Prédication du 15 mars 2021 “Dans un poumon d’acier”
Paroles bibliques: Luc 13, 10-17; Luc 18, 35-43; 1 Corinthiens 2, 1-15
C’était il y a bien longtemps. J’étais un jeune pasteur stagiaire, inexpérimenté et timide. Aussi malhabile que l’apôtre Paul à Corinthe; mais chez moi, ça n’était pas voulu!
J’y vais, très inquiet. Quelle attitude avoir? Que lui dire? Que ne pas lui dire? Je me sentais rempli d’un mélange de crainte et de pitié.
Or, c’est lui qui me réconforte! Il m’accueille avec un grand sourire: «Il ne faut pas vous frapper, me dit-il, vous savez, on s’habitue! Moi, j’ai bien dû m’y faire, à force. J’ai appris à vivre avec (c’est le cas de le dire, vivre avec!»
Il me raconte alors comment se passent ses journées, entre ces quatre murs dont il ne sort jamais. Les visites, si importantes! Et puis surtout, il me parle de sa foi. Profonde, vivante. Lucide et modeste.
«Vous savez, c’est la communion avec le Christ qui me sauve. Sinon, je n’aurais pas de raison de vivre. Je suis relié avec Jésus 24 heures sur 24. Sans lui, je ne tiendrais pas.»
Et il ajoute:
«C’est Dieu qui me maintient dans l’espérance. Parce qu’il a besoin de moi! Oui, c’est surprenant, mais c’est vrai: Dieu a besoin de moi. Pourquoi? Parce que je remonte le moral des gens! Je les écoute, ils ont tant de peine à trouver des oreilles disponibles. Moi, j’ai tout mon temps!»
Je parlais de sa foi lucide. En effet, il continue:
«Au début, j’ai prié en demandant à Dieu qu’il me guérisse. Mais j’ai fini par comprendre que c’était une demande égoïste, et que Dieu avait besoin de moi ici! Grâce à ma maladie, je découvre tant de choses, tant de domaines où je peux apporter mon aide, depuis ce lit!»
Et il conclut:
«Vous savez, je n’ai pas de mérite; moi, je peux penser à Dieu 24 heures sur 24, je peux le prier en tout temps. Ce n’est pas comme vous les pasteurs qui devez toujours courir à gauche et à droite!»
Voilà une rencontre qui m’a marqué, vous l’imaginez! Qui m’a marqué, et qui m’a aidé à comprendre que, comme les autres, la personne atteinte dans sa santé a une vocation. Comme les autres, la personne atteinte dans sa santé peut faire de sa vie un chant d’amour pour Dieu et pour autrui… ou pas!
Dans l’évangile, Jésus donne un rôle aux malades. Une valeur. Il a besoin d’eux pour parler de Dieu, de liberté, d’amour, de confiance!
Et c’est cette femme qu’il vient délier comme on délie un prisonnier pour lui rendre la liberté, ou comme on détache un animal domestique pour le faire boire et manger. Cette femme devient un signe de la libération que Dieu nous offre, en Jésus: il nous rend libres de ne plus être enfermés par les carcans humains, comme ceux de la loi d’Israël (alors que c’était une loi religieuse, pourtant!). Il nous rend libres de ne plus plier sous des tâches inhumaines; écrasantes; dégradantes. Il nous rend libres de ne plus être paralysés par la peur; par la culpabilité; le fatalisme.
Aïe, dans ces domaines, nous avons tous (et moi le premier!) nous avons tous encore beaucoup à grandir, pour bénéficier de l’enseignement de Jésus, et pour que notre vie s’en trouve allégée; vous ne trouvez pas?
Ouhlà, ici encore, nous pourrions en prendre de la graine! Ne pas chercher à surpasser les autres, mais plutôt viser à leur être utiles, comme mon malade au poumon d’acier. Ne rien savoir d’autre que Jésus, et Jésus crucifié!
Alléger sa vie, comme la pâte grâce au levain: du coup, nous devenons plus digestes pour nos proches - et nos prochains!
Le temps du Carême, que nous vivons ces jours, nous est proposé justement pour cultiver en nous ces valeurs. Pour pétrir nos journées avec le ferment de l’Esprit! Dieu nous y invite. Mieux, il y travaille avec nous.
Bon pétrissage!
Amen
Jean-Jacques Corbaz
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