Pour vous y retrouver

Bonjour! Bienvenue sur ces pages, que j'ai plaisir à ouvrir pour vous!
Vous trouverez sur ce blog différentes sortes de contributions:
- annonce (An),
- billet (Bi),
- citation (Ci),
- confession de foi (CF),
- conte (Co),
- formation d'adultes (FA),
- humour (Hu),
- image (Im),
- liturgie (Li),
- poésie (Po),
- prédication (Pr),
- réflexion (Ré),
- sciences bibliques (SB),
- vulgarisation (Vu).
Bonne balade entre les mots!

Ces œuvres sont mises à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 non transposé.

Ce blog fait partie d'un réseau de sites réformés "réseau-protestant.ch" qui vise à coordonner et rendre visibles et lisibles les publications web de la galaxie du protestantisme de Suisse romande. Voir sur ce blog la page https://textesdejjcorbaz.blogspot.com/p/blog-page.html>.

dimanche 30 juin 2019

(Co, Hu) Une belle farce à Vuarrengel

Il y avait un fois un paysan qu’on appelait « Abram du Champ des Pierres ». Il restait à Vuarrengel, dans la dernière maison à droite en montant Chollet. Les prés attenants ainsi que sa maison portaient ce nom de lieu-dit, ce qui avait fourni un sobriquet au héros de notre histoire (c’était un Fiaux d’Hermenches). (…)

Pour compléter le produit de ses quelques poses, il tenait un petit commerce d’épicerie dans une chambre derrière. (…) Sa femme, une Gonet du Praz-Folliet, débitait laine et fil, cassonade, clous de socques et le sel, car il avait aussi le débit de sel de l’Etat de Vaud. (…)


Venons-en à un soir sans lune, disons vers 1875. Notre Abram avait passé la soirée au cabaret (lisez Café du Cerf de Vuarrens), à côté de la Poste actuelle. Il rentrait chez lui avec une conception du monde nettement plus optimiste qu’en allant, due peut-être au sel qui donne soif… (…) Sur son chemin, bien sûr pas éclairé, il fait une rencontre imprévue: des jeunes du village faisant une farce.

Ici, une mise à jour s’impose pour les jeunes générations. En ces temps, souvenez-vous, pas de radio, téléphone, TV, ni même de journaux au village. Le soir, à part dormir, « aller aux filles » ou faire des farces, les jeunes s’ennuyaient.

Les farces n’étaient pas trop méchantes: pendant le sommeil des honnêtes gens et en grand silence, ils échangeaient les chevaux d’écurie, cachaient les ustensiles de la traite ou bien attachaient la brouette à fumier au fin coutzet d’un grand noyer. Ils allaient jusqu’à décharger un char de fumier tout prêt, à l’aguiller sur le toit des boîtons et à le recharger, sans oublier timon et maillons! La figure du patron, le lendemain matin, était un spectacle rare! (…)

Revenons à nos acteurs qui, surpris, s’observent dans le noir. L’équipe des farceurs, 5 ou 6, avait pris un « char noir » laissé devant une maison et allait le cacher bien loin.

Ici, il faut expliquer ce qu’était ce char noir, car il n’en existe plus. C’était un véhicule léger pour un cheval (…), peint en noir, qui servait pour le déplacement des personnes, et aussi pour les commissions à Echallens ou Yverdon. Chaque maison avait le sien.
  


L’attelage, à bras, s’arrête, prêt à détaler. Mais Abram comprend tout et, sentant sa jeunesse lui remonter d’un coup, leur dit: « Je vais avec vous », ce qui rassure l’équipe, inquiète d’être découverte par un « vieux ». On le couche entre les ridelles, et l’équipage repart au galop en bas la route du Gros Fayard. Enfin, route est un grand mot: c’était un grand chemin, bien gravelé chaque printemps, et où les grosses pierres assuraient des secots constants avec un détertin à inquiéter les darys du Bois des Ecornaz. C’était en fait la voie de communication – importante en ce temps-là – entre Orbe et Moudon, avec un trafic de gros charrois à six chevaux.

Abram, couché sur le dos, est secoué comme un petit pois sur le crible. Il se met à rigoler, effet de l’euphorie, voir plus haut, et s’exclame en hurlant: « C’est pire que le chemin de l’enfer! »
 


Pour comprendre Abram, il faut remonter dans l’Histoire vaudoise. Il y avait alors à peine 20 ans que le train passait à Chavornay (première ligne vaudoise, entre Bussigny et Yverdon, en 1855). Le choix du tracé de la voie avait fait l’objet de discussions passionnées dans les communes. Celles du Gros-de-Vaud n’en voulaient pas ; un slogan « contre » disait même que c’était là « le chemin de l’enfer ». Pourtant, celles du bas l’acceptèrent; et c’est pourquoi, paraît-il, il n’y a pas de gare à Vuarrengel! (…)
  
Notre équipage, toujours emballé, traverse le bois ; salue au passage les Mottettes endormies; et arrive au ruisseau du Buron qui coule paresseusement sous le pont de pierres. Descendant jusqu’à l’eau par le pré à Flaction, on plante le char au milieu du courant.

En rentrant au village à travers prés et bois, les jeunes « semèrent » Abram, qui soufflait épais. Cependant, il retrouva tout son acouet pour jurer et tempêter en arrivant chez lui: son char noir, qu’il avait laissé devant la grange, n’y était plus. Il l’avait lui-même accompagné jusqu’au ruisseau !

Ne trouvez-vous pas que c’était une belle farce, puisqu’on en parle encore aujourd’hui ?



 

William Gonet, paru dans l’Echo du Gros-de-Vaud vers 1990,
transmis par JJ Corbaz



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire