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lundi 1 décembre 2025

(Pr) La patience et l’espérance - 1er décembre 2025


Lectures: Jacques 5, 7-11; Matthieu 13, 33.

Patience. Le mot n’est pas très à la mode. Dans une société stressée, dans un monde où le temps s’emballe, où la vie est une course-poursuite, dans un temps où nous n’avons plus le temps d’attendre, eh bien! les appels de la Bible à la patience nous semblent plutôt déplacés. Désuets. Démodés.

Patience. Parfois pourtant, nous n’avons pas le choix. Des évènements nous forcent à attendre: la maladie; l’expérience du deuil, ou de la séparation; les handicaps du grand âge; la vie dans un établissement médicalisé… 

Prendre patience… Ce sont aussi parfois des évènements heureux qui le demandent: la construction d’une amitié, ou d’un amour; l’attente d’un bébé, et même la lente création d’une relation entre parents et enfant, quand il est arrivé. La patience fait partie du jeu des relations humaines.

Mais qu’est-ce que la Bible veut nous dire autour de ce thème? Est-ce qu’elle nous appelle, comme on le dit souvent, à une patience passive, résignée, dans le style: «Tu souffres? Console-toi: au Ciel, tu seras heureux. Alors… patiente!»

Une religion qui affirmerait cela serait pleinement l’opium du peuple, selon le mot de Karl Marx, c’est-à-dire une consolation artificielle, comme la drogue. Une espèce de «truc» pour que les plus défavorisés ne se révoltent pas.

Dans la Bible, le passage principal concernant la patience se trouve dans la lettre de Jacques, au chapitre 5. Écoutons-le dans une traduction la plus fidèle possible.

«Soyez persévérants, frères, jusqu’à ce que le Seigneur vienne. Voyez comment le paysan prend patience en attendant que la terre produise les récoltes dont il a besoin: il travaille patiemment jusqu’à la maturité des derniers fruits.
Vous aussi, soyez persévérants. Gardez courage, car la venue du Seigneur est proche.
Ne vous jugez pas les uns les autres, ne vous plaignez pas d’autrui: ce n’est pas à vous de vous juger.
Frères, souvenez-vous des prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur. Prenez-les comme modèle de persévérance dans l’adversité, on les déclare heureux parce qu’ils ont tenu bon. 
Vous avez aussi entendu parler de la patience fidèle de Job, et vous savez ce que Dieu lui a accordé à la fin. Car le Seigneur est plein de bonté et de bienveillance.»


Je vous propose également un verset de l’évangile selon Matthieu, au chapitre 13:

«Jésus leur dit une autre parabole: ‘Le Royaume des cieux ressemble au levain qu’une femme prend et mélange à 25 kg de farine, jusqu’à ce que toute la pâte ait levé.»


(après le cantique:)

 


Nous sommes en 1989. Un scandale secoue l’Angleterre. Rassurez-vous, pas d’histoire de galipettes ou de corruption. Ce qui avait déclenché la polémique, c’était le nouveau portrait officiel de la reine Elisabeth. Sur cette photo, ô horreur, on pouvait voir que la souveraine, 63 ans alors, avait des cheveux blancs! qu’elle avait aussi des rides sur le front! et même quelques plis sur le cou! Réaction ulcérée de beaucoup d’Anglais qui n’acceptaient pas de voir les signes de l’âge sur Sa Majesté.

Le temps qui passe est une des choses les plus difficiles à admettre. Il fait partie de nos propres limites, celles qui nous empêchent d’être le personnage idéal de nos rêves. Nous trouvons qu’il va trop vite. Ou trop lentement. Nous sommes si souvent en train d’attendre, ou en train de regretter.

«Soyez persévérants, mes frères», dit l’apôtre. La lettre de Jacques nous invite  à une approche du temps qui ne soit ni piétinement d’impatience ni résignation passive. Ni fuite en avant ni nostalgie d’un passé révolu. «Soyez persévérants, jusqu’à ce que le Seigneur vienne».

C’est une lettre pour ce temps de l’Avent, ces quatre semaines qui nous conduisent à Noël.

On ne sait même pas si son auteur est un juif ou un chrétien. En tout cas, l’épître ne mentionne jamais Jésus, ni les apôtres, ni l’Église. Il est probable qu’il s’agisse d’un juif qui attend le Messie. Comme nous, qui revivons, chaque dimanche de l’Avent, l’attente, l’ouverture à la naissance du Christ.

«Soyez persévérants, jusqu’à ce que le Seigneur vienne». Et pour nous, c’est la naissance de Jésus parmi nous qui change notre manière d’habiter le temps. Parce qu’il est venu lui-même y demeurer, et s’y soumettre aux lois du temps. Aux limites des heures, des jours et des années. Jésus est venu habiter notre temps pour le travailler, comme le levain fait bouger la pâte.


C’est à cette attente-là; c’est à cette patience, qui est active et non résignée; c’est à cette persévérance que la lettre de Jacques nous invite, conformément d’ailleurs à la plupart des autres textes bibliques à ce sujet. 

Et l’exemple qui nous est proposé nous empêche clairement de nous tromper: l’image du paysan. Impossible, quand on cultive, d’accélérer la croissance de ses plantes par son agitation ou par son stress. Les choses viennent en leur temps, et les cheveux blancs aussi. Reine ou pas!

Mais l’attente du paysan n’est pas de la passivité, bien sûr. Enlever les mauvaises herbes, traiter, tailler, arroser, protéger des oiseaux ou d’autres indésirables… le travail ne manque pas. J’aime que dans la Bible, quand on nous parle d’attendre, on nous donne l’exemple de gens qui patientent en travaillant. Et non les bras croisés!

On a, dans le passé, tellement parlé de la nécessité d’être patient, pour le chrétien, qu’on a produit beaucoup de résignés, de fatalistes, de victimes de l’opium du peuple. Sans doute aujourd’hui faut-il au contraire encourager plutôt l’impatience!

Je suis d’avis qu’aujourd’hui, l’adversaire de la foi, ce n’est pas l’impatience, mais le découragement. Oui, l’adversaire de la foi, ce n’est pas l’impatience, mais le découragement. Si, comme le chantait Jacques Brel, «le monde sommeille par manque d’imprudence», on peut dire aussi que le monde sommeille par manque d’impatience. Par excès de résignation.

Les autres images proposées ensuite par l’apôtre confirment cette interprétation: les prophètes et Job, cités en exemples, ont espéré activement; ils se sont engagés de toutes leurs forces pour que ce qu’ils attendaient soit plus fort que le monde fataliste et fermé où ils vivaient. Ils ont refusé de justifier trop facilement les erreurs ou les injustices qu’ils subissaient. 

En cela, pouvons-nous ajouter en tant que chrétiens, en cela ils annoncent le Christ. Lui non plus ne s’est pas résigné à la victoire du mal. Lui aussi a refusé au présent le droit de triompher sur l’avenir. Lui aussi a refusé au destin de prendre la place de Dieu!

Même au travers de la souffrance, Dieu poursuit ses objectifs. Et les prophètes, et Job, et Jésus, par leur attente active, par leur travail patient, nous aident à faire de même!



 
Alors, frères (et sœurs), patience! Mais patience dans l’action, et pas dans l’inaction! Persévérance, espérance qui engage, voilà le message de la lettre de Jacques pour cet Avent.

Christ est à la porte, et sa venue est trop importante pour que nous restions empêtrés dans les histoires d’hier et d’avant-hier. Dans les jugements, dans les disputes contre les autres ou contre nous-même. Les culpabilités, Jésus vient les enlever. Inutile donc de les cultiver!

Par contre, puisque Jésus vient habiter le temps, il nous appelle à l’habiter aussi, avec lui. À aimer ce temps qui nous entoure, à l’accepter comme on accueille un nouveau-né dans sa famille. À aller au rythme du temps, comme on respecte le rythme d’un bébé ou d’une personne âgée, même si son temps n’est pas le nôtre.

Dieu a pris du temps pour nous! Il s’est mis à notre rythme, à notre portée, il nous laisse le temps de le rejoindre! C’est pourquoi nous, chrétiens, nous avons beaucoup moins de risques de nous décourager: car nous savons que rien, ici-bas, dans notre temps, rien n’est absolu. Rien n’est définitif. Le monde nouveau que Dieu re-crée pour nous, hors du temps, nous donne du recul. Face à l’éternité, et surtout face à un Dieu qui abandonne son éternité pour venir à notre rencontre, que représentent quelques rides et quelques cheveux blancs?

Aucun échec n’est le dernier. Aucune défaite n’est définitive, puisque Dieu travaille avec nous pour transformer la pâte! C’est pourquoi nous pouvons risquer notre vie, dans ce temps. Il nous est donné comme un champ à cultiver, un espace où faire pousser les fleurs de l’amitié, et les fruits d’un amour qui s’engage.

Je vous propose, pendant le silence et le morceau de musique qui viennent, de réfléchir à ces questions: comment remplir ce temps de l’Avent et de Noël? À qui pourrais-je donner un signe de cette présence? À qui vais-je offrir un peu de mon temps, même si je ne lui «dois» rien?
Amen

Jean-Jacques Corbaz

(Hu) La faute à qui ?

 

Première femme élue questeure de l'Assemblée nationale française, Denise Cacheux participe à une table ronde du Parti socialiste concernant la loi sur la parité. Durant son intervention, un militant hostile au projet crie :

- Mal baisée !

- La faute à qui, camarade ?

 

 

(Li, Hu) Accueil - La jument du Père François

Bonjour, et merci d’être venus vivre ce culte !

 

C’est, il y a très longtemps, l’histoire du Père François qui se mariait. Après la fête, il retrouve sa jument qui tire la voiture des jeunes époux. Mais la bête est un peu rétive ce jour-là. Elle refuse d’avancer. François dit alors sèchement « Un ! ». Sa jeune femme le regarde, surprise, mais ne dit rien.

Plus loin, passant près de la fontaine du village, la jument s’arrête pour boire. François tire sur le mors et dit sèchement « Deux ! ». La jeune épouse le regarde, étonnée, mais ne dit rien.

À la sortie du village, une meule de foin semble attendre. La jument s’arrête pour manger, mais François tire sur le mors et dit froidement « Trois ! ». Puis il sort son pistolet et abat sa monture d’un coup dans la tête.

La jeune femme, choquée, s’écrie : « Mais François, c’est trop cruel. Pourquoi as-tu tué cette pauvre bête ? »

François regarde sèchement son épouse et dit seulement : « Un ! »…

Il paraît qu’il n’a plus jamais été contredit dans son ménage.

 

Eh bien, chers paroissien.ne.s, chers ami.e.s, notre Père du Ciel n’agit pas ainsi ! On a trop souvent cru qu’il nous dirigeait par des menaces, par la peur et les punitions. Mais ce temps de Noël qui s’approche veut nous le rappeler fermement : ce n’est que par amour, par passion pour nous qu’il veut nous conduire.

 

Bienvenue…

 

 

Jean-Jacques Corbaz, novembre 2025       

 

mercredi 12 novembre 2025

(Bi) Religions et violences

J’ai lu sur Internet un texte qui m’a fait réagir 

 « J’ai rien contre les religions, je dis juste que ça fait quand même beaucoup de guerre (sic) pour savoir qui a le meilleur pote imaginaire. »


À cela, j’ai envie de répondre:

Je suis désolé, mais la personne qui a écrit ça ne connaît pas grand chose ni aux religions ni aux conflits. Les guerres et les violences sont causées par les fanatismes ou la soif de pouvoir. Les fanatismes sont parfois religieux, parfois nationalistes, parfois sportifs (ah le foot....); ils sont toujours réducteurs et contraires à la religion telle que je la conçois.

Pourtant, je ne vais pas faire la guerre à ceux qui pensent différemment de moi. La foi telle que je la vis est plutôt une recherche de paix, et un antidote à la violence, aux fanatismes et aux recherches de pouvoir qui oppriment. Dieu est pour moi du côté des victimes, pas des bourreaux.

Etty Hillesum, une grande chrétienne, a écrit ces mots très pertinents, et que j’approuve entièrement :

« Je ne vois pas d’autre issue : que chacun de nous fasse un retour sur lui-même et extirpe et anéantisse en lui tout ce qu’il croit devoir anéantir chez les autres. »

Vous savez, les gens qui font la guerre ne le font quasi jamais pour « savoir qui est le meilleur dieu » ; ils le font parce qu'ils se sont fait piéger par les fanatiques ou les oppresseurs. Les jeunes qui partent faire « le djihad » le font non pas pour montrer la supériorité de l'islam, mais pour assouvir une violence qui est en eux ; violence qui souvent s'adresse à une société, la nôtre, qui ne leur donne plus de sens ni de raisons d'espérer. Notre société n'est plus chrétienne que de vernis, mais, en perdant sa dimension religieuse, elle creuse le lit des fanatismes et des puissants qui veulent l'être toujours plus.

