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lundi 6 octobre 2025

(Co, Pr) Cinq histoires vécues par JJC pasteur

Il nous arrive à tous dans le ministère d’être mêlés à des anecdotes fortes ou émouvantes. Il m’en revient cinq, que j’ai envie de vous partager aujourd’hui. J’ai modifié certains noms par souci de discrétion.


La grand-maman de la mariée 

Je dirai d’abord l’histoire d’Emma, paysanne robuste et aimante. Emma, dont je fais la connaissance à l’EMS où elle vit désormais à cause de ses jambes qui ne la portent plus. Par contre, tant d’autres choses la portent: de voir sa ferme quasi par sa fenêtre, et d’être si bien entourée par sa famille; de les aimer, tous, de les porter dans son 
cœur
 de maman, de grand-maman, et bientôt d’arrière-grand-maman; et aussi et peut-être surtout, à la base de tout ça, de croire fermement en Dieu, sereinement, sûrement, de lire sa Bible et de prier pour dire merci.

Dans nos entretiens, elle me confie un jour quelque chose qui pourtant la turlupine: sa petite-fille attend un bébé, elle va se marier, elle-même est invitée, oui, c’est merveilleux; mais le fiancé ne veut pas de cérémonie religieuse. Lui qui a grandi dans une famille catholique très pratiquante a été dégoûté de devoir aller trop souvent à la messe, plusieurs fois par semaine… Il en est devenu complètement réfractaire aux églises. Le mariage sera donc uniquement civil.

Emma a entendu que j’ai pratiqué des bénédictions nuptiales hors des lieux de culte, en plein air ou dans des refuges. Elle se demande si…

Si, si! Pourquoi pas? Je suis d’accord que ces jeunes prennent contact avec moi, s’ils le souhaitent, pour organiser un culte, même s’ils ne sont pas mes paroissiens (ce qui arrive fréquemment).

Emma se met en piste. De son lit d’EMS, à 87 ans, elle persuade les jeunes de me contacter; imagine une cérémonie dans la grange de leur ferme, ce sera au moment où elle est quasi vide, avant les récoltes; rêve de décoration campagnarde, bottes de paille et fleurs des champs.

Et tout se passe comme elle l’avait pensé! Fête émouvante où la ferme entière accueille les invités. Les parents du fiancé sont heureux que leur fils ait accepté une bénédiction religieuse. Tout le monde est décontracté, comme à la maison. Réussite complète! Je garde moi-même un souvenir lumineux de la manière dont tout a été aménagé dans et autour de la grange. Les mariés sont émus et remplis de bonheur. Mais la plus rayonnante, c’est bien sûr Emma!

Et puis, prolongement inattendu: quelques mois plus tard, après la naissance du bébé, je reçois un téléphone des nouveaux parents. Ils me demandent de baptiser leur enfant… à l’église de Goumoens! Le jeune papa est tout à fait d’accord de venir vivre cette nouvelle fête lors d’un culte paroissial.

Emma bien sûr est de la partie. À la sortie du culte, nous nous serrons longuement la main. Je la regarde, elle me regarde, et nos yeux tous les quatre disent «merci»! 

 

 

 


Le papa 

Autre mariage, celui d’Evelyne et Raymond, elle catholique (d’une famille très engagée et conservatrice) et lui protestant. Et lui paysan. Il me téléphone un soir pour me demander de bénir leur union, et nous prenons rendez-vous pour préparer la fête.

Le jour dit, je les attends à la cure. Mais au lieu de ma porte, c’est mon téléphone qui sonne.

Au bout du fil, le père de Raymond, notable du village. «Mon fils ne viendra pas, ce mariage n’aura pas lieu».

Aïe! Bien sûr, il se révèle qu’il y a des dissensions confessionnelles qui sont à la base de ce refus. Je repense à l’histoire de Claire et de Louis, dans le même cas (Claire et Louis qui s’aiment, mais qui ont dû vieillir loin l’un de l’autre à cause de l’interdiction parentale. Avec l’âge, Claire est devenue sourde, et presque en même temps, Louis a perdu la vue. Logique: Louis ne pouvait plus voir clair, et Claire avait perdu l’ouïe!).

Mais Evelyne et Raymond, eux, trouvent rapidement une solution! Ils se débrouillent pour que l’amoureuse tombe enceinte. Dès lors, les parents n’osent plus s’opposer à «régulariser la situation», comme on dit en ce temps-là.

Le jour de la cérémonie religieuse, le père de Raymond reste un peu bloqué, ou peut-être intimidé, devant la chapelle catholique où nous allons bénir le couple. C’est l’heure de commencer, et il ne se décide pas à entrer. Je le prends alors par le bras et lui dis gentiment: «Venez, Monsieur Rochat, vos enfants vous attendent.»

Le mariage est béni par le prêtre et le pasteur, comme c’est souvent le cas alors. Et si la cérémonie a lieu dans une chapelle catholique, les enfants seront baptisés protestants. Jolie manière d’éviter qu’il y ait des perdants!

La morale de l’histoire, c’est que l’oubli d’une pilule peut faire avancer l’œcuménisme bien davantage que certains colloques spécialisés! 





Donner sa vie 

L’amour qui donne la vie, c’est André, paysan discret attaché à sa terre. André, dont le petit-fils est mourant: cancer. Des tumeurs partout, attaques, arrêts respiratoires… Un gosse de 9 ans, condamné. Dans le coma, tous attendent la fin.

Soudain, André tombe malade. Pas grave, un ulcère. Opérer sans tarder. Mais en ouvrant, de graves infections se révèlent. En trois jours et trois nuits, André est «poutzé».

L’amour, c’est André, ô combien. À l’instant de la mort de son grand-père, le gosse s’est remis à vivre. Est sorti du coma, s’est mis à parler, et à guérir, et à ressusciter. Il est toujours vivant aujourd’hui. Qui pourra l’expliquer?




 
C’est le ciel qui vous envoie 

C’était un bel après-midi d’été, très chaud. Je vais à vélo rendre visite à une paroissienne âgée qui vit seule aux Mottettes, un petit hameau près des bois, en-dessous de Vuarrens. Je trouve cette nonagénaire au jardin, et lui propose de se reposer un moment sur son petit banc, à l’ombre. Discussion sympathique, nous prenons le temps.

Au moment de remonter sur mon vélo pour rentrer, je vois de gros nuages noirs à l’horizon. Un orage va éclater, il faut que je rentre rapidement, sinon je vais être trempé!

Et patatras! Quand je traverse Penthéréaz, il commence à tomber des seilles. Mes lunettes sont pleines d’eau, je vois mal ma route, il serait plus sage de m’arrêter.

En passant devant chez Mme Haenni, il me vient une idée: elle aussi, ce serait bien que je passe chez elle. C’est une grand-maman très pieuse, qui apprécie beaucoup lorsque je viens prier avec elle. Elle ne peut plus tellement se déplacer, à cause de ses jambes bien faibles mais aussi de sa vue très mauvaise. Je ferai ainsi d’une pierre deux coups!

Je passe le petit portail sur lequel il est écrit «Attention, chien méchant» (mais il n’y a jamais eu de chien, c’est juste une ruse pour effrayer les personnes malintentionnées!). Je sonne. «Entrez!» dit-elle d’une voix forte.

Je pénètre dans l’appartement, content de me retrouver au sec. Me présente, mais elle m’avait reconnu. Et tout de suite, me lance: «Ah, Monsieur le pasteur, c’est le ciel qui vous envoie!»

Je souris intérieurement, car c’est bien le ciel! Mais Mme Haenni poursuit rapidement: «J’étais en train de coudre quand mon fil a cassé. J’ai essayé d’enfiler mon aiguille à nouveau, mais rien à faire. Entre mes mains qui tremblent et ma vue qui baisse… Au bout d’une demi-heure de tentatives vaines, j’ai posé mon ouvrage, j’ai joint les mains, et j’ai prié: ‘Seigneur, aide-moi, je n’y arrive pas toute seule’. Et quand j’ai dit ‘Amen’, vous avez sonné à la porte!

La suite, vous la devinez. J’ai enfilé l’aiguille, et nous avons prié. Il est arrivé à de nombreuses reprises que cette paroissienne me raconte des exaucements fabuleux. Mais celui-ci, j’y ai assisté, et aux premières loges!




Maman, c’est moi 

Je garde un souvenir fort d’une paroissienne que j’appellerai Juliette, mère de famille nombreuse, et presque de nombreuses familles!

Un de ses fils, au cimetière du village, a été très étonné un jour de voir une inconnue qui cherchait une tombe au nom de Juliette. «C’est ma mère, celle dont vous cherchez la pierre. Mais elle n’est pas morte, elle vit, même si elle a presque cent ans» (âge considérable en ce temps-là). «Dans ce cas, répondit paisiblement l’étrangère, dans ce cas, Monsieur, vous êtes mon frère!»

Le choc digéré, la dame s’expliqua: Juliette avait eu, avant de se marier, une fille qu’elle avait placée. Et qu’elle avait toujours cachée, par crainte des foudres de son beau-père, intransigeant sur la morale. Une fille qu’elle avait continué de cacher, après la mort du patriarche, pourquoi? Par habitude? Par peur de la réaction de ses autres enfants? Par lâcheté à avouer son manque de soin maternel? On ne le saura jamais.

Car Juliette l’aïeule, usée par trop de labeur et d’années, ne vivait plus que par crainte qu’on ne découvre son secret à sa mort. Tout son corps, fatigué par la vie rude des paysans de ce temps-là, refusait de fonctionner. Sa peau, fine comme une toile d’araignée, se déchirait au plus petit choc pour ne plus se recoller. Quel besoin intime de réparation l’empêchait de mourir?

Lorsque les nouveaux frère et soeur, tout émus de ces «trouvailles» (je ne peux pas écrire «retrouvailles»!), vinrent ensemble devant leur mère, celle-ci nia tout. «Ce n’est pas vrai, je n’ai pas d’autre fille».

L’inconnue alors posa sa main, doucement, sur le bras de celle qui ne l’avait jamais bercée et lui dit: «Maman, je te pardonne».

Deux semaines plus tard, je l’enterrais.




Jean-Jacques Corbaz  

 

(Li, Hu) Accueil - Jésus et boxeur

Bonjour, et merci d’être venus vivre ce culte !

 

Savez-vous quel est le point commun entre Jésus et un champion de boxe ?

Eh bien, tous les deux multiplient les pains !

Bien sûr, ce ne sont pas les mêmes ! Jésus ne donne pas de coups. Mais il multiplie les manœuvres d’approche pour se rendre plus aidant et mieux disponible, pour chacun.e. Et cela, quelle que soit la catégorie où nous boxons !

 

Bienvenue auprès de lui, donc ! Puissent ses pains être pour nous nourrissants et non meurtrissants !

 

 

Jean-Jacques Corbaz, novembre 2024        

 

dimanche 21 septembre 2025

(Pr) Les mésaventures conjugales d’Osée... et celles de Dieu!

15 et 21 septembre 2025 (Jeûne Fédéral)

 

Lectures: Osée 3, 1-5; Deutéronome 24, 1-4; Matthieu 18, 12-14.

 

Il y a quelques années, nous avons préparé, à plusieurs collègues pasteurs, une série de prédications sur le thème du couple et de la famille.

L’un de nous avait amené, tout fier, un passage biblique qu’il considérait comme une excellente base de réflexion sur la question de la fidélité entre mari et femme. C’était ce chapitre 3 du livre d’Osée que nous venons d’entendre. L’histoire des amours tumultueuses du prophète et de son épouse qui le trompe et le quitte pour devenir prostituée (rien que ça!!); bref, une femme pas recommandable du tout!

Mais voilà, l’étude la Bible réserve parfois des surprises: après une analyse fouillée, nous nous sommes aperçus que le sujet de notre chapitre d’Osée, c’était en fait la relation entre Dieu et les humains! L’histoire des amours du prophète n’est qu’un signe, une espèce de parabole des amours (tout aussi tumultueuses) que Dieu vit avec son peuple, Israël. Contrairement aux apparences, le livre d’Osée ne veut pas tellement nous parler de la fidélité dans le couple. Il veut plutôt nous ouvrir à la fidélité invraisemblable de Dieu envers l’humanité. Oui, la fidélité invraisemblable de Dieu envers l’humanité!



Quelques mots sur le contexte historique de notre passage. Nous nous trouvons dans le royaume du Nord d’Israël, dont la capitale est Samarie.     Les institutions politiques y sont instables: sur 18 rois du Nord, 8 vont mourir assassinés! Mais les dirigeants qui se succèdent pensent toujours pouvoir n’en faire qu’à leur tête, ils imaginent assurer la sécurité du pays par leur propre habileté, en changeant sans cesse de politique, en s’alliant avec un pays, puis avec un autre ennemi du premier, puis en changeant encore d’alliance.

À ce jeu-là, ils se mettent tout le monde à dos. En 734 avant JC, l’Assyrie envahit le royaume du Nord presque entièrement. Il ne reste plus que la petite ville de Samarie qui est indépendante. Mais qui continue de se comporter comme si elle était une puissance!

C’est pourquoi Osée réagit. Dans son livre, après les trois chapitres traitant de son mariage, les onze autres chapitres annoncent la catastrophe à venir, soit la destruction de Samarie. Et douze ans plus tard, c’est ce qui arrive, en 722. 

Osée ne dit pas cela pour faire des prédictions (comme on croit parfois), mais pour prophétiser, c’est-à-dire tirer un enseignement théologique de la situation présente et à venir, un enseignement sur Dieu. «C’est trop tard pour réagir, clame-t-il, vous avez manqué le coche en faisant confiance à vos institutions, à votre puissance militaire ou politique. Il n’y a plus qu’une solution: il vous faut revenir au point zéro, à l’état du peuple sans territoire, sans assurance, sans richesse, sans autre sécurité que Dieu, comme c’était le cas au désert, durant l’Exode. Redevenez cette poignée de croyants bien conscients de leur fragilité, qui suivaient Dieu avec confiance.»

Voilà ce qu’Osée clame et réclame: un retour de passion, un retour de coup-de-foudre entre Dieu et Israël. C’est ainsi qu’il utilise l‘histoire de ses déboires conjugaux pour faire comprendre l’ardeur de l’amour de Dieu et l’étendue de sa fidélité. 

La femme d’Osée, nommée Gomer, l’a quitté pour exercer une activité de prostituée, probablement dans le cadre du culte du dieu Ba’al. 

En ce temps-là, il y a un tel mélange de religions que les cultes de Ba’al et du Seigneur sont célébrés ensemble, pêle-mêle. C’est une situation bien plus grave que l’abandon de Dieu pour un culte païen, car on ne peut même plus revenir au vrai Dieu. Son culte est infecté de paganisme et d’idolâtrie.

Alors, que dit Dieu? Il demande à Osée d’aller récupérer sa femme. Aïe aïe aïe, ça ne se fait jamais, car l’Ancien Testament considère cette reprise des relations comme impure. Pire encore, Dieu demande au prophète de payer une nouvelle fois la dot qu’on doit pour une jeune épouse. 

Alors là, franchement, Osée atteint le comble du ridicule! Il devient la risée de ses contemporains pour retrouver sa femme. «Le Seigneur me dit, écrit le prophète: ‘Une fois encore, aime cette femme qui a un amant et vit dans l'adultère. Aime-la comme moi, le Seigneur, j'aime les gens d'Israël, bien qu'ils se tournent vers d'autres dieux et raffolent des gâteaux de raisin.’»

(Ces pâtisseries étaient liées au culte de Ba’al. Précisons que tout rapproche-ment entre ces gâteaux et ceux aux pruneaux, à l’honneur en ce Jeûne Fédéral, est purement fortuite et indépendante de la volonté des auteurs bibliques!)

«Je récupérai donc ma femme pour 15 pièces d'argent et 600 litres d’orge», poursuit Osée. Donc non seulement il reprend sa femme, mais il la rachète.  Et d’après ce que nous savons sur les tarifs de l’époque, il la rachète très cher! 

Voilà l’image que Dieu donne aussi à son peuple. Comme Osée, le Seigneur préfère se couvrir de ridicule plutôt que de nous laisser loin de lui. Il affronte les moqueries et les incompréhensions. Mieux encore, il paie cher, très cher pour nous racheter. Annonce, bien sûr, de la Croix et du salut; d’un Dieu qui nous appelle ses amis, ses enfants, quitte à verser le sang du juste, sous les quolibets.

Osée continue en ces termes: «Et je lui dis: ‘Pendant longtemps tu resteras avec moi, et tu renonceras à pratiquer la prostitution. Tu devras également renoncer à tout rapport sexuel, et moi je ferai de même à ton égard’».

C’est bien à une sorte de jeûne qu’Osée appelle sa femme. Je dirais même: une espèce de cure de désintoxication! Il renonce, pour un temps long, à tout rapport amoureux afin de revenir à la passion, au désir des temps premiers. Dites, si notre Jeûne, ce dimanche, nous aidait ainsi à retrouver le goût de la nourriture et de la solidarité dans la faim?
  

«Ainsi, conclut Osée, le peuple d'Israël restera longtemps privé de roi et de chefs, de sacrifices et de pierres sacrées, privé aussi des objets qui servent à consulter Dieu. Puis plus tard, il reviendra au Seigneur, il se tournera vers lui. Dans l'avenir, il cherchera avec respect la présence de son Dieu et les biens qu'il donne».

Mais ce jeûne est le signe d’une autre privation encore: il indique une vacance  (non pas un lundi de congé, mais une vacance, un vide!). Cette privation annonce que les institutions, qu’Israël considérait comme sa sécurité, vont disparaître. Plus de roi, plus d’armée, plus de culte, plus de sacrifices… pour que le peuple retrouve la soif de Dieu, le manque, le désir du divin.

Cette vacance des institutions permettra peut-être le retour de la flamme, nue, entre Israël et Dieu, comme les privations de Gomer devraient lui faire à nouveau désirer son mari.


 
En conclusion, vous le voyez, cette histoire étonnante nous parle, non pas du mariage, mais du retour à une dépendance totale, absolue de la grâce de Dieu. 

Avez-vous remarqué? c’est lui qui fait tout, ou presque. Comme Gomer, Israël n’a rien à faire, dans ce passage. Juste laisser de la place à l’amour passionné du Seigneur!

Et si nous profitions de ce congé de Jeûne pour vivre une vacance de tout ce qui nous donne sécurité? De tout ce que nous faisons pour nous justifier? Car ce vide, ce dépouillement, ces privations ne sont pas une punition, bien sûr. Dieu ne réprime jamais! Le jeûne, la vacance veulent nous permettre de retrouver l’appétit pour mieux nous préparer à un avenir nouveau.

Dès lors, ne tirons pas trop vite des parallèles politiques pas plus que conjugaux. Une Suisse sans armée? sans Conseil Fédéral? sans 
Églises, sans cultes? Non, c’est notre relation à Dieu qui est visée.

Si comme 
Église nous passons par un temps de faiblesse, en argent et en nombre, est-ce que ça pourrait être une chance à saisir? Une occasion de re-départ? L'Église, chez nous, commence à se dépouiller d’une mentalité de puissance, d’un rêve d’institution reconnue et respectée par la majorité. Puissions-nous vraiment retourner à une Église consciente de ses faiblesses, qui comme Israël au temps d’Osée placerait sa confiance en Dieu seul.

Que notre Jeûne Fédéral, cette année, ne soit pas seulement occasion de rendre grâces; ni évidemment de nous culpabiliser (Dieu ne veut pas cela!Dans notre histoire, l’humilié, c’est Osée, qui représente symboliquement Dieu. Oui, l’humilié, c’est Dieu! Il ne nous demande même pas ici de nous rabaisser, de nous repentir: c’est lui qui le fait).

Israël pensait que son bien-être, ses richesses - modestes - lui venaient du culte de Ba’al. La seule chose à laquelle ce chapitre d’Osée nous appelle, c’est donc de reconnaître Dieu à l’
œuvre  - dans notre sécurité et même dans les bouleversements de notre vie. Dans les désastres conjugaux à la Gomer, ou dans les écrasements militaires comme Israël. Voire dans les remaniements de nos Églises, qui doivent bien faire avec les petites forces qui leur restent. Reconnaître Dieu, et donc être vraiment reconnaissants.
Amen


Jean-Jacques Corbaz 


 

lundi 15 septembre 2025

(Li, Hu) Accueil - Le curé qui boite

Bonjour, et merci d’être venus vivre ce culte !

 

C’est l’histoire d’Olive et Marius qui croisent le curé du village. Tous deux remarquent que le prêtre boite bien bas.

- Que vous est-il arrivé, Monsieur le curé ?

- Oh, un bête accident. Je me suis encoublé et mon genou a heurté violemment le bidet. Ça me fait un mal de chien.

- Faites mieux attention, Monsieur le curé, disent les deux amis. Et ils s’éloignent.

Peu après, Olive demande à Marius :

- Euh… c’est quoi, un bidet ?

- Oh, répond l’autre, je ne sais pas. Tu sais, ça fait si longtemps que je ne suis plus retourné à l’église…

 

Chers paroissien.ne.s, chers ami.e.s, Dieu nous accueille pareillement. Même si ça fait longtemps que nous ne sommes pas allés au culte ou à la messe. Pas besoin de se mettre à genoux ! Ni de s’y connaître en accessoires de salle de bain !

Bienvenue auprès de lui, à chacun.e !

 

 

Jean-Jacques Corbaz, juin 2024        

 

lundi 18 août 2025

(Pr) Un pays qui dévore ses habitants - 18 août 2025

Lectures: Nombres 13, 25-33; Nombres 14, 1-9; Esaïe 43, 1-5.

Le passage qui nous intéresse ce matin est un peu comme ces vieux amis qu’on croit très bien connaître: nous avons tant de souvenirs qui nous attachent l’un à l’autre, tant d’émotions partagées de notre jeunesse… Mais voilà, nous avons changé, eux et nous. Le monde n’est plus ce qu’il était au temps de notre insouciance et de notre naïveté!

Alors, parfois, on regarde ces amis; on les écoute; et on se sent un peu étrangers. On aimerait retrouver à leur contact des élans, des passions que nous avions partagés… mais qui appartiennent au passé.

Le livre des Nombres, ainsi, nous semblait clair et facile d’accès au temps de notre école du dimanche. Mais aujourd’hui il suscite en nous des questions un peu dérangeantes. Par exemple: c’est quoi ce Dieu qui emmène son peuple à la conquête d’un pays? Et qui l’appelle à exterminer ses anciens habitants? Aïe, pas très chrétienne, comme conduite!

Et aussi: pourquoi le peuple d’Israël refuse-t-il ce cadeau? Pourquoi auraient-ils préféré mourir en Egypte, voire dans le désert?

Ou encore: comment se fait-il que tout le peuple parle d’une même voix, et que le livre des Nombres souligne si souvent l’unanimité de «la communauté d’Israël tout entière»?

Et enfin: est-ce possible, ces géants face auxquels Josué et ses compagnons se sentaient comme des fourmis?


En fait, notre passage appartient à un ensemble qu’on appelle «le cycle des rébellions».  Ce sont les chapitres 11 à 25 du livre des Nombres. Il s’agit d’une grande fresque narrative qui multiplie les récits où Israël s’oppose à Moïse et à Dieu. À chaque fois, le peuple veut retourner en Egypte, il a peur d’entrer en Palestine. Il y a même une fois où Israël dit du royaume des pharaons que c’est un «pays où coulent le lait et le miel». Oui, vous avez bien entendu: l’Egypte, et pas la Palestine!!

Le rédacteur nous montre donc ici une image caricaturale d’Israël. Ce n’est pas sous l’effet d’une peur passagère qu’ils veulent faire marche arrière, non, c’est systématique. Le peuple, tout au long de ce cycle, ne fait aucune confiance aux promesses de Dieu. Ils considèrent le Seigneur comme une espèce de despote, un mauvais roi qui jouerait avec la vie de ses sujets; au pire, qui aurait le projet de les faire mourir; et au mieux, qui aurait de bonnes intentions, mais qui serait incapable de les réaliser.

Ouille! Entre parenthèses, cette caricature ne rejoindrait-elle pas un peu celle de quelques-uns de nos contemporains? (fermons la parenthèse).

Voilà donc le peuple qui renâcle. Ils essaient de nommer un chef autre que Moïse pour qu’il les ramène en Egypte. De ce pays que Dieu veut leur donner, ils oublient les fruits fabuleux ramenés par les explorateurs (vous vous souvenez sans doute de l’énorme grappe de raisin de la fête des vignerons); ils oublient tout ce qui parle de promesses et de vie; ils ne gardent que les craintes, et ce qui parle de mort.

«C’est un pays qui dévore ses habitants» disent les émissaires. Autrement dit, un pays qui cause sans cesse querelles, guerres, violences… Et c’est déjà ce qui arrive aux jours de Josué! Et puis, vous ne le savez que trop bien, c’est encore hélas ce qui s’y passe aujourd’hui. Re-refermons la parenthèse!

Donc, une peur systématique… longue durée! Alors, comme un enfant abandonnique, Israël préfère retourner en Egypte, terre d’esclavage et d’oppression, mais terre connue, plutôt que de s’engager en Palestine, terre promise, mais inconnue! Dont les dangers sont cachés, et donc terrorisent davantage!

 

Toute cette histoire du livre des Nombres illustre donc le risque immense de la foi. Le risque immense de la vie! Face à l’inconnu, nous avons tous tendance, parfois, à faire marche arrière. Même le peuple de Moïse, qui avait pourtant vécu  l’Exode et tous ses prodiges, même le peuple de Moïse parle et agit à rebours du bon sens, à rebours des promesses de Dieu! «Être esclave en Egypte était au fond facile, devenir homme libre est bien plus difficile» disait Philippe Zeissig.

Malgré les précautions de Moïse; l’approche lente; malgré l’envoi des explorateurs pour qu’Israël puisse se faire une meilleure idée de la Terre promise… eh bien le peuple refuse d’entrer dans la liberté! Il n’a pas encore appris à vivre! Il préfère retomber dans le passé, c’est-à-dire dans la mort.
 


Vous voyez maintenant les échos que notre passage peut éveiller en nous, quelques jours après notre fête nationale! Comment continuer de grandir dans l’autonomie et le courage, face aux défis qui ont de quoi nous terroriser? Comment aujourd’hui faire confiance aux promesses de notre Dieu, pour mieux vivre?

Entre crises politiques et crise climatique; face aux difficultés économiques et sociales; au vu des violences et des intolérances qui pourrissent le monde… comment vivre et refléter l’inépuisable bonté de Dieu qui veut nous aider à ne succomber à aucune peur? Il y a là de quoi longuement méditer… et prier!

Un mot encore pour celles et ceux qui se demandent: «Est-ce que ça s’est passé comme le livre des Nombres le dit? Est-ce historique, ce récit? Dieu est-il vraiment un Dieu de conquête, qui appellerait son peuple à tuer les autres?»

Les exégètes ont découvert que notre histoire a été considérablement remaniée au fil du temps. En fonction des évènements, on a relu et réécrit ces épisodes, et on en a ainsi déplacé la pointe, le message central.

Au départ, il s’agissait probablement d’un récit assyrien. Chez les Assyriens, les dieux, pensait-on, combattaient aux côtés de leur peuple, pour leur donner la victoire.

Dans un deuxième temps, Israël a repris cette narration lors des invasions assyriennes, pour affirmer que le Seigneur, lui aussi, favorisait les desseins de son peuple, et qu’il était plus puissant que les divinités des envahisseurs. C’est en particulier le roi Josias, au VIIè siècle avant JC, qui a développé cette croyance, pour appuyer son projet d’expansion du «Grand royaume d’Israël» - toujours contre l’Assyrie.

L’image d’un Dieu qui appelle à l’occupation du pays et l’expulsion de ses habitants (ou leur extermination) a servi alors, d’une part à légitimer la possession de nouveaux territoires; et d’autre part elle a servi à condamner les mariages mixtes entre Juifs et «étrangers» vivant sur le même sol. On voulait, bien sûr, éviter le mélange religieux (le syncrétisme) qui risquait de déformer l’héritage spirituel des descendants de Moïse.

Ces considérations historiques vont nous aider à comprendre nos versets dans leur contexte, et à ne pas les mettre au service de visées impérialistes. Et là, je pense autant à la Suisse, aux USA ou à la Russie qu’à Israël aujourd’hui!

Ces considérations historiques vont nous aider également à discerner comment Dieu peut nous aider, aujourd’hui. Car notre récit a été relu et retravaillé bien après Josias encore, à l’époque perse, soit aux IVè et Vè siècles avant JC, au temps où les exilés à Babylone revenaient à Jérusalem.

Ils rentrent chez eux, tout heureux. Mais voilà qu’ils retrouvent leurs terres ancestrales occupées par d’autres (déjà des Palestiniens)! Les conflits, les mariages mixtes, le syncrétisme menacent de gangréner le pays. La tentation est immense de se replier sur les anciennes traditions, de chercher à reproduire le passé à tout prix; de se fier à ses réflexes humains de survie, sans tenir compte des appels du Seigneur.

C’est le rédacteur de cette époque, en ces années-là, qui a donné cette place impressionnante aux révoltes du peuple contre Moïse et contre Dieu, façonnant notre fameux «cycle des rébellions».

C’est lui qui considère le Seigneur non plus comme une arme aux côtés de ses soldats, mais d’abord comme une promesse d’avenir, qui veut nous apprendre à vivre libres, sans repli ni terreur.

C’est lui bien sûr enfin qui introduit la jolie remarque sur les géants, devant lesquels les émissaires de Moïse se sentent petits comme des fourmis. Et qui ajoute finement: «Et c’est bien ainsi qu’eux-même nous voyaient».

Car si souvent le regard des autres modifie notre regard sur nous-même. Si je me crois petit et fragile comme un insecte, les autres deviennent des géants, prêts à m’écraser. Les sportifs entre autres peuvent l’expérimenter.

Aujourd’hui, à une époque où le regard des autres pèse énormément, comment résister à cette pression? Quand ma valeur dépend, aux yeux de beaucoup, de ma réussite sociale; de mon physique; de mon compte en banque; de mes habits… Quand les modèles de la publicité, des médias ou des influenceurs exercent leur ascendant si fort… Alors, de grâce, laissons les yeux de Dieu transformer notre regard sur nous-même!

Nourrissons-nous du fait que Dieu, plus grand qu’un géant pourtant, Dieu nous regarde avec faveur. Il nous dit: «Je te prends comme tu es. Tu n’es pas misérable comme une fourmi - et je ne te demande pas d’être un géant non plus. Tu es un être humain, et c’est bon comme ça. Je t’aime ainsi. Tu es mon trésor. ‘Ne crains pas, car je t’ai racheté, je t’appelle par ton nom, et je t’aime’».
Amen

Jean-Jacques Corbaz

(Hu, Li) Accueil - La voiture volée


Bonjour, et merci d’être venus vivre ce culte !

 

Je me demande pourquoi on raconte toujours des histoires drôles sur les blondes ?

C’est un blond qui appelle son patron : « Patron ! On a volé votre voiture ! »

« Malédiction, répond le chef, mais as-tu vu qui c’est ? »

« Ben non, fait le blond, j’ai pas vu le voleur, mais pas de souci: j’ai pu relever le numéro de plaque ! »

 

Eh bien, chers paroissien.ne.s, chers ami.e.s, sachez-le : pas besoin de numéro de plaque non plus pour retrouver notre confiance, et notre espérance. Peu importe d’ailleurs qui nous les aurait volées. Mais en Jésus, nous savons qui peut nous aider à les retrouver !

