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dimanche 23 mai 2021

(Pr, Bi) Pentecôte : une fête étrange

Méditation : les gémissements de l’Esprit

 
La fête de Pentecôte est certainement l’une des plus étranges de l’année chrétienne.
J’entendais l’autre jour des jeunes discuter dans le train de ce week-end particulier dont le principal intérêt à leurs yeux - et la seule chose qu’ils en comprenaient - est qu’il se prolonge par un lundi de congé.
Le terme de Pentecôte signifie littéralement 50 jours après Pâques. Il s’agissait dans le judaïsme ancien de la fête des moissons[1]. La tradition rabbinique y a ajouté une autre dimension en en faisant également la fête du don de la loi aux Israélites. On y célébrait donc à la fois la prodigalité de la nature nourricière et la bonté de Dieu qui offre à son peuple les nourritures tant terrestres que célestes.
Dix jours après l’Ascension de Jésus auprès de son Père,[2] c’est lors de cette fête que le Saint-Esprit se mit à animer les premiers chrétiens pour la première fois,
Mais l’Esprit – ou le Souffle – divin est déjà présent dès le début de la Bible, puisque le livre de Genèse nous dit qu’avant même la création du monde, le souffle de Dieu agitait déjà la surface des eaux.[3]
Il s’agit là de l’entité la plus mystérieuse de la trinité, à côté du Père et du Fils. Mais elle n’en est pas moins essentielle, puisqu’on dit du Saint-Esprit qu’il est la présence agissante de Dieu dans nos vies et dans notre monde.
Alors, la question se pose immédiatement : que fait-il donc, cet Esprit divin censé être ainsi à l’œuvre ?
Il est vrai qu’on pourrait être tenté de répondre qu’on voit surtout ce qu’il ne fait pas : il n’arrête pas les guerres, il n’empêche pas les catastrophes naturelles, il laisse faire les injustices et se développer les maladies, il ne supprime ni les souffrances, ni les douleurs, ni les violences, ni la méchanceté, toutes choses dont nous serions tellement heureux d’être débarrassés.
Face à toutes nos attentes à son égard, on dirait qu’il continue de planer, très loin au-dessus de nos têtes et de nos soucis, indifférent à nos misères…
 
Le mode opératoire du Saint-Esprit
Le récit des Actes des Apôtres qui raconte la première Pentecôte décrit en fait très bien le mode opératoire du Saint-Esprit[4] : il agit à l’intérieur des croyants. S’il ne transforme pas le monde, il transforme des êtres humains. Il les rend témoins actifs de l’amour infini que Dieu porte à chacune de ses créatures.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cela ne va pas de soi. Déjà, lors de cette toute première effusion de l’Esprit parmi les apôtres, ceux qui en furent spectateurs se moquaient d’eux en les traitant de soûlons.
Peut-être entendrait-on aujourd’hui des mots tels que ʺdoux rêveursʺ ,ʺidéalistesʺ ou ʺnaïfsʺ.
Mais même parmi les chrétiens, l’action du Saint-Esprit a eu du mal à être comprise. L’apôtre Paul aura ainsi fort à faire pour convaincre les Corinthiens qu’il ne s’agissait pas d’entrer en compétition pour savoir lequel d’entre eux était le plus inspiré, comme s’il était possible d’obtenir une dose plus puissante de Saint-Esprit qu’un autre. La marque de l’Esprit, c’est l’amour, leur expliquera-t-il.
Et l’amour est par essence à l’opposé de toute comparaison, de tout classement.
 
