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dimanche 11 janvier 2015

(Pr) La culpabilité enfer... me - Prédication du 11.1.15



Lectures: Luc 5, 17-26, I Jean 3, 18-21,  Esaïe 61, 1-3

Autrefois, on disait que le péché conduisait en enfer. En réalité, selon les évangiles, c’est plutôt le sentiment de culpabilité qui nous mène à une existence infernale, ici-bas déjà. On voit des gens dont la vie est littéralement empoisonnée par une conscience trop lourde de leurs fautes, devant Dieu ou même devant les hommes. La culpabilité cause un enfer, voire un enfer...mement! (ce n’est pas tout à fait un hasard si les deux mots sont si proches!).

Le pire, c’est que souvent la culpabilité est activée par des personnes qui voudraient se déculpabiliser elles-mêmes. Pour ne pas se sentir en faute, inconsciemment ces gens attaquent les autres de manière à ce qu’ils se sentent coupables.

Alors, pour sortir de cet enfer-mement, Jésus nous invite à nous poser nous-même la question: pourquoi commences-tu à te sentir coupable, avant toute chose? Coupable de tomber malade, coupable de ne rien faire ou de partir en vacances, coupable d’éprouver tel sentiment ou telle envie? Coupable quand un autre se met en colère devant toi?

Vous savez, quand survient un pépin, ou face à la souffrance, nous avons besoin de réagir, pour ne pas nous sentir impuissants. Hélas, notre parade trop fréquente, c’est de croire que nous aurions fait quelque chose de mal qui expliquerait ce qui est arrivé: si seulement j’avais... ou si seulement je n’avais pas... (vous connaissez la chanson!). Dans l’histoire de Job, c’est le discours des “amis”: “tu n’as que ce que tu mérites!”

A l’inverse, on en connaît qui partent à l’autre extrême: eux se disent parfaitement innocents, et ce sont les autres qui sont coupables... Ce n’est bien sûr pas plus réaliste.

Ces deux mécanismes aboutissent, finalement, à priver Dieu de sa liberté! Car si c’est la culpabilité qui est déterminante, que reste-t-il au Créateur, Père de tendresse? Il n’est plus libre!


 

Voilà pourquoi Jésus, dans l’évangile, redonne la santé à ce paralysé; pas par un geste magique, non, mais seulement en lui garantissant que ses fautes sont pardonnées. Ou ses péchés, car c’est le même mot, en grec. Je vous relis ce passage important, dans une traduction qui se rapproche le plus possible de l’original:

Un jour, Jésus enseigne, entouré de pharisiens et de juristes venus de tout village de Galilée, de Judée, voire de Jérusalem. Il y a une dynamique, une puissance de guérison de Dieu.
Arrivent des hommes portant sur un lit un être humain paralysé, relâché; ils cherchent à l’introduire et à le placer en face de Jésus.
Ne trouvant pas comment le faire entrer à travers la foule, ils montent sur le toit; à travers les tuiles, ils le laissent tomber, descendre, avec le petit lit, au milieu, devant Jésus.
Voyant leur motivation, il dit: “Être humain, tes fautes sont pardonnées, relâchées”.
Alors les pharisiens et les juristes se mettent à délibérer: “Qui est celui-ci? Il blasphème. Seul Dieu peut pardonner, relâcher les fautes”.
Mais Jésus, qui comprend leurs pensées, leur répond: Pourquoi délibérez-vous dans vos coeurs? Qu’est-ce qui est plus facile: pardonner les fautes, ou dire “Lève-toi et marche”?
Eh bien, pour que vous sachiez que le fils de l’humain a l’autorisation sur terre de pardonner les fautes, il dit au paralysé: “Lève-toi, porte ta litière, et va dans ta maison”.
Et aussitôt il se lève, porte ce sur quoi il était couché et rentre chez lui en rendant gloire à Dieu.
Alors tous sont extasiés, sortis d’eux-mêmes, et rendent gloire à Dieu, pleins de respect, disant: “Nous avons vu des surprises aujourd’hui!”

(trad. Lytta Basset et JJC)

Quand nous culpabilisons, les meilleurs discours risquent de manquer la cible. Puisqu’il s’agit de sentiments en nous qui bloquent, alors il faut parler aux sentiments. Donc raconter un événement. Bourré de symboles et d’images parlantes, mais vécu. Car, si c’est arrivé à quelqu’un, alors chacun(e) peut espérer en finir avec cette paralysie de la culpabilité. Une libération est possible pour moi!

Mais quelles sont les voies qui pourraient mener à cette guérison? Quelques détails, symboliques, nous fournissent une piste.


 

D’abord, les tuiles. A l’époque, en Palestine, les toits étaient en bois et en terre battue. Si Luc parle de tuiles (ou de céramiques), c’est pour en  souligner le caractère étanche, et dur, et résistant. En effet, pour retrouver la santé, le paralysé devra, littéralement descendre au fond de lui-même, et traverser des résistances dures. Plonger dans l’inconnu, se sentir presque lâché par ses amis, qui le laissent tomber au fond du trou, à la rencontre d’une autre vie, dit l’évangile.

Car nos proches ont beau nous porter (par les cordes de la prière, celles de la thérapie; ou de l’affection), ils ne peuvent pas pourtant descendre à notre place. C’est comme un saut dans le vide. Parce que c’est vertigineux, de renoncer à une existence recouverte de culpabilité comme d’une carapace... de lâcher le perfectionnisme et les lois qui règlent tout à notre place. Si je ne suis plus coupable, donc si je ne suis plus obligé de me corriger en permanence, alors que sera ma vie? ...

Détail dans le détail, admirez ce clin d’oeil: les pharisiens et les juristes (les enseignants de la loi juive) forment autour de Jésus une barrière humaine infranchissable. Par contre, à travers le toit, on pourra passer! Luc ne voudrait-il pas nous suggérer, avec le sourire, que les tuiles sont moins étanches que les zélés légalistes du religieusement correct? A méditer... ...

Seconde précision parlante: il y a, dit Luc, une puissance, une dynamique de guérison de Dieu. Elle va et pardonner; et rendre la santé. Cette manière de présenter l’action de Jésus montre que ces deux libérations ne sont qu’une seule et même réalité. Globale.

On le sait, le psychisme peut devenir le lieu de rencontre de notre corps et du divin. Mais l’inverse est vrai, également. Notre psychisme peut faire écran, empêcher l’Esprit de Dieu de nous rejoindre, et de nous faire du bien. Il arrive concrètement que des culpabilités trop lourdes entraînent des paralysies physiques, qui clouent au sol. On voit aussi des peurs, des rancunes, ou des superstitions, qui causent des maladies bien réelles. Car comment pourrais-je me sentir accueilli et aimé par Dieu, sans condition, quand je me condamne moi-même?

L’objectif de Jésus, c’est cela: nous aider à nous aimer nous-même. Ramollir ou trouer notre carapace, pour laisser la bonté de Dieu nous réchauffer; sa vie et sa force nous dynamiser; nous ramener à la vie.


 

Troisième clin d’oeil, le mot qui désigne le paralysé. En grec, il veut dire relâché ou détaché. Cet homme ne se commande plus à lui-même. Il est comme déconnecté de ses membres. On dirait aujourd’hui qu’il est en morceaux, et qu’il ne sait pas comment se ramasser. D’ailleurs, ce paralysé ne se manifeste jamais, dans l’évangile, sauf par sa présence. Il ne dit rien, à aucun moment, pas même son désir de guérir. Et il n’a pas de nom!

Les culpabilisés de notre temps ne connaissent-ils pas, eux aussi, cette tentation de quasi disparaître, de ne presque plus oser exister? Puisque je ne peux pas briller par ma perfection, pensent-ils, alors, je brillerai par mon absence. Je deviendrai une ombre, un rien. La dynamique de guérison du Christ va donc commencer par le ramener à l’existence. L’aider à réaliser qu’il avait relâché sa motricité et congédié sa créativité. L’aider à réaliser qu’il est, et qu’il est pardonné.

 “Ce ne sont pas tes membres qu’il faut détacher et déposer. Mais c’est la carapace de ta culpabilité. C’est elle que tu vas relâcher (vous avez remarqué? C’est le même mot, dans la V.O. de l’évangile). C’est cette condamnation de toi par toi qu’il te faut congédier, pour pouvoir vivre! Car, et c’est là le coeur de la foi, l’important: car tes fautes ont déjà été détachées, comme on rend propre un habit. Elles ont été détachées par plus grand que toi. Tu n’as donc plus à te punir toi-même!”

