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lundi 12 août 2024

(Co, Po) Adieu mon gars


Il était tard déjà. Une brume nonchalante montait du sol un rien trop humide. Une nuit moite mais froide semait l’inquiétude dans les moindres recoins de cette campagne immobile. 

 

Il était tard, et tu marchais sur la route désertée. Sans doute rentrais-tu de quelque assemblée où les cigarettes avaient noirci le plafond bas; où les mains s’étaient serrées plusieurs fois; où les coeurs avaient tenté de s’ouvrir.

 

Il était tard, tu marchais, lentement. Peut-être rêvais-tu à ce rayon de lune entrevu avant - ou encore avant. Peut-être dormais-tu déjà un peu. Peut-être pensais-tu aux tiens qui somnolaient bien au chaud.

 

Il était tard, tu marchais lentement. Personne ne saura jamais pourquoi c’est ce moment-là que choisit le clocher du village pour sonner minuit. À peine d’ailleurs t’es-tu posé la question, alors. L’air vibrait lourdement, bronze infini roulant dans la nuit.

 

Il était tard, minuit, et tu marchais lentement. Les trois bières que tu avais bues devaient ralentir ta réflexion. Ou était-ce la nuit? Le froid? Le brouillard?

 

Comme une torpeur, un cafard imprévu t’agressa vers le ruisseau caché dans les arbres. Il était encore plus tard. Peut-être déjà trop tard?

 

L’envie de t’arrêter, de t’asseoir ou te coucher. Elle a dû venir juste après. Sans doute as-tu cherché une grosse pierre, un tronc offert, quelque chose, quoi, où t’accrocher. Sans doute as-tu cherché et n’as-tu pas trouvé.

 

Tu avais encore du chemin à faire. Mais avais-tu envie d’avancer? Et même, avais-tu envie d’arriver? N’étais-tu pas déjà arrivé?

 

Un bruit furtif a dû te faire sursauter, venant des herbes hautes, au fond, là-bas. Et tu as ri ensuite au-dedans de toi. Ri jaune. 

 

La nuit. La grosse nuit, encombrante comme un quémandeur importun. Nuit trop vieille, aigre grand-mère à héritage qui refuse de mourir. Pour vous embêter.

 

Il était vraiment tard. Pourquoi donc s’attarder? Tu voulais pourtant t’arrêter, mais tu ne pouvais pas. Cette énergie qui se dissolvait dans la nuit, sucée, rongée, écrémée. 

 

Une ferme isolée dormait non loin de la route. Se coucher dans le foin, dormir, oublier. Mais à un kilomètre de chez moi à peine? Mais s’il y a un chien? Si on me surprend? 

 

Alors, bravement, tu as continué. Bien des soirs encore, tu passeras sur ce chemin - ou sur un autre. Tu faibliras, et puis tu poursuivras. 

 

Je t’ai perdu de vue maintenant, mais je sais que tu continues. Qui dira la bravoure de celui qui marche sans arrêt dans la vie et sa banalité?

 

Mais entre nous, dis-moi, la vraie bravoure n’est-ce pas, une fois, de s’arrêter?

 

Adieu, mon gars!  

 


Jean-Jacques Corbaz, 6.10.1976   


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