Les gémissements de l’Esprit
Une fois posées ces quelques balises, j’aimerais m’arrêter maintenant sur une des caractéristiques de l’Esprit Saint qui m’avait échappé jusqu’à ce jour. Je l’ai trouvée dans la lettre que Paul adressa aux Romains. Il leur écrit ceci : « L’Esprit nous vient en aide dans nos faiblesses, car nous ne savons pas prier comme il faut, mais l’Esprit lui-même intercède pour nous par des gémissements inexprimables. »[5]
Ainsi donc, d’après Paul, une des particularités de L’Esprit de Dieu, c’est qu’il gémit. Plus précisément, qu’il porte par ces propres gémissements notre faiblesse humaine vers Dieu.
Cette action du Saint-Esprit, qui part du plus profond de nous-mêmes pour aller jusqu’à Dieu, a de quoi nous étonner. Car d’habitude on imagine plutôt que le souffle divin intervient dans l’autre sens, qu’il descend du ciel pour remplir les humains de la présence divine.
Mais ici, le mouvement va bel et bien de bas en haut. Le Saint-Esprit fait monter notre détresse jusqu’à Dieu.
D’autre part, notons qu’il le fait par le biais de sons inarticulés. Le contraste avec la foison de langues que les apôtres se mirent à parler au jour de Pentecôte est singulier.
Ainsi, lorsqu’il descend, le Saint-Esprit se manifeste par des paroles qui rejoignent le cœur de chacun, d’où qu’il vienne. Mais lorsqu’il monte du plus profond de nos marasmes humains, il semble alors ne plus avoir de mots.
On sait que le fait de ne pas pouvoir mettre de mots sur nos maux est l’un des aspects les plus angoissants de nos souffrances.
Pouvoir nommer ce qui nous meurtrit, c’est une façon de l’extérioriser, de le contenir.
Par ses gémissements, l’Esprit nous rejoint donc dans ce niveau infra-verbal, là où la souffrance nous broie et nous laisse sans voix, comme en écho au grand cri poussé par Jésus juste avant d’expirer.
Mais Paul nous encourage: grâce aux gémissements de l’Esprit, nous dit-il, les nôtres ne sont pas que des cris de douleur qui se perdent dans la nuit, mais ils sont déposés devant Dieu.
Et ils nous conduisent ainsi à une transformation intérieure marquée par ce que Paul appelle la libération.
Pour illustrer sa pensée, il utilise alors l’image de l’accouchement.[6] De même que la mère se trouve libérée de ses souffrances et apaisée suite à la naissance de son enfant, de même en sera-t-il pour nous.
Mais pas que pour nous, car il est encore un troisième gémissement qu’il nous faut entendre.

En écho aux gémissements de la création
Ce troisième gémissement, c’est celui de la création, dont l’apôtre nous parle en disant ceci : « La création tout entière souffre et gémit. »[7]
Il est frappant de redécouvrir aujourd’hui ces lignes écrites il y a près de 2000 ans et qui résonnent si forts dans notre contexte contemporain. Notre époque est en effet caractérisée par la crise écologique, par la maltraitance dont la nature est victime de la part de l'espèce humaine.
Il est évident que lorsqu’il parlait des gémissements de la création, Paul les entendait autrement que nous. Alors que nous songeons aux désastres écologiques de notre époque (diminution drastique de la biodiversité, déforestation, fonte des pôles, etc…), lui devait se référer aux cataclysmes et aux déchaînements des éléments naturels auxquels il a dû faire face, notamment lors des nombreux naufrages auxquels il a miraculeusement survécu[8]. Il a eu tout loisir alors d’entendre les gémissements du vent dans la tempête, le fracas des vagues et les grondements du tonnerre.
Cela ne nous interdit pourtant pas d’y ajouter le tumulte des icebergs qui s’effondrent dans l’océan Arctique, le crissement des glissements de terrain, les crépitements des incendies de forêts et les cris désespérés des animaux qui en sont victimes.
Quoi qu’il en soit, que ces gémissements soient dus ou non aux actions humaines sur la planète, il est significatif de voir Paul englober la création dans le projet de salut divin. 
 
