bras et lui dis gentiment: «Venez, Monsieur Rochat, vos enfants vous attendent.»
Le mariage est béni par le prêtre et le pasteur, comme c’est souvent le cas alors. Et si la cérémonie a lieu dans une chapelle catholique, les enfants seront baptisés protestants. Jolie manière d’éviter qu’il y ait des perdants!
La morale de l’histoire, c’est que l’oubli d’une pilule peut faire avancer l’œcuménisme bien davantage que certains colloques spécialisés!

«Je me donne à toi»
Amour-sourire par contre, que de la bonne humeur, pour bénir l’union de Paulette et Jean-Luc. Elle aussi enceinte, et ça commence à se voir et se savoir. Une telle situation est fréquente autour de 1980, mais il y a toujours une petite gêne «morale» quand même, dans ce village paysan et plutôt conservateur.
Les mariés avaient choisi une formule en usage dans l’Église catholique, échanger les promesses sous forme de dialogue. Entre autres, chacun dit à l’autre «Je te reçois comme époux/se et je me donne à toi».
Au moment où Paulette, d’une voix émue, mais ferme, arrive au «je me donne à toi», son père, pince-sans-rire, ajoute mezzo voce, mais on l’entend dans toute l’église: «C’est déjà fait!»

Aloïs
Je me souviendrai toujours d’Aloïs, paysan qui avait perdu et sa femme et ses enfants, et qui s’accrochait à sa ferme comme un naufragé à sa planche. Malgré tous ses deuils, c’était un homme debout. Ses sourcils broussailleux faisaient front dans les orages, tel un chêne erratique au milieu des roseaux.
Lorsque, à passé 90 ans, il a dû être hospitalisé, il n’a tenu bon que pour retrouver son domaine. Mais voilà, les médecins avaient décidé que sa santé ne lui permettait plus de vivre seul. Placement à l’EMS du village voisin, pas le choix.
C’était en janvier. Il avait neigé, une belle couche de près de 50 cm recouvrait tout. À peine entré à la «Maison de repos», il demande à retourner chez lui, juste pour prendre quelques affaires personnelles. On lui accorde un taxi. Mais arrivé devant sa ferme, Aloïs paie et renvoie le chauffeur. Puis il empoigne une pelle et commence à dégager la place devant son habitation! Cinquante centimètres, donc.
On l’a retrouvé le lendemain, tout froid. Il avait voulu mourir chez lui. Exactement trente-trois-mille jours après y être né.
Aloïs: respect!

Les concierges

«Nous avons été concierges de l’église pendant 50 ans!» disait fièrement tante Clara. Un tel attachement s’explique-t-il par la hotte de bois qu’Ernest, le frère-chef, venait chercher dans le bûcher paroissial pour son propre fourneau? On m’a dit que c’était le seul travail qu’on l’ait vu faire. Les autres, il les commandait à ses frères et soeur, surtout Albert, le doux, qui obéissait si bien.
Cet attachement s’explique-t-il par la prise électrique à laquelle Roger, le troisième frère, venait brancher son rasoir le dimanche matin à l’heure des cloches, pour économiser son courant?
S’explique-t-il par l’amour du nettoyage? Pas sûr. En 20 ans d’usage, leur frigo n’avait jamais été tiré pour «poutzer» derrière, si bien que les souris avaient construit leur nid là, dans la tiédeur du moteur. On y trouva même les restes d’un billet de 50 francs disparu il y a belle lurette, à moitié grignoté.
Au divorce d’Albert, Clara, veuve, revint tenir le ménage de ses trois frères, Ernest et Roger étant vieux garçons. Elle remplaça la femme ou la mère jusqu’à la mort d’Ernest. Et là, pour l’amour d’Albert, elle quitta la fonction de domestique pour endosser l’habit de chef de famille! Elle couva son petit frère, plutôt maman que soeur, voire parfois épouse, si bien qu’il ne savait plus rien faire sans elle.
Tante Clara, si franche, si attachante! Quand elle eut une tumeur au sein, à 80 ans passés, le jeune médecin, emprunté, s’emberlificota dans une longue explication pour conclure qu’il valait mieux, si elle permettait, euh… enlever l’organe atteint. Clara ne perdit pas le nord et répliqua: «Pour l’usage que j’en fais maintenant, vous pouvez même m’ôter les deux!»

Le mort vivant
À mon retour de vacances, cette année-là, je rencontre un des organistes de la paroisse, qui sans prévenir m’accueille par ces mots: «Tu as su que j’étais mort?»
Me passent alors dans la tête des images de mon enfance, quand mon père coupait la tête des poules et qu’il les relâchait. Les «dzenoilles» sans tête pouvaient courir encore plusieurs centaines de mètres. Une fois, l’une d’elles était allée jusqu’à la vigne, où nous avons dû la chercher un bon moment! On m’a même raconté qu’un soldat décapité avait lui aussi continué de se battre pendant quelques minutes… Ciel! En serait-il de même pour mon ami?
Tandis que je me remets de ma surprise, l’organiste m’explique. Un avis mortuaire avait paru dans le journal, un parfait homonyme, même nom, même prénom. Aucune mention d’âge ni de domicile, ni de famille.
Plusieurs de ses amis se sont inquiétés. Ils ont essayé de lui téléphoner, plusieurs fois, mais ça ne répondait jamais. Normal: il était au volant sur les routes de France et avait éteint son natel. Et ce n’est qu’à son retour de vacances qu’il a pu dissiper le malentendu.
Le dimanche suivant, il a joué «allegro vivace»!