 

Amicalement

 

Jean-Jacques Corbaz, pasteur

 


 


 

 







lundi 3 novembre 2025

(Pr) Face à la mort

Lectures bibliques:  Esaïe 40, 1-8 ; 1 Corinthiens 15, 35-38 + 42-44

On le dit souvent: « On est bien peu de chose »... Le prophète Esaïe, lui, l’exprime avec ces mots: « Les humains sont fragiles et passagers, précaires, comme l’herbe des champs. Vous le savez: l’herbe sèche; la fleur se fane... »

Aujourd’hui, les savants nous apprennent que nous sommes faits surtout de vide! (ce qui est effectivement bien peu de chose!). Et que, si on supprimait tout ce vide en nous, nous ne serions pas plus gros que le point que je mets à la fin de ma phrase.

L’herbe sèche; la fleur se fane. Et notre fragilité humaine, nous la sentons cruellement, face à la mort. Comme c’est vrai, ce que chantent les Trois cloches de J-V Gilles: « Car toute chair est comme l’herbe, elle est comme la fleur des champs. Épis, fruits mûrs, bouquets et gerbes, hélas tout va se desséchant... »

L’herbe sèche; la fleur se fane. Mais le verset d’Esaïe ne s’arrête pas là. Et je vous invite à le suivre jusqu’au bout, lorsque vous pensez à votre fin (ou à celle d’un.e proche): L’herbe sèche; la fleur se fane, mais la parole de Dieu demeure éternellement. Autrement dit: il y a une autre réalité que ce corps mortel... Il y a une autre espérance que celle de la santé et des biens matériels... Il y a une autre dimension que ce monde éphémère et fragile.

Comme l’exprimait si bien St-Exupéry: « L’essentiel est invisible pour les yeux. On ne voit bien qu’avec le cœur. » Et Jean d’Ormesson le précise ainsi:  « Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants. » Et c’est vrai, nous le sentons bien: tant qu’une seule personne pensera à nous, tant qu’un seul cœur battra à cause de nous, nous resterons vivants, mystérieusement. Comme Jojo, l’ami de Jacques Brel, à qui le chanteur dit: « Six pieds sous terre, je t’aime encore, Jojo, six pieds sous terre, tu n’es pas mort! »


Ce qu’annoncent ainsi les poètes, c’est ce que nous soufflait déjà la Bible. Car, si nous restons vivants dans le souvenir de celles et ceux qui nous ont aimés, nous restons vivants d’autant plus dans l’infinie mémoire de Dieu, lui qui nous aime de manière absolue. Passionnément. Oui, avec Passion!

Parce que, même dans la vallée de l’ombre de la mort, il marche avec nous. Solidaire de nos souffrances, en Christ. Voulant sans cesse nous en décharger. Nous rendre plus libres. Et heureux.

Nous restons vivants. On ne sait pas comment, ni de quelle façon ça se passe. La Bible ne le dit pas. En esprit, peut-être. Dans une autre dimension, probablement. D’une manière qui nous échappe, ça, c’est sûr!  

Et surtout, malgré la séparation physique, nous restons reliés. Nous continuons de vivre, mais autrement, comme dans une dimension différente. Il n’y a plus de « pourquoi », là - haut, c’est le temps des réponses. Il n’y a plus de malentendus, plus de conflits; plus de séparations, de frontières créées par l’âge, la timidité ou les hiérarchies... il n’y a plus que de l’amour, de la réconciliation, de la paix.

Oui, l’herbe sèche; la fleur se fane, mais la parole de Dieu demeure éternellement. Sa parole d’amour et de pardon, ses promesses de nous sauver sans conditions, elles demeurent, même quand tout passe et s’en va. Elles restent vivantes et agissantes, nous le savons grâce à la vie et à la mort de Jésus, lui qui a toujours été tout entier respect de chacun(e), force d’espoir et de paix... porte grande ouverte sur le Paradis!

Après la mort, Dieu nous accueille dans ce monde nouveau qui nous attend. Un monde dont on ne sait rien, sauf qu’il n’y a plus de maladie, ni de souffrance... Plus d’injustice ni de larme: il n’y a que de l’amour; de la lumière et de la paix. Chacun est connu par son nom. Accueilli, respecté de manière parfaite. La Bible appelle cela Résurrection.

Dans la première lettre aux Corinthiens, l’apôtre Paul image cette vie nouvelle par la comparaison avec une graine. Celle-ci est tellement différente de la plante qui va pousser qu’on ne peut pas imaginer la fleur à partir de sa semence. De même ce que nous deviendrons : on ne peut pas le savoir avec nos intelligences limitées d’ici-bas. Mais ce qui nous est promis, c’est qu’après la mort nous serons aussi différents de ce que nous sommes aujourd’hui que la fleur de sa graine. Mille fois plus beaux, plus lumineux, plus vrais que dans ce corps terrestre !

Je prie que cette espérance puisse nous soutenir et nous donner un sens profond, face à la mort. Et face à la vie ! Comme le raconte aussi cette jolie histoire d’enfant, qui sera notre conclusion :

  
 

“Isaline courut au fond du jardin. Grand-Papa, lui, marchait lentement à cause de ses vieilles jambes et de ses rhumatismes. Chaque année, vers l’anniversaire d’Isaline, le cerisier était couvert de magnifiques fleurs blanches. C’était son arbre préféré.

Mais voilà qu’aujourd’hui, le cerisier avait disparu!

- Où est passé le cerisier? demanda Isaline, étonnée.

- Il est tombé, répondit Grand-Papa. Tu sais, il était très vieux... Il est mort.

Isaline serra la main de Grand-Papa. Ils se regardèrent.

- Mais, fit Isaline, toi aussi, tu es très vieux. Tu vas mourir?

Elle se souvenait comme elle avait pleuré quand son petit chat était mort. Elle aimait tant son Grand-Papa...

- S’il te plaît, Grand-Papa, ne meurs pas!

-Tout ce qui est vivant doit mourir un jour, répondit le vieil homme. Même si cela rend triste. Mais la mort est un nouveau commencement.

Déjà, Grand-Papa s’était mis à creuser le sol avec sa bêche.

- Oh, fit Isaline, regarde: un dirait un noyau de cerise!

C’était bien un noyau de cerise, fendu par le milieu. Un germe sortait de cette fente.

- C’est une jeune pousse en train de s’enraciner dans le sol, expliqua Grand-Papa. Elle va grandir, et devenir un nouveau cerisier. Dans quelques années, l’arbre fleurira et donnera de belles cerises comme tu les aimes.