La souffrance comme un creuset
Car le projet de Dieu est bien un projet de salut universel, et ce aussi bien pour les humains que pour la création. Paul affirme en effet qu'aussi bien la création que chacun d’entre nous serons libérés des souffrances qui nous font gémir.
C’est là l’espérance chrétienne, forgée précisément sous l’action des gémissements de l’Esprit Saint.
Pour Paul, nos souffrances apparaissent ainsi comme une sorte de creuset.
Bien qu’elle n’ait aucun sens ni aucune justification en elle-même, la souffrance fait malheureusement partie de chacune de nos vies.
Mais à ce titre, elle est aussi un des lieux privilégiés de l’action divine.
Car, de même que le Christ est passé par un chemin de souffrances pour aboutir à la vie nouvelle du matin de Pâques, de même, nos chemins de douleurs ne seront pas sans issue.
Cela n’empêche hélas ni la souffrance, ni les gémissements, ni la révolte, ni l’angoisse. Mais cela nous donne une force de résistance, voire de résilience qui nous redonne la parole et nous pousse à l’action, pour transformer nos souffrances et celles de la création en autant de combats pour la vie.
 
Entre gémissements et espérance
Car si les gémissements de l’Esprit nous ouvrent une perspective, ils nous confèrent également une responsabilité.
« La création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu » [9], écrit encore Paul.
Je l’ai rappelé plus haut, l’Esprit intervient dans le cœur des humains pour les transformer, plutôt que dans le cours des choses.
S’il porte nos gémissements jusqu’à Dieu pour que s’opère en nous cette transformation, c’est à nous qu’il incombe désormais de soulager la création de ses propres gémissements, pour lui apporter ce soulagement qu’elle attend – nous dit encore Paul – elle aussi avec impatience.
Cette attente, elle est particulièrement palpable aujourd’hui.
Comment ferons-nous pour montrer qu’une vie humaine respectueuse du vivant est possible, pour le bonheur des humains et le salut de la création toute entière ?
C’est la question qui nous est posée en ce jour de Pentecôte.
Inspirés par l’Esprit qui transforme nos gémissements en espérance, et donc en paroles et en actions salutaires. 
Joyeuse fête de Pentecôte à vous !

Christian Vez
 

[1] Deutéronome 16,9-11
[2] Actes des apôtres 2,1-13
[3] Genèse 1,2
[4] Actes 2, 1-13
[5] Romains 8,26 (Vous trouverez ci-dessous la réécriture que j’ai faite de ce passage étonnant qui se trouve dans l’épître aux Romains, chapitre 8, versets 18 à 27.)
[6] Romains 8, 22
[7] ibid
[8] 2 Corinthiens 11,26
[9] Romains 8, 19 (on peut bien sûr ajouter aussi les filles !)
 
Romains 8, 18 - 27
 
J’estime que les souffrances que nous connaissons actuellement ne font pas le poids face à l’intensité de la présence de Dieu qui se manifeste en nous et entre nous.
C’est un fait : la création soupire avec impatience pour que cette présence se manifeste par le biais des enfants de Dieu. Si elle s’est retrouvée livrée au pouvoir du néant, ce n’est certes pas de sa faute, mais par le bon vouloir de Celui qui l’y a livrée. Mais elle garde pourtant une espérance. Car elle sera elle aussi libérée de son carcan. Et elle aura également part à la libération et à la plénitude des enfants de Dieu.
Nous le voyons bien : la création tout entière souffre et gémit, telle une femme en train d’accoucher. Et elle n’est pas la seule : nous aussi, qui avons commencé à vivre du Souffle divin, nous gémissons également en attendant la plénitude de notre adoption divine et la délivrance de notre condition humaine.
Si nous avons déjà été sauvés de nous-mêmes, c’est pourtant encore une espérance qui ne tardera pas à s’accomplir pleinement.
Mais voir ce qu’on espère, ce n’est plus espérer. Comment espérer en effet ce qui est déjà sous nos yeux ? La seule manière d’espérer vraiment, c’est de tendre vers l’accomplissement de cette espérance avec persévérance.
D’ailleurs, le Souffle divin nous aide dans cette tâche, nous qui sommes encore si maladroits dans notre relation nouvelle avec Dieu. Il porte nos gémissements et nos balbutiements auprès de Dieu et s’en fait l’interprète et ne cesse de nous accorder au désir de Dieu pour nous.

(Réécriture de Christian Vez)
 
  

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