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dimanche 23 juin 2019

(Co, Pr) David et Saül, une déchirure qui raccommode

Narration du 23 juin 2019 - David et la violence (1 Samuel 24)


Lectures: Esaïe 9, 1-6; 2 Corinthiens 5, 17-20; Matthieu 5, 43-45


L’histoire pourrait commencer comme un film d’action: les deux hommes se regardent, mâchoires serrées, l’oeil noir... Tous deux transpirent. À cause de la chaleur, mais aussi parce qu’ils sont tendus à l’extrême, chacun guettant la réaction de l’autre. Prêts à dégainer, à se voler dans les plumes comme deux coqs agressifs!

Derrière eux, leurs troupes attendent, en retenant leur souffle. L’air est moite. David n’entend que la respiration de son ennemi, bruyante, un peu rauque. Est-ce qu’il a peur? se demande David. Avec une telle armée sous ses ordres?!? Est-ce qu’il essaie d’évaluer les forces en présence? On dirait... on dirait qu’il cherche à mettre de l’ordre dans son esprit.

David a envie de fermer les yeux. De prier. Et... de se souvenir. C’était presque aussi oppressant, quand il s’était battu contre le géant. Comment avait-il fait alors? Il n’avait pas réfléchi. Heureusement d’ailleurs, car sinon il se serait enfui! À toutes jambes! Il n’avait pensé à rien, à rien d’autre qu’au lion qu’il avait tué d’un coup de fronde, pour protéger son troupeau. Il avait fait les mêmes gestes, exactement. Machinalement, comme si quelqu’un d’autre le dirigeait depuis l’intérieur.


C’est ainsi qu’il avait gagné. Abattu le géant Goliath, le champion des Philistins! La gloire, tout soudain! La renommée, enflammée! - La gloire, oui, mais aussi le début de la peur! Et des manoeuvres par derrière, des jalousies de la cour, des coups tordus et compagnie! - Tout ce qui l’avait amené là, à se cacher dans cette caverne, à Eïn-Guédi. Et puis à se montrer, en position de faiblesse, à Saül, qui le recherche, à Saül qui veut le tuer, à Saül son pire ennemi!

Après la victoire sur les Philistins, le peuple, fier et insouciant, avait célébré en chantant. Ils reprenaient sans fin: “Saül a tué ses mille, et David ses 10 000!!” On l’avait porté en triomphe, et les plus fous disaient déjà, d’un ton exalté, qu’il ferait un bon roi! Un tout bon! Un meilleur roi peut-être que Saül!?

La légende s’amplifiait. À la tête d’une division de l’armée royale, le jeune berger avait volé de victoire en succès, et l’imagination populaire avait fait le reste. “Saül a tué ses mille, et David ses 10 000!!”

- Mmh Dix fois plus que moi! Moi, son chef, son roi! Aurait-il déjà oublié, mon peuple, tout ce que j’ai fait pour lui: les Philistins, toutes ces années de guerre?
  


Comme une pourriture, la jalousie s’était mise à ronger le coeur de Saül:
- Mais qu’est-ce qu’il a de mieux que moi? Oui, il est jeune, il est beau. Les gens l’adorent. Pourtant, c’est moi que Dieu a choisi, pour régner sur son peuple; c’est moi, et pas lui!

Saül avait mal. Mal à sa couronne, et peut-être même mal à sa foi. Mal à son culte. Les regards admiratifs que les filles de Jérusalem lançaient sur David devenaient pour Saül des insultes. Même ses enfants Mical et Jonathan ne voyaient de beau que ce jeune berger frondeur.
Trop, c’est trop! Et un jour que David chantait une de ces chansons modernes qui lui couraient sur le fil, Saül avait vu les yeux de Mical, tout ronds, émerveillés, béats...
- Oh non, ma fille, pas toi!

Saül avait disjoncté. Empoigné sa lance, et... essayé de transpercer le jeune coq! Lequel avait évité le coup, comme par miracle. Puis s’était enfui, loin dans la montagne...
 


Depuis régnait la guerre civile. Le pays s’était divisé en deux: d’un côté les partisans du vieux roi, les loyalistes; et de l’autre,  la bande à David, les fougueux, les têtes brûlées.

Guérilla; échauffourées à coups de pierre, à coups d’épées; razzias, pour se ravitailler... La violence était montée; avec l’angoisse et la peur; la colère et la haine. Espions, délations... Tous les coups étaient “bons”.

Jusqu’à cette rencontre, enfin, devant la grotte, à Eïn-Guédi. Harassée par la poursuite, la bande à David s’était réfugiée au fond de la caverne, pour souffler un peu et panser ses blessures. Elle savait l’armée royale sur ses talons.