Bienvenue…

 

 

Jean-Jacques Corbaz, mars 2025        

 

lundi 7 juillet 2025

(Pr) "Tu te mettras tout nu..." - prédic des 16 juin et 6 juillet 2025

Lectures bibliques: 2 Rois 5, 1-19; Luc 13, 22-24; Esaïe 55, 1-3

Bien des gens aiment voir, à la TV, un illustre chef d’État... qui se prend les pieds dans un tapis! Ou un prince, ou une star, qui se fait pincer en flagrant délit d’ivresse au volant. Car voilà un grand personnage... qui se révèle soudain comme tout le monde. Humain, faillible.

C’est ce que montre au premier regard notre histoire de Naaman. Naaman, c’est le général en chef de la Syrie, pays ennemi d’Israël en ce temps-là. Il est l’un des personnages les plus importants de l’époque. Il a gagné la guerre, c’est un héros.

Et pourtant. Ce favori du roi a une faille. Il souffre de la lèpre. Une terrible maladie, qui ronge le corps. Et pire encore: qui nous met au ban de la société. Vous savez qu’en ce temps-là, les lépreux sont des parias. Interdiction d’avoir le moindre contact avec eux!

Bien sûr, la maladie de Naaman n’en est qu’à son début. Il la cache soigneusement. Mais il sait qu’un jour, bientôt, le pot-aux-roses va se découvrir. Et qu’alors, ce sera la fin de sa gloire. Et même la fin tout court, pour lui.

Comme tant de personnes riches atteintes dans leur santé, Naaman cherche à se guérir, par tous les moyens. Et il a des moyens importants. Argent, influence... Mais c’est par une petite fille, une esclave dont on ignore même le nom, -bref, presque rien- qu’il entend parler d’Elisée, le prophète; Elisée dont le rayonnement s’étend bien au-delà de Samarie, sa ville.

Le célèbre général part pour Israël, en mettant tous les atouts de son côté. Les atouts des puissants. Il demande à son souverain une lettre de recommandation pour le roi d’Israël, qui est devenu une sorte de vassal des Syriens... Ensuite, il emporte le nerf de la guerre: des sommes faramineuses, impossibles à traduire en monnaie d’aujourd’hui: 300 kg d’argent, 60 kg d’or... De quoi s’acheter des palais rutilants!

Et c’est ainsi qu’il se présente à la cour de Samarie, devant le roi d’Israël. Mais, un peu comme les mages à Noël, il n’imagine pas une seconde que c’est ailleurs qu’il devrait chercher. Du côté des petits.

Alors, imaginez: le pauvre roi de Samarie, en lisant la lettre de son supérieur, se met à paniquer. Mais comment accéder à cette demande? Il déchire ses habits en signe d’impuissance et de deuil. Le roi n’a pas le pouvoir de guérir de la lèpre, il n’est pas Dieu!

Naaman, dans son déploiement d’atouts puissants, Naaman a oublié une chose: c’est que la petite esclave lui avait parlé d’un prophète. Pas d’un roi. D’un pro-phète, c’est-à-dire d’un homme qui parle de la part de Dieu. Qui parle avec ses mots , mais également avec ses actes. D’un qui rayonne de la présence du Seigneur, mais pour les AUTRES.

Elisée est tellement prophète même qu’il a tout compris. C’est lui qui vole au secours de son roi: “Eh bien, tu n’as qu’à me l’envoyer, ce général!”

Et voilà. Naaman peut enfin toucher au but. Devant la modeste demeure d’Elisée, il s’annonce. Tout va se régler très vite, maintenant.

Euh eh bien... Pas tout à fait! Le héros syrien avait déjà été terriblement humilié par la lèpre, mais il n’en a pas fini avec son orgueil. Car Elisée ne se dérange même pas pour venir l’accueillir! Il ne fait qu’envoyer quelqu’un lui dire d’aller se tremper 7 fois dans le Jourdain.


Quel mépris! Pour un personnage aussi important, qui vient d’accomplir un si long voyage! Et les règles sacrées de l’hospitalité, Elisée? Naaman attendait sans doute une cérémonie fastueuse, des rites, des gestes d’incantation... Mais: rien! Notre grand général, vexé, veut repartir aussi sec (si j’ose dire!). “Les rivières de chez moi valent tout autant que celle de Samarie. Assez pétouillé, je rentre.”

Mais Dieu est patient. Et tenace. Il s’est manifesté une première fois par la fillette sans nom, prisonnière en Syrie, qui avait parlé d’Elisée. Puis une seconde fois quand le prophète est intervenu en personne auprès de son roi. Maintenant, troisième fois, c’est par la bouche des serviteurs de Naaman qu’il se manifeste, serviteurs d’ailleurs tout aussi anonymes que la petite juive: “Maître, disent-ils, si cet homme t’avait demandé d’accomplir des rites difficiles, tu aurais accepté, n’est-ce pas? Alors, pourquoi ne pas essayer ce geste tout simple, comme il te le conseille? Tu risques quoi?”

Alors, le grand général consent. Il s’abaisse... On peut imaginer qu’il se déshabille entièrement pour plonger dans le Jourdain. Nu, au propre comme au figuré. Dépouillé de son uniforme. Privé des signes extérieurs de sa puissance. Et surtout, il ne peut plus cacher, ainsi, la terrible maladie qui le ronge. Sa fragilité est exposée à tout venant.

Cette nudité, c’est la seule manière quand on veut se présenter devant Dieu. Puisque le Seigneur lui-même ne se montre à nous qu’ainsi: pauvre et vulnérable. Image du baptême, bien sûr! Comme pour annoncer déjà ces gens qui se tremperont dans l’eau vive, pour s’associer à leur Sauveur, lui qui a plongé dans la mort à Golgotha, pour en ressortir, rayonnant, au matin de Pâques!

Naaman, guéri, peut renaître, comme un petit enfant. Renaître à la santé, bien sûr. Mais surtout, renaître à une vie spirituelle autre. Une vie spirituelle dépouillée, elle aussi, des fausses valeurs de gloire, de puissance et d’apparence. Le vrai Dieu n’est pas celui de la victoire et des richesses, celui qu’il célébrait en Syrie. Le vrai Dieu n’est pas non plus celui de la cour royale et des appuis princiers, qu’il avait cherché à Samarie. Le vrai Dieu, il se tient discrètement, fragile, au ras du gazon. Ou plutôt au ras des eaux de la rivière, dans laquelle il faut être nu pour plonger.

Pour nous aujourd’hui, comme pour Naaman, cette simplicité de Dieu peut surprendre. Voire faire problème! Cette gratuité choque parfois, elle est si contraire aux valeurs du monde! Pour accéder à Dieu, ce serait si naturel de devoir accomplir de grands sacrifices! Or, le seul sacrifice qui nous est demandé, c’est d’accepter que tous nos efforts sont inutiles. Nos mérites, ils ne valent plus rien. Comme des billets périmés.