«Quand je serai morte»
Il me faut dire encore Anne-Claude, qui avec son humour naïf me fait quasi une déclaration d’amour le soir où nous préparons… son mariage! Et d’en rajouter à l’adresse de son fiancé: «Si tu es en retard, je me marie avec Jean-Jacques»!
Anne-Claude que je retrouverai pour baptiser leurs enfants. Puis bien plus tard auprès de ses parents âgés (je les accompagnerai dans leur départ avec EXIT, sous le signe du Cancer). Puis enfin que je reverrai sur ce lit d’hôpital, où le Crabe l’emportait elle aussi. À 62 ans. Me demande de présider le culte de son service funèbre. Me raconte à quel point elle en a bavé ces dernières années de maladie. Mais garde le sourire pour me dire: «Je te téléphonerai quand je serai morte!»

Le vieux régent

Alors qu’il avait 105 ans, Jules, le régent sévère d’Echallens, reçut une convocation pour… entrer à l’école enfantine! Explication: l’ordinateur ne tenait compte pour établir ses listes que des deux derniers chiffres de l’année de naissance. Jules, en bon citoyen conscient de l’importance de l’école, se présenta le jour dit au milieu des bambins ayant 100 ans de moins que lui!
Quelques mois plus tard quand, après une mauvaise chute, il appela le médecin, celui-ci diagnostiqua une fracture compliquée. Hospitalisation indispensable. Jules, aussi dur avec lui-même qu’il l’avait été avec ses élèves, refusa net. Le toubib insista, mais aucun argument ne put infléchir la tête de mule. Alors, à bout de patience, le disciple d’Hippocrate finit par lancer: «Dans ce cas, je ne peux rien pour vous. Au revoir Monsieur!». Ce fut Jules alors qui réclama son admission à Saint Loup, dans un grognement mémorable!

La centenaire

Léa, paysanne, avait «pécloté» toute sa vie. Ce qui ne la pas empêchée d’arriver jusqu’à 105 ans elle aussi! Pensionnaire à la maison de repos, elle avait gardé toute sa tête et se déplaçait encore facilement. Elle participait activement aux études bibliques interactives que j’animais au «Château» de Goumoens, lesquelles remplaçaient avantageusement certains cultes, car les résidents s’y endormaient beaucoup moins!
Un jour que je proposais un passage sur une guérison de lépreux, je la vois soudain ouvrir le journal et s’y plonger. Bah, me dis-je, elle a peut-être oublié que nous vivons une étude biblique; à son âge, c’est bien compréhensible. Mais non! Elle cherchait un article qu’elle avait lu le matin et qui parlait justement de la chapelle de la Maladière, longtemps dévolue aux lépreux. Article qu’elle a fini par trouver pour nous le montrer.
Sa surdité, par contre, était devenue légendaire. Quand j’animais le loto des Aînés de la paroisse, dont elle faisait partie, je commençais toujours par dire, pour vérifier si je parlais assez fort: «Madame Bezençon, vous m’entendez?» Elle répondait «oui, oui» de sa petite voix aigüe. Je savais alors que tout le monde pourrait m’ouïr. Ça ne l’empêchait pas toutefois, quasi après chaque nombre crié, de me faire répéter. «Le 37!» disais-je. «Combien?» faisait la voix aigüe. «Le 37, Madame Bezençon!». «Ah, merci!». «Maintenant, le 71!». «Combien?». «Le 71, Madame Bezençon!», «Ah, merci!». J’en ris encore.

Le poème d’amour
Un amour enthousiaste, pur et naïf a toujours porté Camille, une amie de la famille. Un jour, elle me montre, toute fière, un poème de son amoureux pour elle. Je m’en souviens encore par coeur, le voici (vous excuserez le niveau!!):

Fontaine de mon coeur,
Ruisseau de mon bonheur,
Amour toute ma vie
Naissant en une amie,
Car malgré moi je t’aime,
Oui, je t’adore même!
Inondé de malheur
Si tu es loin de moi!
Et je redis «je t’aime».

Elle n’avait pas remarqué que c’était un acrostiche, alors que les initiales de chaque vers étaient pourtant surlignées en rouge! J’ai doublement souri en me souvenant que l’ex de son amoureux était une certaine Françoise… Vous avez dit: recyclage? Là aussi, j’en rigole encore!


Jean-Jacques Corbaz, août 2024  
 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire