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jeudi 17 octobre 2013

(Po) Quand je parlais à mes rêves


jjc


Tant plus...  (poème en prose) - quand je parlais à mes rêves
 
Il avait tant plu, ce septembre, qu'octobre était malheureux d'hésiter entre avril et décembre, et de ne pouvoir être aucun des deux. Il avait tant plu que les pentes, appliquées, se concentraient sur leur seul ouvrage, comme tirant la langue: acheminer toute cette eau vers la mer.

Il avait tant plu que l'air semblait vide, et m'appelait: reprends tes balades nocturnes, et ta flûte, rêve, chante; ainsi tu retardes l'hiver.

Il avait tant plu que le lac, apaisé sous la lune, n'osait plus que laper à petits coups de langue des vagues plates, en s'excusant déjà, comme un chien qui sait qu'il a désobéi.

Il avait tant plu que je n'avais plus rien à pleurer. Alors, je répondais; je promenais ma soif de vivre, et comme l'air je semblais vide, et me sentais à occuper, et t'appelais. Quels visages n'as-tu pas pris, quels fantasmes n'as-tu pas nourris... Que mon creux rencontre ton vide, et nous serons comblés.

Je voudrais tant t'avoir plu, ce septembre. Malheureux d'hésiter entre amour et copain tendre, et de ne pouvoir être aucun des deux de façon permanente, et de ne vouloir être aucun des deux. Je voudrais tant t'avoir plu, ce septembre, maintenant que tu fais l'amour au soleil sans m'entendre - et que je ne t'ai plus...

Il avait tant plu, ce septembre, que je croyais que du ciel plus rien d'autre ne pouvait m'arriver. Il avait tant plu, j'avais tant besoin d'amitié, de présence, d'affection partagée...
      
                               *                                 *

On était en automne, et l'année déjà lasse. Tirait le poids de sentiments qu'on n'osait effleurer des doigts, de peur qu'ils ne s'écrasent. Ou nous emmènent avec, au fond de la forêt qu'estompe le brouillard ouaté où tout se mélange et s'efface. On était en automne, et tout était mal sec. La Broye volumineuse aux affluents nuages recouvrait nos champs bas - et nos désirs malplats.

On en était aux pommes, et moi j'étais sans âge. Jusqu'à ne plus savoir pourquoi j'en parlais au passé. Pas vieux, non, et pas non plus désespéré. Peut-être juste voilé par la pénombre d'un doute. Peut-être entrevoyant l'infini quelque part, là-devant. Et ça déroute. Et ça fait mal. On aurait tant besoin de certitudes, et pas d'étoiles.

Et puis, c'étaient mes doigts, qu'appelaient tant de caresses. Mes doigts trop froids, inutiles et sans promesses, trop petits pour se tendre vers toi; trop courts. Mes doigts, mon corps, ma voix, qui cernaient trop de tristesse. J'avais tant besoin d'espérance, de présence, de tendresse...
                                 

 

Alors, je t'appelais. Et tu venais, bien sûr, on n'est plus aux temps sages où l'on rêvait bien pur face au seul paysage. Et tu venais, et l'on s'aimait, mais non, on faisait la tendresse, appelez ça l'amour, que m'importent les mots. On faisait tous les gestes, jusqu'à ne plus pouvoir se séparer. On disait "on est fous", on faisait la tendresse, ou était-ce l'amour, mais qu'importent les mots...

Et puis tu repartais. Ou alors c'était moi. On n'aurait jamais pu vivre ensemble, tu sais. Et on ne s'aimait pas. Alors, on repartait. Des fleurs plein la tête, du plaisir plein le corps, mais le coeur en tempête - oh, pas souvent, mais ça m'arrive encore. À toi aussi, je crois.

Tirant le poids de sentiments qu'on n'osait effleurer des doigts, de peur qu'ils ne s'écrasent; ou ne s'embrasent? Et j'avais fait ma croix sur ces sentiments-là. L'amour, la haine, le froid, quand on n'a pas le droit.
                      
Photo Christa Henzer, Cossonay
           *                                 *
Et puis tu es venue, autre encore que mon appel, et tu m'as fait revivre. Et le sang dans mon corps, marchant, courant, m'a r'offert le soleil. Et tu n'es qu'un visage, et même pas, rien qu'une fille de l'air, allant calme sa route. Et ça déroute! Tu ne sais même pas, mais tu m'as tout donné, ma main, mon coeur, ma peau, le matin, mes réveils, tout, jusqu'à moi-même allumé, amusé, palpable, existant, moi, vivant. Tu es venue, pareille à mon espoir, sans même inviter à te suivre, et je t'ai vue partir, au soir, sous la lune de cuivre, et je ne savais pas encore que c'était toi.

On était en automne, en marche vers Noël. Déjà tu t'éloignais, si belle, je n'osais te suivre. De peur de t'effrayer. Ou de me réveiller? Et de briser la nuit. Toi, si douce. Et moi, tu vois ce que je suis. Pouce!

Alors, on s'en allait. Des fleurs plein la tête, de la joie plein le corps, de l'espoir en chantier, mais le coeur en tempête de n'y pouvoir rester - oh, pas souvent, mais ça m'arrive encore. À Dieu aussi, je crois.
                                  *                                 *
Tu vois, je vis ces temps faibles et forts, ces vides et ces pleins, ces appels, ces présences, comme le sang qui pulse à mon poignet, qui permet d'exister.

Hauts et bas alternés,
Eveils et sommeils en partances,
Notes et silences,
Naissance et mort,
Grand large et ports
Me tracent une voie de givre
Pour y marcher en liberté.

C'est ta beauté qui me fait vivre,
Comme les îles au parcours du voilier,
Je ne peux que la suivre
Emerveillé.

JJC, octobre 1984

   





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