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lundi 21 août 2023

(Pr) Le chemin difficile de la réconciliation

Lectures bibliques: Genèse 37, 3-8; Genèse 42, 1-13 + 17-24a; Marc 9, 2-9

Une vieille histoire. Deux époux se disputent; le ton monte, vous connaissez! Aucun ne veut céder. Chacun argumente avec quelques kilos de mauvaise foi. À la fin, Madame, pour sauvegarder la paix du ménage, décide de lâcher prise. «Ecoute, dit-elle à son mari, tu avais raison, je me rallie à ton idée». Mais Monsieur, toujours autant fâché, s'écrie alors: «Trop tard, moi aussi, j'ai changé d'avis maintenant!»...

Il n'est pas facile de se réconcilier. Quand la colère s'ajoute aux rancunes, culpabilités et autres fiertés mal placées... l'addition devient souvent lourde. Essayez de compter combien de fois, en une semaine, vous en voulez à quelqu'un; combien de fois vous êtes fâché, énervé ou jaloux... Vous voyez à quel point ces sentiments sont liés à ce que j'appelle notre «épaisseur humaine».

Entre Joseph et ses frères, donc, ce n'est pas l'amour parfait! D'un côté, il y a le chouchou du papa, celui qui est toujours favorisé; et qui sait bien en profiter; et qui n'en rate pas une pour se mettre en avant!

De l'autre côté, les dix aînés. Des demi-frères, en fait, dont on comprend la jalousie. Jacob n'avait jamais aimé que Rachel, et il fait de même avec ses deux fils: Benjamin, le petit dernier; et surtout Joseph, l'ambitieux, l'intelligent, le surdoué; Joseph qui a tout pour réussir une grande carrière. Sauf… sauf qu'il est un peu trop arrogant! Il faudrait lui apprendre à vivre!

C'est ainsi qu'un jour, la colère des dix frères éclate. Joseph est vendu comme esclave à des marchands qui vont en Egypte. Bon débarras! Ciao bonne nuit!


Peut-être bien que cette humiliation a été riche d'enseignements pour Joseph. Il a dû faire l'expérience de la haine qu'il avait lui-même provoquée. Il a dû découvrir ses propres responsabilités, ses limites... D'aller en Egypte, ça lui a fait faire du chemin!

D'autant plus que, dans tout ce temps, Dieu ne l'a pas abandonné. Au contraire, Dieu utilise ce temps de souffrances, d'esclavage et de prison, pour faire de Joseph l'un des plus importants fonctionnaires du royaume d'Egypte, à travers les rêves prémonitoires à propos du grand échanson et du chef pannetier, puis sur les sept vaches grasses et les sept vaches maigres. Grâce à lui, l'Egypte peut éviter le fléau de la sécheresse et de la famine.

Pendant ce temps, Jacob et ses 11 autres fils végètent. La disette est terrible, la mort menace. «Il paraît qu'il y a du blé en Egypte, dit le père. Pourquoi restez-vous là les bras ballants?». On comprend l'hésitation des fils. Le voyage en Egypte sera pénible. Et il va les obliger à commencer un autre voyage, intérieur celui-là, à la rencontre de leur vieille haine pour Joseph; à la rencontre aussi de toute la culpabilité qui a suivi leur vengeance. Ils ne le savent pas encore, bien sûr! Mais tout ce qui était profondément enfoui en eux, tout ce qu'ils cachaient à leur père, va resurgir devant eux.

Après un long trajet, c'est la rencontre avec Joseph. Ses frères se prosternent devant lui, et ils accomplissent du coup ce que prédisaient les rêves des gerbes et des étoiles. Ils ne le savent pas, mais leur cadet, lui, le comprend.

Mais pourquoi, se demande-t-on, pourquoi Joseph ne se fait-il pas reconnaître tout de suite? Pourquoi cette espèce de prise d'otage? Est-ce qu'il veut se venger?

Peut-être. Il est possible qu'il soit partagé entre d'une part la haine et de l'autre la joie de revoir ses frères, et l'envie de leur pardonner. Mais l'intérêt de ce chapitre me semble justement dans ce temps que Joseph offre à ses aînés, voire à son père, et qu'il s'offre à lui-même, avant la réconciliation. On dirait qu'il pratique une sorte de pédagogie, pour amener ses frères à accepter sa réconciliation, sans rester dans l'opposition!
 
Joseph a fait lui-même du chemin, il a compris qu'en voulant écraser ses aînés, il avait provoqué son malheur et celui de tous. Alors, il veut aider ses frères à faire un chemin semblable: à traverser l'échec, l'angoisse, la perspective de la mort, pour renaître à la lumière de la réconciliation.

