Christ ressuscite, salut la vie!
Il y a 23 ans, c’était le slogan de la campagne «Pâques 91». Vous en souvenez-vous? En blanc sur fond bleu. Il m’a paru bon de le rappeler ce matin.
Christ ressuscite. Pourquoi donc proclamer ce qui semble pour beaucoup une évidence? On le sait bien, Monsieur le pasteur, tous les croyants sont au courant, depuis presque 2000 ans, qu’il est ressuscité! Et puis, par chez nous, on n’aime pas tant ces déclarations un peu trop triomphantes et trompettueuses...
Avez-vous remarqué? Je viens de faire comme bon nombre de gens de nos Eglises: j’ai rajouté un millimètre d’encre dans ce slogan. On l’a entendu, on l’a lu trop souvent sous cette forme: “Christ ressuscité, salut la vie!”
Même des pasteurs, même des membres du synode ont fait l’erreur! Mais pourquoi veut-on toujours rajouter ce petit trait, cet accent aigu sur le “e” de “ Christ ressuscite”? C’est presque grave!!?!
Qu’est-ce que ça change? Vous l’avez sans doute compris: l’accent aigu met le verbe au passé. Christ est ressuscité, on le sait bien, c’est un fait acquis. C’est du passé; bien délimité, bien cloisonné. En poussant un peu, on pourrait même dire: comme ça, on ne risque pas de se faire trop surprendre, trop bousculer.
Mais non: ce que ce slogan veut dire, c’est que Christ, aujourd’hui, ressuscite. L’essentiel n’est pas tellement de le savoir, mais bien plutôt d’être au courant... Je veux dire: de se laisser entraîner par son courant, à la résurrection, comme une rivière. De se faire dynamiser, mettre en marche par elle, comme un train électrique qu’on branche sur la prise; qu’on met au courant!
C’est déjà l’expérience des premiers apôtres, témoins de la résurrection, au matin de Pâques. Ou plutôt, témoins de pas grand-chose, puisqu’ils n’ont vu qu’un tombeau ouvert. Et vide. Comme un gigantesque appel à mettre en route des forces inconnues, au plus profond d’eux-mêmes, des élans branchés sur le coeur, et pas sur la raison.

Et cette présence mystérieuse, qui est décrite dans l’évangile de Luc comme deux hommes aux vêtements brillants, cette présence parle. Aux femmes qui apportaient les parfums des trépassés, elle dit: “Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant?” Vous vous trompez d’adresse! Jésus n’habite plus à l’impasse du cimetière, il anime la fête au boulevard de la liberté!
“Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant?” Et voilà, ces femmes ne savent tout à coup plus que faire de leurs aromates et de leur résignation. Elles repartent en courant. Elles sont maintenant au courant!
Pour nous, paroisse; pour nous, Eglise; en ce dimanche de fête, ces femmes ne sont-elles pas un signe? Signe que nous marchons en vain si nous ne voulons qu’embaumer Jésus dans nos routines ou nos résignations; si nous ne mettons notre foi que dans un mort? Dans un personnage qui a existé, c’est tout, et qui fait partie de l’histoire?
On voit depuis peu des théologiens qui se demandent gravement si la résurrection est un fait historique ou non. C’est une bonne question! Mais il me paraît encore plus fondamental de s’interroger si la résurrection n’est qu’un fait du passé; ou si elle agit sur nous, aujourd’hui!?! Si elle nous met en marche (ou en course!) nous aussi! Si elle nous transforme!?
Comme le dit cette jolie boutade: “Ce serait plus facile pour nos contemporains de croire au miracle de Pâques... si les chrétiens étaient eux-mêmes davantage ressuscités!”
Comment l’événement que nous célébrons ce matin modifie-t-il vos vies? Quelles couleurs, quelles légèretés d’être vous offre-t-il, jour après jour? Quel regard vous permet-il, sur le monde, sur l’histoire; sur les hommes et les femmes qui y espèrent?
Je me dis parfois que les oeufs de Pâques seraient tellement plus évangéliques s’ils n’étaient pas cuits dur, mais s’ils allaient éclore d’une vie nouvelle!

“Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant?” - On se trompe d’adresse, décidément, quand on le cherche dans les livres d’histoire, à la même page que Ponce Pilate. Vingt siècles ne parviendront pas à l’embaumer, pas plus que les femmes de notre récit avec leurs aromates. Lui, il échappe à tout enfermement, à toute limite.
Vivre avec lui, ce n’est pas être en retard sur le monde. Au contraire, c’est être en avance. C’est vivre à son heure à lui. Et parfois même courir, comme les femmes de Luc, comme les douze, et comme ensuite les pèlerins d’Emmaüs retournant à Jérusalem.
Pâques, c’est toujours d’être remis en route. Ranimé, r’animé en joie, en espérance. En pétillements de vie et de tendresse, que nous ne recevons jamais si bien que quand nous les donnons. Et que nous ne donnons (of course!) jamais si bien que quand nous les recevons.
Et c’est pourquoi j’ai un plaisir particulier à vous partager tout ça lors de ce culte, qui a été précédé d’un petit-déjeuner partagé en communauté, où nous avons donné et reçu notre joie, notre espérance, nos pétillements de vie et de tendresse, entre 9h et 10h15. Quel bon moment de fête!
Christ ressuscite, salut la vie! Salut comme bonjour, et bonjour comme salut, ça veut dire: on est sauvé.
Tout à l’heure, en recevant le pain et la coupe, signes qu’il est vivant, nous laisserons-nous mettre au courant? Aujourd’hui déjà: ressusciter? Amen

Jean-Jacques Corbaz
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