Vous voyez, nous dit le livre des Rois: la petite esclave était plus riche que le puissant général en chef. Dépouillée de tout, loin de son peuple; mais reliée à Israël, et à Dieu. Forte de sa relation avec le Père qui connaît ceux qui n’ont rien, et qui leur répond.


Voilà pourquoi Elisée n’accepte pas les richesses du général, en cadeau. Ce que nous avons un peu de peine à comprendre, bien sûr! Mais il faut que Naaman se rende compte de cette totale gratuité de Dieu. Qui est d’autant plus proche de nous que nous sommes vulnérables et vrais. Donc:  nus.

Lorsque le riche Syrien entre pleinement dans cette relation spirituelle, dans cette religion, il peut partir en paix. Il n’offre plus rien. Au contraire, c’est lui qui demande. Il sollicite humblement de pouvoir emporter chez lui un peu de terre d’Israël... Dans la culture d’alors, la terre d’un pays est symbole, savez-vous, de la présence de son Dieu. La terre d’Israël, c’est la possibilité de rester relié au Seigneur, à travers les rites juifs de l’époque, les sacrifices.

Et puis, Naaman va demander une seconde chose. Car il se rend compte qu’il ne pourra pas vivre une foi totalement exempte de compromis, au palais de Damas: au bras de son roi, il devra bien s’incliner devant la divinité locale.

Alors Elisée l’assure d’avance du pardon de Dieu. Promesse étonnante, en regard de tant d’autres manifestations d’intolérance que porte l’Ancien Testament. Promesse qui est bien sûr prophétique, encore, des ouvertures de l’Évangile: comme le dira le Christ, ce ne sont pas les gestes extérieurs qui sont importants. C’est bien notre qualité intérieure de relation au Seigneur.

Comme dans beaucoup de miracles qu’accomplira Jésus, bien plus tard, on le voit clairement ici: la guérison du corps symbolise mille fois plus qu’une santé retrouvée; la religion n’est pas un “truc” pour guérir, qui marcherait à tous les coups. Elle est surtout rétablissement d’une relation d’amour avec le Créateur; elle est une confiance échangée qui réconcilie avec la vie; avec soi-même; voire avec le monde et les gens qui nous entourent. Donc avec Dieu! Une réconciliation qui peut produire dans nos existences des effets prodigieux! Comme pour Naaman.

C’est ainsi qu’il peut s’en aller, en paix. Guéri non seulement de sa lèpre; mais surtout de son orgueil. De sa confiance démesurée dans sa force et ses richesses. Il repart avec son or et son argent, qui lui sont inutiles désormais. Il a appris l’humilité.

Derrière la caravane du grand général et de ses serviteurs, tout derrière, après les trésors et les beaux habits... on peut voir deux mulets, chargés de terre. De la terre ordinaire, banale, de Palestine. Signe que, pour Naaman: tout a changé! Amen

Jean-Jacques Corbaz  



 





(Pr) Naaman, Guéhazi et les vraies valeurs - Prédic du 7 juillet 2025

Lectures bibliques: 2 Rois 5, 14-27; Luc 12, 16-21; Galates 3, 26-29

(Résumé de l’épisode précédent). Il y a trois semaines, nous avons vu Naaman, le grand général syrien, se faire secouer et remettre en question, durement. Il a dû beaucoup travailler sur lui-même pour accepter la gratuité de Dieu et apprendre à abandonner les sécurités matérielles. Atteint par la lèpre, et donc contraint de se cacher pour ne pas être mis au ban de la société, il devra littéralement se mettre à nu pour retrouver la santé, au bout d’un long chemin.

Naaman avait emporté avec lui des richesses énormes pour payer sa guérison: 300 kg d’argent, 60 kg d’or, des habits de luxe... Mais le prophète Elisée refuse ce cadeau faramineux. Dieu est un Dieu des pauvres, des sans moyens... De ceux qui ne méritent pas. Il est grâce, donc gratuit. Sa bonté est offerte à chacun(e), disponible, toute proche. Ou plutôt: il est d’autant plus près de nous que nous sommes vulnérables et vrais. Donc nus. On dit que plus un arbre est haut, et plus il attire la foudre. Pour l'être humain, c'est l'inverse: plus il est bas, et plus il attire Dieu!

Si fréquemment, aujourd’hui comme hier, les êtres humains jouent des rôles. Comme Naaman, ils veulent avant tout sauver la face. Mais quand on a l’occasion d’entrevoir ce qu’il y a derrière le masque, c’est souvent le choc! Que de dépressions, que de relations foireuses avec sa famille ou ses collègues... Remords, rancunes, qui rongent comme la lèpre... Si peu de vraies raisons de vivre...

Tant que nous jouons un personnage, notre relation avec les autres ne peut être que faussée. Tout comme notre relation avec Dieu, évidemment! Certes, il est très difficile de se montrer nu. D’être soi-même et vrai. Il faut d’abord se connaître. Et ensuite s’accepter! Mais c’est la seule manière d’aller à la rencontre des autres, véritablement; de pouvoir les connaître; de les accepter comme ils sont. De même pour Dieu, évidemment: aller vers lui, le connaître et l’accepter, comme il est!

Dans ce récit plein de merveilleux, Elisée donc réussit beaucoup plus qu’une guérison physique: il permet à Naaman de changer de vie, de découvrir l’essentiel. Il le rétablit dans sa relation avec le divin, avec les autres, et donc avec lui-même.


Alléluia? Tout est bien qui finit bien? Euh ben... Pas tout à fait. Car il y a l’attrait de la richesse, qui est d’une force... incroyable. Le diabolique Mamon, comme Jésus le nomme, a de solides arguments. Et c’est au sein même de sa maison que le prophète Elisée va devoir le constater. Son serviteur Guéhazi succombe au désir. La gratuité, il oublie! Il court derrière Naaman et lui demande de l’argent, une somme considérable. Ce que bien sûr le riche Syrien accorde sans hésiter, et même à double; heureux de pouvoir manifester sa reconnaissance.

Mais attendez une minute avant de condamner Guéhazi. Car cet homme nous ressemble; plus peut-être qu’Elisée ou Naaman. Qu’aurions-nous fait, à sa place? Est-ce que moi j’aurais résisté à la tentation? Honnêtement, je ne sais pas. Car je n’ai jamais vécu sans argent; je n’ai jamais eu peur de mourir de faim; jamais eu peur de n’avoir rien à donner à mes enfants. Au contraire de beaucoup de mes prochains, en Suisse ou à l’étranger.