Isaline sourit, consolée:

- On va le replanter, Grand-Papa?”   
   

Amen

Jean-Jacques Corbaz  

(Li, Hu) Accueil - Le seul à répondre


Bonjour, et merci d’être venus vivre ce culte ! 

 

C’est l’histoire de Toto qui rentre de l’école. Il annonce fièrement à ses parents : 

- Cet après-midi, j’ai été le seul à répondre à la question de la maîtresse !
- Ah, très bien, disent les parents. Et c’était quoi, la question ?
- Ben, elle voulait savoir qui avait cassé la vitre du corridor... 

 

Eh bien, chers paroissien.ne.s, chers ami.e.s, notre Père du Ciel, lui aussi, est heureux si nous répondons à ses demandes. Quelles qu’elles soient ! Et il les accueillera mieux, sans doute, que les parents de Toto dans notre histoire !

Bienvenue... 

 

Jean-Jacques Corbaz, juin 2024 

 

lundi 6 octobre 2025

(Co, Pr) Cinq histoires vécues par JJC pasteur

Il nous arrive à tous dans le ministère d’être mêlés à des anecdotes fortes ou émouvantes. Il m’en revient cinq, que j’ai envie de vous partager aujourd’hui. J’ai modifié certains noms par souci de discrétion.


La grand-maman de la mariée 

Je dirai d’abord l’histoire d’Emma, paysanne robuste et aimante. Emma, dont je fais la connaissance à l’EMS où elle vit désormais à cause de ses jambes qui ne la portent plus. Par contre, tant d’autres choses la portent: de voir sa ferme quasi par sa fenêtre, et d’être si bien entourée par sa famille; de les aimer, tous, de les porter dans son 
cœur
 de maman, de grand-maman, et bientôt d’arrière-grand-maman; et aussi et peut-être surtout, à la base de tout ça, de croire fermement en Dieu, sereinement, sûrement, de lire sa Bible et de prier pour dire merci.

Dans nos entretiens, elle me confie un jour quelque chose qui pourtant la turlupine: sa petite-fille attend un bébé, elle va se marier, elle-même est invitée, oui, c’est merveilleux; mais le fiancé ne veut pas de cérémonie religieuse. Lui qui a grandi dans une famille catholique très pratiquante a été dégoûté de devoir aller trop souvent à la messe, plusieurs fois par semaine… Il en est devenu complètement réfractaire aux églises. Le mariage sera donc uniquement civil.

Emma a entendu que j’ai pratiqué des bénédictions nuptiales hors des lieux de culte, en plein air ou dans des refuges. Elle se demande si…

Si, si! Pourquoi pas? Je suis d’accord que ces jeunes prennent contact avec moi, s’ils le souhaitent, pour organiser un culte, même s’ils ne sont pas mes paroissiens (ce qui arrive fréquemment).

Emma se met en piste. De son lit d’EMS, à 87 ans, elle persuade les jeunes de me contacter; imagine une cérémonie dans la grange de leur ferme, ce sera au moment où elle est quasi vide, avant les récoltes; rêve de décoration campagnarde, bottes de paille et fleurs des champs.

Et tout se passe comme elle l’avait pensé! Fête émouvante où la ferme entière accueille les invités. Les parents du fiancé sont heureux que leur fils ait accepté une bénédiction religieuse. Tout le monde est décontracté, comme à la maison. Réussite complète! Je garde moi-même un souvenir lumineux de la manière dont tout a été aménagé dans et autour de la grange. Les mariés sont émus et remplis de bonheur. Mais la plus rayonnante, c’est bien sûr Emma!

Et puis, prolongement inattendu: quelques mois plus tard, après la naissance du bébé, je reçois un téléphone des nouveaux parents. Ils me demandent de baptiser leur enfant… à l’église de Goumoens! Le jeune papa est tout à fait d’accord de venir vivre cette nouvelle fête lors d’un culte paroissial.

Emma bien sûr est de la partie. À la sortie du culte, nous nous serrons longuement la main. Je la regarde, elle me regarde, et nos yeux tous les quatre disent «merci»! 

 

 

 


Le papa 

Autre mariage, celui d’Evelyne et Raymond, elle catholique (d’une famille très engagée et conservatrice) et lui protestant. Et lui paysan. Il me téléphone un soir pour me demander de bénir leur union, et nous prenons rendez-vous pour préparer la fête.

Le jour dit, je les attends à la cure. Mais au lieu de ma porte, c’est mon téléphone qui sonne.

Au bout du fil, le père de Raymond, notable du village. «Mon fils ne viendra pas, ce mariage n’aura pas lieu».

Aïe! Bien sûr, il se révèle qu’il y a des dissensions confessionnelles qui sont à la base de ce refus. Je repense à l’histoire de Claire et de Louis, dans le même cas (Claire et Louis qui s’aiment, mais qui ont dû vieillir loin l’un de l’autre à cause de l’interdiction parentale. Avec l’âge, Claire est devenue sourde, et presque en même temps, Louis a perdu la vue. Logique: Louis ne pouvait plus voir clair, et Claire avait perdu l’ouïe!).

Mais Evelyne et Raymond, eux, trouvent rapidement une solution! Ils se débrouillent pour que l’amoureuse tombe enceinte. Dès lors, les parents n’osent plus s’opposer à «régulariser la situation», comme on dit en ce temps-là.

Le jour de la cérémonie religieuse, le père de Raymond reste un peu bloqué, ou peut-être intimidé, devant la chapelle catholique où nous allons bénir le couple. C’est l’heure de commencer, et il ne se décide pas à entrer. Je le prends alors par le bras et lui dis gentiment: «Venez, Monsieur Rochat, vos enfants vous attendent.»

Le mariage est béni par le prêtre et le pasteur, comme c’est souvent le cas alors. Et si la cérémonie a lieu dans une chapelle catholique, les enfants seront baptisés protestants. Jolie manière d’éviter qu’il y ait des perdants!

La morale de l’histoire, c’est que l’oubli d’une pilule peut faire avancer l’œcuménisme bien davantage que certains colloques spécialisés! 





Donner sa vie 

L’amour qui donne la vie, c’est André, paysan discret attaché à sa terre. André, dont le petit-fils est mourant: cancer. Des tumeurs partout, attaques, arrêts respiratoires… Un gosse de 9 ans, condamné. Dans le coma, tous attendent la fin.

Soudain, André tombe malade. Pas grave, un ulcère. Opérer sans tarder. Mais en ouvrant, de graves infections se révèlent. En trois jours et trois nuits, André est «poutzé».

L’amour, c’est André, ô combien. À l’instant de la mort de son grand-père, le gosse s’est remis à vivre. Est sorti du coma, s’est mis à parler, et à guérir, et à ressusciter. Il est toujours vivant aujourd’hui. Qui pourra l’expliquer?




 
C’est le ciel qui vous envoie 

C’était un bel après-midi d’été, très chaud. Je vais à vélo rendre visite à une paroissienne âgée qui vit seule aux Mottettes, un petit hameau près des bois, en-dessous de Vuarrens. Je trouve cette nonagénaire au jardin, et lui propose de se reposer un moment sur son petit banc, à l’ombre. Discussion sympathique, nous prenons le temps.

Au moment de remonter sur mon vélo pour rentrer, je vois de gros nuages noirs à l’horizon. Un orage va éclater, il faut que je rentre rapidement, sinon je vais être trempé!

Et patatras! Quand je traverse Penthéréaz, il commence à tomber des seilles. Mes lunettes sont pleines d’eau, je vois mal ma route, il serait plus sage de m’arrêter.

En passant devant chez Mme Haenni, il me vient une idée: elle aussi, ce serait bien que je passe chez elle. C’est une grand-maman très pieuse, qui apprécie beaucoup lorsque je viens prier avec elle. Elle ne peut plus tellement se déplacer, à cause de ses jambes bien faibles mais aussi de sa vue très mauvaise. Je ferai ainsi d’une pierre deux coups!

Je passe le petit portail sur lequel il est écrit «Attention, chien méchant» (mais il n’y a jamais eu de chien, c’est juste une ruse pour effrayer les personnes malintentionnées!). Je sonne. «Entrez!» dit-elle d’une voix forte.

Je pénètre dans l’appartement, content de me retrouver au sec. Me présente, mais elle m’avait reconnu. Et tout de suite, me lance: «Ah, Monsieur le pasteur, c’est le ciel qui vous envoie!»

Je souris intérieurement, car c’est bien le ciel! Mais Mme Haenni poursuit rapidement: «J’étais en train de coudre quand mon fil a cassé. J’ai essayé d’enfiler mon aiguille à nouveau, mais rien à faire. Entre mes mains qui tremblent et ma vue qui baisse… Au bout d’une demi-heure de tentatives vaines, j’ai posé mon ouvrage, j’ai joint les mains, et j’ai prié: ‘Seigneur, aide-moi, je n’y arrive pas toute seule’. Et quand j’ai dit ‘Amen’, vous avez sonné à la porte!

La suite, vous la devinez. J’ai enfilé l’aiguille, et nous avons prié. Il est arrivé à de nombreuses reprises que cette paroissienne me raconte des exaucements fabuleux. Mais celui-ci, j’y ai assisté, et aux premières loges!




Maman, c’est moi 

Je garde un souvenir fort d’une paroissienne que j’appellerai Juliette, mère de famille nombreuse, et presque de nombreuses familles!

Un de ses fils, au cimetière du village, a été très étonné un jour de voir une inconnue qui cherchait une tombe au nom de Juliette. «C’est ma mère, celle dont vous cherchez la pierre. Mais elle n’est pas morte, elle vit, même si elle a presque cent ans» (âge considérable en ce temps-là). «Dans ce cas, répondit paisiblement l’étrangère, dans ce cas, Monsieur, vous êtes mon frère!»

Le choc digéré, la dame s’expliqua: Juliette avait eu, avant de se marier, une fille qu’elle avait placée. Et qu’elle avait toujours cachée, par crainte des foudres de son beau-père, intransigeant sur la morale. Une fille qu’elle avait continué de cacher, après la mort du patriarche, pourquoi? Par habitude? Par peur de la réaction de ses autres enfants? Par lâcheté à avouer son manque de soin maternel? On ne le saura jamais.

Car Juliette l’aïeule, usée par trop de labeur et d’années, ne vivait plus que par crainte qu’on ne découvre son secret à sa mort. Tout son corps, fatigué par la vie rude des paysans de ce temps-là, refusait de fonctionner. Sa peau, fine comme une toile d’araignée, se déchirait au plus petit choc pour ne plus se recoller. Quel besoin intime de réparation l’empêchait de mourir?

Lorsque les nouveaux frère et soeur, tout émus de ces «trouvailles» (je ne peux pas écrire «retrouvailles»!), vinrent ensemble devant leur mère, celle-ci nia tout. «Ce n’est pas vrai, je n’ai pas d’autre fille».

L’inconnue alors posa sa main, doucement, sur le bras de celle qui ne l’avait jamais bercée et lui dit: «Maman, je te pardonne».

Deux semaines plus tard, je l’enterrais.




Jean-Jacques Corbaz  

 

(Li, Hu) Accueil - Jésus et boxeur

Bonjour, et merci d’être venus vivre ce culte !

 

Savez-vous quel est le point commun entre Jésus et un champion de boxe ?

Eh bien, tous les deux multiplient les pains !

Bien sûr, ce ne sont pas les mêmes ! Jésus ne donne pas de coups. Mais il multiplie les manœuvres d’approche pour se rendre plus aidant et mieux disponible, pour chacun.e. Et cela, quelle que soit la catégorie où nous boxons !

 

Bienvenue auprès de lui, donc ! Puissent ses pains être pour nous nourrissants et non meurtrissants !

 

 

Jean-Jacques Corbaz, novembre 2024        

 

dimanche 21 septembre 2025

(Pr) Les mésaventures conjugales d’Osée... et celles de Dieu!

15 et 21 septembre 2025 (Jeûne Fédéral)

 

Lectures: Osée 3, 1-5; Deutéronome 24, 1-4; Matthieu 18, 12-14.

 

Il y a quelques années, nous avons préparé, à plusieurs collègues pasteurs, une série de prédications sur le thème du couple et de la famille.

L’un de nous avait amené, tout fier, un passage biblique qu’il considérait comme une excellente base de réflexion sur la question de la fidélité entre mari et femme. C’était ce chapitre 3 du livre d’Osée que nous venons d’entendre. L’histoire des amours tumultueuses du prophète et de son épouse qui le trompe et le quitte pour devenir prostituée (rien que ça!!); bref, une femme pas recommandable du tout!

Mais voilà, l’étude la Bible réserve parfois des surprises: après une analyse fouillée, nous nous sommes aperçus que le sujet de notre chapitre d’Osée, c’était en fait la relation entre Dieu et les humains! L’histoire des amours du prophète n’est qu’un signe, une espèce de parabole des amours (tout aussi tumultueuses) que Dieu vit avec son peuple, Israël. Contrairement aux apparences, le livre d’Osée ne veut pas tellement nous parler de la fidélité dans le couple. Il veut plutôt nous ouvrir à la fidélité invraisemblable de Dieu envers l’humanité. Oui, la fidélité invraisemblable de Dieu envers l’humanité!



Quelques mots sur le contexte historique de notre passage. Nous nous trouvons dans le royaume du Nord d’Israël, dont la capitale est Samarie.     Les institutions politiques y sont instables: sur 18 rois du Nord, 8 vont mourir assassinés! Mais les dirigeants qui se succèdent pensent toujours pouvoir n’en faire qu’à leur tête, ils imaginent assurer la sécurité du pays par leur propre habileté, en changeant sans cesse de politique, en s’alliant avec un pays, puis avec un autre ennemi du premier, puis en changeant encore d’alliance.

À ce jeu-là, ils se mettent tout le monde à dos. En 734 avant JC, l’Assyrie envahit le royaume du Nord presque entièrement. Il ne reste plus que la petite ville de Samarie qui est indépendante. Mais qui continue de se comporter comme si elle était une puissance!

C’est pourquoi Osée réagit. Dans son livre, après les trois chapitres traitant de son mariage, les onze autres chapitres annoncent la catastrophe à venir, soit la destruction de Samarie. Et douze ans plus tard, c’est ce qui arrive, en 722. 

Osée ne dit pas cela pour faire des prédictions (comme on croit parfois), mais pour prophétiser, c’est-à-dire tirer un enseignement théologique de la situation présente et à venir, un enseignement sur Dieu. «C’est trop tard pour réagir, clame-t-il, vous avez manqué le coche en faisant confiance à vos institutions, à votre puissance militaire ou politique. Il n’y a plus qu’une solution: il vous faut revenir au point zéro, à l’état du peuple sans territoire, sans assurance, sans richesse, sans autre sécurité que Dieu, comme c’était le cas au désert, durant l’Exode. Redevenez cette poignée de croyants bien conscients de leur fragilité, qui suivaient Dieu avec confiance.»

Voilà ce qu’Osée clame et réclame: un retour de passion, un retour de coup-de-foudre entre Dieu et Israël. C’est ainsi qu’il utilise l‘histoire de ses déboires conjugaux pour faire comprendre l’ardeur de l’amour de Dieu et l’étendue de sa fidélité. 

La femme d’Osée, nommée Gomer, l’a quitté pour exercer une activité de prostituée, probablement dans le cadre du culte du dieu Ba’al. 

En ce temps-là, il y a un tel mélange de religions que les cultes de Ba’al et du Seigneur sont célébrés ensemble, pêle-mêle. C’est une situation bien plus grave que l’abandon de Dieu pour un culte païen, car on ne peut même plus revenir au vrai Dieu. Son culte est infecté de paganisme et d’idolâtrie.

Alors, que dit Dieu? Il demande à Osée d’aller récupérer sa femme. Aïe aïe aïe, ça ne se fait jamais, car l’Ancien Testament considère cette reprise des relations comme impure. Pire encore, Dieu demande au prophète de payer une nouvelle fois la dot qu’on doit pour une jeune épouse. 

Alors là, franchement, Osée atteint le comble du ridicule! Il devient la risée de ses contemporains pour retrouver sa femme. «Le Seigneur me dit, écrit le prophète: ‘Une fois encore, aime cette femme qui a un amant et vit dans l'adultère. Aime-la comme moi, le Seigneur, j'aime les gens d'Israël, bien qu'ils se tournent vers d'autres dieux et raffolent des gâteaux de raisin.’»

(Ces pâtisseries étaient liées au culte de Ba’al. Précisons que tout rapproche-ment entre ces gâteaux et ceux aux pruneaux, à l’honneur en ce Jeûne Fédéral, est purement fortuite et indépendante de la volonté des auteurs bibliques!)

«Je récupérai donc ma femme pour 15 pièces d'argent et 600 litres d’orge», poursuit Osée. Donc non seulement il reprend sa femme, mais il la rachète.  Et d’après ce que nous savons sur les tarifs de l’époque, il la rachète très cher! 

Voilà l’image que Dieu donne aussi à son peuple. Comme Osée, le Seigneur préfère se couvrir de ridicule plutôt que de nous laisser loin de lui. Il affronte les moqueries et les incompréhensions. Mieux encore, il paie cher, très cher pour nous racheter. Annonce, bien sûr, de la Croix et du salut; d’un Dieu qui nous appelle ses amis, ses enfants, quitte à verser le sang du juste, sous les quolibets.

Osée continue en ces termes: «Et je lui dis: ‘Pendant longtemps tu resteras avec moi, et tu renonceras à pratiquer la prostitution. Tu devras également renoncer à tout rapport sexuel, et moi je ferai de même à ton égard’».

C’est bien à une sorte de jeûne qu’Osée appelle sa femme. Je dirais même: une espèce de cure de désintoxication! Il renonce, pour un temps long, à tout rapport amoureux afin de revenir à la passion, au désir des temps premiers. Dites, si notre Jeûne, ce dimanche, nous aidait ainsi à retrouver le goût de la nourriture et de la solidarité dans la faim?
  

«Ainsi, conclut Osée, le peuple d'Israël restera longtemps privé de roi et de chefs, de sacrifices et de pierres sacrées, privé aussi des objets qui servent à consulter Dieu. Puis plus tard, il reviendra au Seigneur, il se tournera vers lui. Dans l'avenir, il cherchera avec respect la présence de son Dieu et les biens qu'il donne».

Mais ce jeûne est le signe d’une autre privation encore: il indique une vacance  (non pas un lundi de congé, mais une vacance, un vide!). Cette privation annonce que les institutions, qu’Israël considérait comme sa sécurité, vont disparaître. Plus de roi, plus d’armée, plus de culte, plus de sacrifices… pour que le peuple retrouve la soif de Dieu, le manque, le désir du divin.

Cette vacance des institutions permettra peut-être le retour de la flamme, nue, entre Israël et Dieu, comme les privations de Gomer devraient lui faire à nouveau désirer son mari.


 
En conclusion, vous le voyez, cette histoire étonnante nous parle, non pas du mariage, mais du retour à une dépendance totale, absolue de la grâce de Dieu. 

Avez-vous remarqué? c’est lui qui fait tout, ou presque. Comme Gomer, Israël n’a rien à faire, dans ce passage. Juste laisser de la place à l’amour passionné du Seigneur!