Quatrième détail amusant: que font les pharisiens et les spécialistes de la loi juive, au moment où Jésus libère notre homme de sa culpabilité? Le texte grec nous dit qu’ils dé-libèrent! Ils “roncannent” contre cette libération qui leur semble un peu facile. Ils voudraient la défaire!

N’y a-t-il pas, en presque chacun(e), un p’tit pharisien qui résiste lui aussi aux délivrances des autres (voire de soi-même), parce qu’il trouve incroyable qu’on puisse s’en tirer à si bon compte?

En leur demandant pourquoi ils dé-libèrent dans leur coeur, Jésus les invite à s’interroger sur eux-mêmes: pourquoi êtes-vous attachés à la culpabilité au point de refuser qu’une libération soit possible gratuitement? Est-ce parce que votre perfection serait alors inutile? Si vous trouvez que c’est trop facile que Jésus pardonne, est-ce parce que vous passez votre vie à mériter d’être acceptables? Et parce que donc la grâce rendrait dérisoire votre perfectionnisme, ce faux dieu?

Eh bien, sachez-le: Dieu n’est pas intéressé par vos manquements, ni par vos recherches d’existence impeccable. Ce qui attire son regard, ce n’est pas ce que vous devriez faire, ou être. C’est bien plutôt votre souffrance qu’il veut voir, et soulager. C’est votre non-vie qu’il veut ressusciter! ...


 

Croire, pour Jésus, c’est donc reprendre sans cesse ce travail sur nous-même: nous ouvrir au pardon de Dieu, le laisser dissiper nos blocages comme la neige fond au soleil. Nous laisser remettre debout. Car, si la grâce est donnée une fois pour toutes du côté de Dieu, cependant c’est à nous de toujours à nouveau congédier nos recherches de vie impeccable et nos regrets. Cela pour mieux résister aux gens qui, inconsciemment, provoquent notre culpabilité, et donc reconstruisent la carapace.

Ce travail intérieur est symbolisé encore par un cinquième clin d’oeil (il y en a tellement que ma prédication n’en finit pas!).

C’est la manière de parler de la couche du paralysé. En effet, la 1ère fois, Luc emploie le mot lit, et ce lit, de plus, est placé dans la phrase avant l’être humain couché dessus. Au verset suivant, quand il descend à travers les tuiles, c’est devenu un petit lit, donc plus discret, et c’est l’homme qui vient avant. Puis Luc ne parle plus que d’une litière, que le gaillard est invité à porter pour rentrer chez lui. Donc un objet anodin, car c’est l’être humain qui devient sujet actif, et qui focalise l’attention. Enfin, la dernière fois qu’on en parle, la couche n’a même plus de nom, et Luc dit simplement que l’homme se lève et porte ce sur quoi il était couché! ... …
 



Bien des paraboles commencent par Le royaume des cieux ressemble à un homme qui... Notre histoire pourrait débuter de la même manière: Le royaume des cieux ressemble à un homme qui a accepté de passer, seul, par un trou noir; qui est descendu jusqu’au fond de lui-même; et qui, là, a découvert la source de la Vie vraie. Il est devenu libre, et auteur de sa propre existence. Il a pu faire face aux autres, désormais. Il en est ressorti par la grande porte, et: la barrière des pharisiens était devenue moins étanche tout à coup! Il s’est mis à rendre gloire à Dieu, lui qui n’osait même pas regarder les juristes juifs en face! … …

Une dernière remarque: Jésus, quand il parle de lui-même, emploie souvent cette expression étrange Le fils de l’humain. Veut-il nous suggérer ainsi que n’importe quel humain à la suite du Christ peut agir comme lui? Donc ici proclamer que les fautes sont déliées, détachées, et ouvrir à une vie plus pleine? En effet, les personnes qui  ont assisté à cette surprise sont, dit l’évangile, extasiés, sortis d’eux-mêmes, et eux aussi rendent gloire à Dieu. N’y voyez-vous pas un appel à, nous aussi, sortir de nos vies étriquées, caparaçonnées de peurs et de blocages, pour nous éveiller à sa dynamique de guérison et nous lever en direction de la pleine liberté?

J’en suis sûr, ce sera contagieux! Amen.   

       
  Jean-Jacques Corbaz
 

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