C’est au fond facile de juger sommairement la tromperie de Guéhazi. C’est facile de dire “Il faut faire confiance”; facile de se réfugier dans une foi personnelle et privée, à distance des autres... quand on n’a pas de gros soucis d’argent. Pour celui ou celle qui vit dans la pauvreté, l’occasion peut faire le larron. “S’enrichir: quel imbécile je serais de refuser cette opportunité”. (Entre parenthèses, n’est-ce pas d’ailleurs l’idéologie que charrie surtout notre société?).

Ne nous voilons donc pas la face (si j’ose dire, dans cette histoire de lèpre et de nudité!!). Ne nous voilons pas la face: il est normal d’avoir des envies. C’est notre condition humaine que de subir des tentations, comme Guéhazi. Et notre vocation de chrétiens, et notre responsabilité, c’est d’apprendre à gérer ces envies. Comme Dieu le disait à Caïn, lorsque ce dernier éprouvait de la jalousie pour son frère: “Le péché est pareil à un animal sauvage tapi derrière ta porte. C’est à toi de le dominer. Sinon, c’est lui qui sera ton maître”.

La fin de l’histoire aurait pu être si belle, pense-t-on parfois, si ce triste épisode de Guéhazi n’était pas venu tout gâcher.

Mais non! Ou plutôt: “Oui... mais”! Car la vie n’est que rarement (très-très rarement!) tissée de réactions modèles comme celle d’Elisée. Lui, il est presque parfait! Inaccessible! La vie, au contraire, elle est pleine de Guéhazi, qui ne résistent pas à l’opportunité de s’enrichir. Et puis, Dieu soit loué, elle nous offre souvent aussi, la vie, des Naaman, qui vont de l’avant, qui cheminent, qui progressent... qui guérissent leurs blessures, peu à peu, avec l’aide de Dieu... qui apprivoisent leurs peurs... mais qui savent qu’ils devront parfois transiger avec leurs principes; qui sont conscients qu’ils vont de temps en temps devoir s’incliner devant des faux dieux; revenir à leurs comportements du passé. Heureusement, ils ne se couperont pourtant jamais de l’amour du Seigneur.


Je trouve génial, la Bible ressemble à notre vie. Celles et ceux qui s’y débattent nous sont souvent semblables. Avec des exceptions, pareilles à quelques rayons lumineux, des exceptions comme Elisée; Moïse; Salomon; et la plus grande de toutes: Jésus!

La fin de l’histoire est belle, pour moi, parce qu’elle me parle d’un monde qui est le mien. Ce qui m’évite la tentation du Yaka (vous savez, quand on a l’impression qu’il suffit de vouloir pour imiter les modèles!). J’aime cette fin, parce qu’elle me met en garde contre les pièges que cette vie nous réserve, à chaque tournant.

En effet Guéhazi, après avoir trompé Naaman, est obligé de mentir à Elisée. Le fameux cercle vicieux. Un vieux sage disait: “Essayer de cacher une faute par un mensonge, ça revient à remplacer sur un habit une tache par un trou”. Un tel mensonge détruit la relation. Il est comme une lèpre, qui grignote peu à peu la vie harmonieuse. Et c’est exactement ce que Guéhazi va expérimenter, littéralement. Il est atteint par la terrible maladie. La peau devient comme de la cendre. Peur de la mort. Et la malédiction, qui nous met au ban de la société... Guéhazi est rongé par sa faute. Pareil à ces grands escrocs qui ne peuvent jouir de leur butin que terrés au fond d’une jungle lointaine, il va sans doute regretter parfois son ancienne vie. Conscient que ses richesses l’ont entraîné dans le malheur.


Peut-être trouvez-vous cette morale un peu taillée à la hache. L’auteur du livre des Rois a dû aussi le penser lui-même! En effet, le récit qui suit immédiatement notre épisode, c’est justement une histoire de hache maniée trop fort... Hum! Qui a dit que l’humour et l’autodérision étaient absents des textes sacrés?

Donc, n’oublions pas les nuances! Ne condamnons pas sans appel Guéhazi, ou d’autres qui font comme lui. Mais méditons plutôt sur nous-mêmes. Sur nos valeurs; nos comportements. Quelles sont mes priorités, dans la vie? Est-ce l’argent? Ou bien l’amour? Est-ce de garder une conscience nette? Ou des relations harmonieuses avec ce et ceux qui m’entourent? Être en bonne santé? Être comme Naaman relié par une communion spirituelle (lui qui emporte de la terre d’Israël pour pouvoir se joindre au culte de Dieu)? Ou bien un peu tout ça à la fois?

Pour moi, le fait de ne pas être seul face au mal est très important. Vivre une foi, une religion, mais relié à d’autres en vue d’essayer de mieux m’ouvrir à Dieu. Afin de tenir tête aux envies destructrices. Pour ne pas oublier l’essentiel.

Vivre en communauté; en paroisse; en Église, c’est important pour rester ancré dans l’amour de Celui qui, seul, est la vraie richesse. Et puis, c’est aussi un excellent antidote à notre culpabilité. Eh oui! Car, de voir que nos frères et s
œur
s sont faillibles, qu’ils succombent parfois à la tentation... eh bien, ça nous aide à supporter nos propres manquements!

Avec Naaman, entre Elisée et Guéhazi, mettre nos pas dans ceux de Dieu. Du Dieu de gratuité. Pour avancer en direction d’une meilleure limpidité. Le véritable trésor. Amen.



Jean-Jacques Corbaz  
 

(Hu, Li) Accueil - La machine à éplucher

Bonjour, et merci d’être venus vivre ce culte !

 

L’histoire se passe à l’armée. Le caporal de cuisine appelle une recrue et lui demande d’éplucher les pommes de terre pour le dîner.

« Tiens, s’étonne la recrue, je croyais que l’armée avait des machines à éplucher ? »

« Exact, réplique le caporal ! Et le dernier modèle, c’est toi !! »

 

Eh bien, chers paroissien.ne.s, chers ami.e.s, sachez-le : Dieu lui aussi s’est équipé de machines pour résoudre les problèmes du monde ; pour rétablir la paix ; pour faire régner la justice entre les humains… Et vous l’avez compris : ces machines, ces baguettes magiques, il y en a beaucoup. Et le dernier modèle, c’est toi !! 

Bienvenue…

 

 

Jean-Jacques Corbaz, mai 2025