Joseph évite autant le pardon rapide et superficiel que la vengeance à manger froid. Il va faire mûrir ses aînés, à travers les épreuves (pas très fraternelles!) qu'il leur inflige. Ces épreuves qu'il a lui-même de la peine à supporter: le texte souligne plusieurs fois qu'il doit se cacher pour pleurer, il ne maîtrise pas son émotion.
 
Cette pédagogie du chemin finira par porter ses fruits: dans les chapitres suivants, vous le savez, Jacob et ses fils viendront en Egypte, et la grande réconciliation pourra se produire.

Pédagogie du chemin, donc. Pédagogie du miroir aussi. Parce qu'elle nous renvoie à nous-même. Elle oblige les frères à prendre conscience progressivement de l'horreur qu'ils ont commise. Ils découvrent un lien, une symétrie entre ce qu'ils subissent maintenant et ce qu'ils ont infligé à Joseph, autrefois. Serait-ce une punition de Dieu, se demandent-ils?
 
Mais justement, Dieu, dans cette histoire, il est où? que fait-il? Direz-vous. Contrairement à tant d'autres passages de la Genèse, où il dirige pas à pas les événements, Dieu est ici d'une ahurissante discrétion. Il n'intervient pas, ni pour punir ou venger; ni pour appeler à la réconciliation. Dieu n'est présent ici qu'en filigrane, à travers la patiente pédagogie de Joseph; et aussi, je crois, à travers ses larmes. Cette discrète tendresse qui fait fondre le coeur.
 
Pour nous, chrétiens, se dessine bien sûr, derrière la figure de Joseph, celle du Christ. Lui aussi, il a caché longtemps sa véritable identité, quand il demandait aux disciples de ne parler à personne de ce qu'ils vivaient auprès de lui... Lui aussi a dû laisser longtemps mûrir nos haines, jusqu'à Vendredi saint et Pâques, pour enfin faire éclater son pardon! Lui aussi veut travailler nos culpabilités rentrées, nos vieilles rognes, si profondes... Et ça prend du temps, jusqu'à ce que nous nous laissions réconcilier! Permettez ce clin d'oeil: Joseph, ici, est bien le père de Jésus!
 
Cette pédagogie du chemin et du miroir, c'est aussi celle de Dieu. Nous ne pourrons accepter son pardon que si nous arrivons à nous regarder lucidement, comme nous sommes, avec nos faces d'ombre aussi. Nous avons besoin de vérité profonde pour nous réconcilier.

Tout cela est vrai pour notre relation avec Dieu, mais aussi pour nos rapports avec nos semblables. La Bible nous appelle à nous réconcilier les uns les autres, non pas en effaçant tout d'une pirouette, mais en allant profondément à la recherche de nos vérités. En nous connaissant réellement, nous-même et nos frères. Et en reconnaissant que la fraternité n'est pas au départ. Elle est au bout du chemin.
 
Ce récit nous fait découvrir, une fois de plus, qu'aimer en chrétien n'est pas facile. Ce n'est pas un sentiment superficiel où «tout le monde il est beau et gentil». C'est un long chemin, à la rencontre de nous-même et de nos fraternités.
 


Une dernière remarque. On a découvert depuis quelques années l'importance des systèmes où tous nous gravitons. En médecine, dans les sciences humaines, dans l'étude de l'environnement ou l'économie, on voit combien nous sommes reliés les uns aux autres, et interdépendants. Les éléments d'un système, pour être sains, ont besoin que l'ensemble le soit aussi.
 
C'est déjà ce que souligne ce récit du début de la Bible. Les enfants de Jacob font semblant d'être 10, alors qu'ils sont 12. Ils devront se faire laminer par Joseph, dans une sorte d'interrogatoire policier, pour reconnaître cela. De même, Jésus vient interpeller les hommes qui voudraient oublier une partie d'entre eux. Les négliger. Il ira vers les exclus de son temps: les lépreux, les prostituées, les collecteurs d'impôts...
 
Être chrétien, aujourd'hui, ce n'est pas seulement se laisser réconcilier avec Dieu. C'est aussi se mettre en chemin vers les plus exclus de ses frères et soeurs, ceux qu'on voudrait oublier. Et là, je vous laisse établir votre liste à vous! Pour moi, aujourd'hui, je pense aux réfugiés, aux sans abri, aux jeunes «paumés» tentés par la violence gratuite... Je le crois, même si ça paraît utopique: la vraie réconciliation ne sera possible que quand la famille entière sera rassemblée dans un amour lucide; dans un authentique pardon. Et... sans changer d'avis au gré de ses disputes! Amen.

Jean-Jacques Corbaz


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