Et si nous profitions de ce congé de Jeûne pour vivre une vacance de tout ce qui nous donne sécurité? De tout ce que nous faisons pour nous justifier? Car ce vide, ce dépouillement, ces privations ne sont pas une punition, bien sûr. Dieu ne réprime jamais! Le jeûne, la vacance veulent nous permettre de retrouver l’appétit pour mieux nous préparer à un avenir nouveau.

Dès lors, ne tirons pas trop vite des parallèles politiques pas plus que conjugaux. Une Suisse sans armée? sans Conseil Fédéral? sans 
Églises, sans cultes? Non, c’est notre relation à Dieu qui est visée.

Si comme 
Église nous passons par un temps de faiblesse, en argent et en nombre, est-ce que ça pourrait être une chance à saisir? Une occasion de re-départ? L'Église, chez nous, commence à se dépouiller d’une mentalité de puissance, d’un rêve d’institution reconnue et respectée par la majorité. Puissions-nous vraiment retourner à une Église consciente de ses faiblesses, qui comme Israël au temps d’Osée placerait sa confiance en Dieu seul.

Que notre Jeûne Fédéral, cette année, ne soit pas seulement occasion de rendre grâces; ni évidemment de nous culpabiliser (Dieu ne veut pas cela!Dans notre histoire, l’humilié, c’est Osée, qui représente symboliquement Dieu. Oui, l’humilié, c’est Dieu! Il ne nous demande même pas ici de nous rabaisser, de nous repentir: c’est lui qui le fait).

Israël pensait que son bien-être, ses richesses - modestes - lui venaient du culte de Ba’al. La seule chose à laquelle ce chapitre d’Osée nous appelle, c’est donc de reconnaître Dieu à l’
œuvre  - dans notre sécurité et même dans les bouleversements de notre vie. Dans les désastres conjugaux à la Gomer, ou dans les écrasements militaires comme Israël. Voire dans les remaniements de nos Églises, qui doivent bien faire avec les petites forces qui leur restent. Reconnaître Dieu, et donc être vraiment reconnaissants.
Amen


Jean-Jacques Corbaz 


 

lundi 15 septembre 2025

(Li, Hu) Accueil - Le curé qui boite

Bonjour, et merci d’être venus vivre ce culte !

 

C’est l’histoire d’Olive et Marius qui croisent le curé du village. Tous deux remarquent que le prêtre boite bien bas.

- Que vous est-il arrivé, Monsieur le curé ?

- Oh, un bête accident. Je me suis encoublé et mon genou a heurté violemment le bidet. Ça me fait un mal de chien.

- Faites mieux attention, Monsieur le curé, disent les deux amis. Et ils s’éloignent.

Peu après, Olive demande à Marius :

- Euh… c’est quoi, un bidet ?

- Oh, répond l’autre, je ne sais pas. Tu sais, ça fait si longtemps que je ne suis plus retourné à l’église…

 

Chers paroissien.ne.s, chers ami.e.s, Dieu nous accueille pareillement. Même si ça fait longtemps que nous ne sommes pas allés au culte ou à la messe. Pas besoin de se mettre à genoux ! Ni de s’y connaître en accessoires de salle de bain !

Bienvenue auprès de lui, à chacun.e !

 

 

Jean-Jacques Corbaz, juin 2024        

 

lundi 18 août 2025

(Pr) Un pays qui dévore ses habitants - 18 août 2025

Lectures: Nombres 13, 25-33; Nombres 14, 1-9; Esaïe 43, 1-5.

Le passage qui nous intéresse ce matin est un peu comme ces vieux amis qu’on croit très bien connaître: nous avons tant de souvenirs qui nous attachent l’un à l’autre, tant d’émotions partagées de notre jeunesse… Mais voilà, nous avons changé, eux et nous. Le monde n’est plus ce qu’il était au temps de notre insouciance et de notre naïveté!

Alors, parfois, on regarde ces amis; on les écoute; et on se sent un peu étrangers. On aimerait retrouver à leur contact des élans, des passions que nous avions partagés… mais qui appartiennent au passé.

Le livre des Nombres, ainsi, nous semblait clair et facile d’accès au temps de notre école du dimanche. Mais aujourd’hui il suscite en nous des questions un peu dérangeantes. Par exemple: c’est quoi ce Dieu qui emmène son peuple à la conquête d’un pays? Et qui l’appelle à exterminer ses anciens habitants? Aïe, pas très chrétienne, comme conduite!

Et aussi: pourquoi le peuple d’Israël refuse-t-il ce cadeau? Pourquoi auraient-ils préféré mourir en Egypte, voire dans le désert?

Ou encore: comment se fait-il que tout le peuple parle d’une même voix, et que le livre des Nombres souligne si souvent l’unanimité de «la communauté d’Israël tout entière»?

Et enfin: est-ce possible, ces géants face auxquels Josué et ses compagnons se sentaient comme des fourmis?


En fait, notre passage appartient à un ensemble qu’on appelle «le cycle des rébellions».  Ce sont les chapitres 11 à 25 du livre des Nombres. Il s’agit d’une grande fresque narrative qui multiplie les récits où Israël s’oppose à Moïse et à Dieu. À chaque fois, le peuple veut retourner en Egypte, il a peur d’entrer en Palestine. Il y a même une fois où Israël dit du royaume des pharaons que c’est un «pays où coulent le lait et le miel». Oui, vous avez bien entendu: l’Egypte, et pas la Palestine!!

Le rédacteur nous montre donc ici une image caricaturale d’Israël. Ce n’est pas sous l’effet d’une peur passagère qu’ils veulent faire marche arrière, non, c’est systématique. Le peuple, tout au long de ce cycle, ne fait aucune confiance aux promesses de Dieu. Ils considèrent le Seigneur comme une espèce de despote, un mauvais roi qui jouerait avec la vie de ses sujets; au pire, qui aurait le projet de les faire mourir; et au mieux, qui aurait de bonnes intentions, mais qui serait incapable de les réaliser.

Ouille! Entre parenthèses, cette caricature ne rejoindrait-elle pas un peu celle de quelques-uns de nos contemporains? (fermons la parenthèse).

Voilà donc le peuple qui renâcle. Ils essaient de nommer un chef autre que Moïse pour qu’il les ramène en Egypte. De ce pays que Dieu veut leur donner, ils oublient les fruits fabuleux ramenés par les explorateurs (vous vous souvenez sans doute de l’énorme grappe de raisin de la fête des vignerons); ils oublient tout ce qui parle de promesses et de vie; ils ne gardent que les craintes, et ce qui parle de mort.

