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samedi 27 décembre 2014

(Ci, FA, Vu) «Le Noël chrétien, c’est l’espoir né de la faiblesse» (Marion Muller-Colard)

Marion Muller-Colard: «Le Noël chrétien, c’est l’espoir né de la faiblesse»

Théologienne protestante française, Marion Muller-Colard invite à quitter en même temps nos angoisses et la pensée magique pour se rapprocher de la confiance qu’un enfant nommé Jésus de Nazareth a mise en nous.

Que représente pour vous le message de Noël?
Au-delà d’un héritage culturel, je me sens une chrétienne convaincue. Ce qui est pour moi très fort dans le message de Noël, c’est que Dieu prenne corps. L’incarnation. J’aime d’ailleurs bien appeler Dieu «le très concret». Un Dieu qui se réduit à l’état d’enfant et qui se met en situation d’extrême vulnérabilité. A partir du moment où Dieu prend suffisamment au sérieux la situation humaine pour se l’infliger à lui-même, cela limite fatalement son pouvoir d’action. Il entre dans cette interdépendance totale spécifique du nouveau-né humain. Il y a un renversement inédit: c’est Dieu qui se met entre nos mains.

Et c’est pour cela qu’il faut dépasser le débat entre justice et injustice?
Voilà. Je ne crois pas en une justice immanente. Ou en tout cas, il y a des situations qui ne me paraissent pas pouvoir être vues sous l’angle de la justice. Vouloir réduire la réalité à cette impossible question binaire met face à un écueil insurmontable. Parce que cela sous-entend une intention de Dieu dans tout ce qui arrive.

A Noël, un grand espoir naît donc d’une totale faiblesse?
Voilà. Le Noël chrétien n’oppose plus la fragilité et l’espérance. Si j’osais, je dirais que pour moi, c’est ce que l’Eglise n’a pas compris pendant longtemps en situant Dieu du côté du pouvoir absolu. Ce qui met en marche d’abord les Rois mages, puis les apôtres, puis les disciples, puis toute l’Eglise qui s’ensuit, trouve son origine dans le message d’un Dieu qui prend part à la vulnérabilité. Avec une vraie prise de risque. Au départ, l’Evangile n’est pas un catéchisme, c’est un appel à l’amour et à la liberté, incarné en la personne de Jésus de Nazareth. C’est cela que je trouve très crédible dans la religion chrétienne. Je souffre devant beaucoup de torsions de ce message, qui font perdre sa véracité profonde à l’Evangile. C’est un trésor, à condition d’être prêt à le recevoir.

C’est-à-dire?
Nous sommes tous plus ou moins angoissés en tant qu’humains. On naît en pleurant. Nous sommes sans cesse ballottés par des déracinements. A partir du moment où nous sortons du ventre maternel, nous vivons des successions d’expulsions, de réadaptations... Pour nous prémunir contre l’angoisse, nous développons une sorte de réflexe psychique que j’appelle l’Enclos et dont on fait de Dieu le gardien. C’est Satan, dans le Livre de Job, qui l’appelle ainsi. Une tentation de recréer sans arrêt un cadre qui nous protège, qui nous rassure. La religion dans ce qu’elle peut avoir de réducteur, la famille, le travail. Mon ministère d’aumônier en hôpital m’a amenée à rencontrer des gens dont l’Enclos était fissuré. Un mariage qui s’écroule par exemple, le départ des enfants qui renient l’éducation reçue... la croyance en un Dieu tout-puissant se heurte à la réalité. Et tout s’écroule. On a besoin de réduire pour rendre l’incompréhensible compréhensible. Mais il y a des moments de vie où l’on rebascule dans l’insondable. Et l’on se rend compte que cette réduction a forcément ses… limites. Or ces situations d’extrême vulnérabilité peuvent être l’occasion de redécouvrir qu’en dépit de la menace qui plane sur chacune de nos vies, l’immense, c’est nos vies elles-mêmes, c’est une œuvre d’art sublime...

Permettez-moi ce jeu de mots, mais la toute- puissance, n’est-ce pas de tout temps le job de Dieu?
Oui, c’est ce qu’on lui a longtemps demandé. Mais ça ne fonctionne pas. A part sur l’illusion. Rien n’empêche Job de penser que si tout va bien aujourd’hui, c’est parce qu’il a récité les prières qu’il devait, accompli les bons rituels, etc. C’est ce qu’on appelle la doctrine rétributive. Evidemment, pour tenir les gens, rien de mieux que de les apeurer et tout de suite après de leur proposer une solution imparable. C’est ce qui m’a passionnée dans le Livre de Job, qui montre justement l’échec de cette théologie rétributive. Dieu pourrait m’éviter de tomber malade, mais il n’a pas pu éviter Auschwitz? C’est un non-sens.

Mais n’est-ce pas cela, croire?
Je suis spontanément croyante, même si je respecte tout à fait le point de vue athée voyant notre existence comme une série de hasards. Et précisément pour cela, je n’ai pas envie que l’on dise n’importe quoi sur le Dieu créateur. Je ne peux pas croire en un Dieu qui préserve ceux qui prient pour lui et enfonce les autres. De plus, cette lecture de Dieu mène à la double peine face à une épreuve: non seulement on souffre, mais en plus on se sent maudit, puni de ne pas avoir assez cru. Je n’imagine pas Dieu aussi mégalomaniaque que nous. Si l’image de Dieu participe à notre malheur, c’est certainement que nous nous trompons...

Reste la grande question: comment faire confiance en un Dieu qui ne nous protège pas du mal?
En fait, cela dépend sur quoi repose la confiance. Si on l’entend comme une sorte de protection absolue contre le malheur, il y a bien des chances d’être déçu. Beaucoup de gens renient alors Dieu. C’est ce que j’appelle la relation contractuelle: avoir placé Dieu comme garant de mon bien-être et ma sécurité. Soudain, si je vis une épreuve, je rejette tout en bloc et je pense m’être fait flouer. Comme Job qui a cette colère contre un Dieu qui n’a pas respecté le contrat. La foi, comme la confiance, doit pour moi se situer hors de l’enjeu de la sécurité. En restant dans une relation positive avec un Dieu dont je suis persuadée qu’il ne pactise pas avec le mal et le chaos, mais que, quoi qu’il arrive, il m’encourage, il me porte et me pousse à refaire le pari de la vie.

Cette vision ne vide-t-elle pas un peu le ciel, quand même?
Non parce que dans l’appel à la transcendance se trouve la force supérieure de l’inspiration que l’on appelle l’Esprit saint. Qui permet de me recentrer sur l’essentiel. Croire en sa présence, c’est aussi concevoir que je ne porte pas le monde toute seule, que tout ne repose pas sur mes épaules. Qu’il y a un Dieu qui nous appelle à participer à cette œuvre majeure consistant à opposer l’amour à la haine, la vie au chaos. Un puissant moteur quand même, non?

Un message encore audible au milieu des Pères Noël et des sapins?
Il est dommage que cette période finisse par être aussi stressante. Mais je crois que de plus en plus de personnes dépassent la seule frénésie de consommation et ont soif d’autre chose. A l’hôpital, je n’ai jamais été mise à la porte. Et c’est auprès des personnes qui m’accueillaient en me précisant qu’elles étaient athées que mes visites duraient le plus longtemps. L’humanité est une très vieille dame qui a essayé beaucoup de choses. Je pense qu’une partie grandissante d’entre elle comprend qu’elle tient sa vraie richesse dans ses mains. Dont le trésor de l’Evangile, celui de Noël, de ce Dieu qui nous rejoint au point d’épouser notre condition. Pour savoir ce que c’est de naître, de mourir, d’avoir mal aux dents. Ce trésor-là est encore à découvrir, mais je pense que de plus en plus de personnes cheminent vers lui.

C’est un peu le pari de Jésus?
L’enclos et le système, c’est assez proche. La parole de Jésus constitue précisément la déconstruction des systèmes. Quand on lit ce qu’il a dit, on ne peut qu’admirer son audace d’avoir cru que l’humanité était capable de liberté et d’amour. Il semblerait qu’il s’agissait d’un pari vraiment ambitieux. Il savait qu’à court terme ça ne pouvait pas marcher. Et que donc ça allait mal finir pour lui. Cependant il me prend à rêver qu’aujourd’hui, au moment où tous les systèmes se trouvent en bout de course, se réveille l’espoir de Jésus. Un peu comme ce que le parent attend dans l’éducation des enfants: l’intégration d’une éthique, et de sa différenciation avec la loi, sans peur de la punition ou course à la récompense. Cette intense confiance de Dieu en nous constitue un énorme capital. Une invite à la vie et à son risque. Est-ce qu’une telle confiance ne nous donne pas envie de nous en montrer dignes et d’être à la hauteur de l’espérance que Dieu met en nous?

A lire: Marion Muller-Colard, «L’Autre Dieu: la Plainte, la Menace et la Grâce», Ed. Labor et Fides.
 
© Migros Magazine – Pierre Léderrey

 

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