Mais voilà que, sans le savoir, Saül s’était arrêté au même endroit. Pile devant la grotte, il avait ordonné une pause. Un besoin naturel, comme on dit. Le roi s’était isolé derrière un rocher, juste à l’entrée; s’était accroupi (joli terme des Anciens pour parler d’autre chose, que vous devinez!); il s’est retrouvé là seul, sans défense, à quelques mètres de son mortel ennemi!
  
Les compagnons de David se sont dit que la chance avait tourné. Ils l’ont poussé en avant: “Va-s-y, il est à toi, Dieu le livre entre tes mains! C’est la fin de nos persécutions!”
  


La belle occasion a fait frissonner le jeune chef de guerre. Mais alors c’est un combat intérieur qui s’est engagé dans son coeur: Tuer celui que Dieu a choisi pour régner sur Israël? Mais c’est céder au piège, au cercle vicieux de la violence... Pourtant: c’est aussi  la fin de tous mes ennuis. Il ne me voit pas, un seul coup suffira. Si souvent nous avons prié le Seigneur qu’il nous délivre de ce roi paranoïaque...

David s’est levé, doucement; doucement... sans bruit... Il s’est approché... à pas de chat... Et soudain, vif comme un serpent qui mord, a sorti son épée et... coupé un morceau du manteau de Saül.

Saül qui n’a rien vu, rien senti. Qui s’est levé, royalement  soulagé (!) - et qui a rejoint ses troupes. Pendant que David,  dans le silence de la caverne, David affrontait le regard de ses compagnons fâchés, qui n’avaient rien compris. Qui le traitaient intérieurement de lâche, de faible... Qui s’apprêtaient à jaillir de l’ombre pour attaquer le roi à sa place.

Alors, David s’est relevé. Il s’est interposé entre les deux armées. Lentement, le coeur battant, il est sorti de la grotte, jusqu’en plein soleil. Face à Saül, face à l’armée royale qui le traquait, ébloui de lumière, il a appelé:
- Majesté!?  ...  Majesté!?

Saül s’est retourné, surpris.
- Majesté! Pourquoi écoutes-tu les mauvaises langues qui te disent que je te veux du mal? Regarde: tout-à-l’heure, à l’entrée de la caverne, je te tenais au bout de mon épée. Vois ce morceau de ton manteau... J’aurais pu te tuer. Mais j’ai dit: non! Non, jamais je ne porterai la main sur mon roi!


 

 

Et voilà pourquoi les deux hommes se regardent maintenant, crispés; en sueur... Prêts à dégainer. Sous les yeux de leurs troupes, qui retiennent leur souffle... Un seul geste de Saül, et: c’est la tuerie, effroyable!

Le roi ouvre la bouche. Il va donner des ordres. Ses lèvres bougent, mais aucun son n’en sort... Ses joues brillent, des perles de sueur coulent, mais... mais non, ce... ce sont des larmes?! Saül pleure!?

- David, c’est toi? David...
L’émotion l’empêche d’en dire davantage. Puis il se reprend:
- David, tu es plus juste que moi. Je t’ai fait du mal... et toi... Tu m’as épargné!”

Dans les rangs des deux armées, on sent la tension qui tombe. Les mains se décrispent. Les soldats reposent leurs armes. Et chacun peut voir une colombe qui survole paisiblement la caverne d’Eïn-Guédi, ses rochers, ses ombres...

D’habitude, quand le roi rejoint son gibier, il n’a pas de pitié. Quand un chef d’armée tient son ennemi au bout de son épée, il ne le laisse pas continuer tranquillement son chemin... Aujourd’hui, pense-t-on, aujourd’hui la bonté, l’espoir de paix sont plus forts que la haine.

Je le sais, dit Saül à David, un jour, c’est toi qui seras le roi de ce peuple. Et un jour, bien plus tard, sur l’arbre des générations et des générations, un rameau portera le nom de Fils de David. On l’appellera Roi merveilleux, Conseiller, Dieu fort; Prince de la paix. Aux humains de bonne volonté, il proclamera: Heureux les créateurs de paix, ils seront appelés “enfants de Dieu”!
  


Maintenant, c’est David qui pleure. De joie; de soulagement. Et là-haut, encore, c’est même Dieu qui pleure. Heureux que sa volonté soit faite, sur la terre...

Mais il le sait, mais nous le savons: il restera encore des milliers, des millions d’occasions où, là aussi, la paix se jouera sur... un souffle... une obéissance...

Saurons-nous, comme Saül, comme David, la saisir?
...
...

Amen
                   
Jean-Jacques Corbaz 


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