«C’est un pays qui dévore ses habitants» disent les émissaires. Autrement dit, un pays qui cause sans cesse querelles, guerres, violences… Et c’est déjà ce qui arrive aux jours de Josué! Et puis, vous ne le savez que trop bien, c’est encore hélas ce qui s’y passe aujourd’hui. Re-refermons la parenthèse!

Donc, une peur systématique… longue durée! Alors, comme un enfant abandonnique, Israël préfère retourner en Egypte, terre d’esclavage et d’oppression, mais terre connue, plutôt que de s’engager en Palestine, terre promise, mais inconnue! Dont les dangers sont cachés, et donc terrorisent davantage!

 

Toute cette histoire du livre des Nombres illustre donc le risque immense de la foi. Le risque immense de la vie! Face à l’inconnu, nous avons tous tendance, parfois, à faire marche arrière. Même le peuple de Moïse, qui avait pourtant vécu  l’Exode et tous ses prodiges, même le peuple de Moïse parle et agit à rebours du bon sens, à rebours des promesses de Dieu! «Être esclave en Egypte était au fond facile, devenir homme libre est bien plus difficile» disait Philippe Zeissig.

Malgré les précautions de Moïse; l’approche lente; malgré l’envoi des explorateurs pour qu’Israël puisse se faire une meilleure idée de la Terre promise… eh bien le peuple refuse d’entrer dans la liberté! Il n’a pas encore appris à vivre! Il préfère retomber dans le passé, c’est-à-dire dans la mort.
 


Vous voyez maintenant les échos que notre passage peut éveiller en nous, quelques jours après notre fête nationale! Comment continuer de grandir dans l’autonomie et le courage, face aux défis qui ont de quoi nous terroriser? Comment aujourd’hui faire confiance aux promesses de notre Dieu, pour mieux vivre?

Entre crises politiques et crise climatique; face aux difficultés économiques et sociales; au vu des violences et des intolérances qui pourrissent le monde… comment vivre et refléter l’inépuisable bonté de Dieu qui veut nous aider à ne succomber à aucune peur? Il y a là de quoi longuement méditer… et prier!

Un mot encore pour celles et ceux qui se demandent: «Est-ce que ça s’est passé comme le livre des Nombres le dit? Est-ce historique, ce récit? Dieu est-il vraiment un Dieu de conquête, qui appellerait son peuple à tuer les autres?»

Les exégètes ont découvert que notre histoire a été considérablement remaniée au fil du temps. En fonction des évènements, on a relu et réécrit ces épisodes, et on en a ainsi déplacé la pointe, le message central.

Au départ, il s’agissait probablement d’un récit assyrien. Chez les Assyriens, les dieux, pensait-on, combattaient aux côtés de leur peuple, pour leur donner la victoire.

Dans un deuxième temps, Israël a repris cette narration lors des invasions assyriennes, pour affirmer que le Seigneur, lui aussi, favorisait les desseins de son peuple, et qu’il était plus puissant que les divinités des envahisseurs. C’est en particulier le roi Josias, au VIIè siècle avant JC, qui a développé cette croyance, pour appuyer son projet d’expansion du «Grand royaume d’Israël» - toujours contre l’Assyrie.

L’image d’un Dieu qui appelle à l’occupation du pays et l’expulsion de ses habitants (ou leur extermination) a servi alors, d’une part à légitimer la possession de nouveaux territoires; et d’autre part elle a servi à condamner les mariages mixtes entre Juifs et «étrangers» vivant sur le même sol. On voulait, bien sûr, éviter le mélange religieux (le syncrétisme) qui risquait de déformer l’héritage spirituel des descendants de Moïse.

Ces considérations historiques vont nous aider à comprendre nos versets dans leur contexte, et à ne pas les mettre au service de visées impérialistes. Et là, je pense autant à la Suisse, aux USA ou à la Russie qu’à Israël aujourd’hui!

Ces considérations historiques vont nous aider également à discerner comment Dieu peut nous aider, aujourd’hui. Car notre récit a été relu et retravaillé bien après Josias encore, à l’époque perse, soit aux IVè et Vè siècles avant JC, au temps où les exilés à Babylone revenaient à Jérusalem.

Ils rentrent chez eux, tout heureux. Mais voilà qu’ils retrouvent leurs terres ancestrales occupées par d’autres (déjà des Palestiniens)! Les conflits, les mariages mixtes, le syncrétisme menacent de gangréner le pays. La tentation est immense de se replier sur les anciennes traditions, de chercher à reproduire le passé à tout prix; de se fier à ses réflexes humains de survie, sans tenir compte des appels du Seigneur.

C’est le rédacteur de cette époque, en ces années-là, qui a donné cette place impressionnante aux révoltes du peuple contre Moïse et contre Dieu, façonnant notre fameux «cycle des rébellions».

C’est lui qui considère le Seigneur non plus comme une arme aux côtés de ses soldats, mais d’abord comme une promesse d’avenir, qui veut nous apprendre à vivre libres, sans repli ni terreur.

C’est lui bien sûr enfin qui introduit la jolie remarque sur les géants, devant lesquels les émissaires de Moïse se sentent petits comme des fourmis. Et qui ajoute finement: «Et c’est bien ainsi qu’eux-même nous voyaient».

Car si souvent le regard des autres modifie notre regard sur nous-même. Si je me crois petit et fragile comme un insecte, les autres deviennent des géants, prêts à m’écraser. Les sportifs entre autres peuvent l’expérimenter.

Aujourd’hui, à une époque où le regard des autres pèse énormément, comment résister à cette pression? Quand ma valeur dépend, aux yeux de beaucoup, de ma réussite sociale; de mon physique; de mon compte en banque; de mes habits… Quand les modèles de la publicité, des médias ou des influenceurs exercent leur ascendant si fort… Alors, de grâce, laissons les yeux de Dieu transformer notre regard sur nous-même!

Nourrissons-nous du fait que Dieu, plus grand qu’un géant pourtant, Dieu nous regarde avec faveur. Il nous dit: «Je te prends comme tu es. Tu n’es pas misérable comme une fourmi - et je ne te demande pas d’être un géant non plus. Tu es un être humain, et c’est bon comme ça. Je t’aime ainsi. Tu es mon trésor. ‘Ne crains pas, car je t’ai racheté, je t’appelle par ton nom, et je t’aime’».
Amen

Jean-Jacques Corbaz