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jeudi 10 mai 2018

(Pr) «Jésus, présent... et pas présent!»

Prédication du 7 mai 18, Plein Soleil

Lecture: Actes 1, 1-11

On demandait un jour à un enfant s’il connaissait la signification des deux fêtes que nous vivons ces jours, l’Ascension et Pentecôte. Le gamin ne réfléchit pas longtemps, et répond:
- Bien sûr: à l’Ascension, Jésus monte au ciel, auprès de Dieu!
- Et à Pentecôte?
Là, l’enfant reste un instant silencieux. Puis il dit:
- Euh, à Pentecôte... il nous fait savoir qu’il est bien arrivé!
  


J’aime cette anecdote, car elle nous fait réfléchir: qu’aurions-nous répondu, nous-mêmes?

Et si, aujourd’hui, l’Ascension semble plus facile à expliquer que Pentecôte, il n’en a pas toujours été ainsi. Il y a un peu plus de 200 ans, ce jeudi férié semblait tout à fait inutile. À tel point (le saviez-vous?) qu’on a essayé de supprimer l’Ascension. Je vous assure! C’était entre 1773 et 1789.

D’ailleurs, si cette fête subsiste aujourd’hui, c’est probablement surtout à cause du fameux congé tant apprécié... Ce pont qui remplit les routes et vide les églises...

D’où vient-elle? Faisons un peu d’histoire: aux premiers temps de la chrétienté, la seule fête qu’on célébrait était Pâques. Vous le savez, Noël n’est apparu que beaucoup plus tard. La célébration de Pâques était si importante qu’elle s’étendait sur sept semaines; sept dimanches où on lisait et méditait les récits bibliques qui parlent des apparitions du Ressuscité. Et puis, le 50ème jour,   on fêtait le don du St-Esprit -car Pentecôte en grec veut dire 50ème.

Vers 330 (retenez la date!), on décide de raccourcir un peu ces sept semaines. On crée alors l’Ascension, afin de commémorer la fin des apparitions terrestres de Jésus; afin aussi de marquer l’attente de l’Esprit saint par les apôtres. L’Ascension s’est ainsi construite autour de ce mystère, difficile à comprendre: Jésus est vivant, mais pourtant on ne le voit pas à nos côtés. Il est sorti de la tombe, mais il échappe à nos sens humains.

Or, la signification de l’Ascension va changer assez vite: car si le Christ est enlevé au ciel, cela veut dire aussi qu’il est élevé! Qu’il est attiré vers Dieu en signe d’honneur, de gloire, et de pouvoir.

Et vous savez que c’est justement en 330 que l’Eglise est officialisée par Constantin. Elle se met bientôt du côté des puissants, et du pouvoir... Vous voyez le parallèle! L’Ascension vient célébrer alors le Christ glorieux, le Seigneur, le vainqueur. Comme le chante le cantique 326.
 


Or, aujourd’hui, ces accents triomphalistes nous gênent un peu...

- Ah, ils ne vous gênent pas? Euh... Moi quand même. Parce que je trouve difficile de proclamer la seigneurie glorieuse du Christ, quand on voit comment le monde se porte; les tragédies de toutes sortes; les conflits... inutile d’insister!

Or Dieu, quand il s’est manifesté, ce n’est pas le visage d’un souverain tout-puissant qu’il a montré. Il a choisi plutôt l’humilité. Vous connaissez le refrain: la crèche; Gethsémané; la croix; et même Emmaüs; les pauvres, les petits, les exclus; comme déjà auparavant le souffle ténu devant Elie; et comme ensuite du côté de François d’Assise...
  

Je crois fermement que, face à nos contemporains peu chrétiens, les accents triomphants nous desservent. Car ils alimentent le préjugé d’une Eglise qui se gargariserait d’un Dieu magicien, alors que la réalité montre bien qu’on en est loin! Nos cantiques ressemblent trop à des cocoricos - des cocoricos qui, bien sûr, font du bien à certains, à l’interne, mais qui aussi peuvent en rebuter d’autres, à l’externe, quand ils creusent un fossé avec la réalité!

Par ailleurs, je crois que, pour nous également, cette vision d’un Christ régnant en majesté est dangereuse. En effet, la vie est faite de hauts et de bas, de creux et de bosses. Si nous imaginons Jésus du côté des puissants d’abord, ne risquons-nous pas davantage de commettre des abus de pouvoir (peut-être même en son nom, ô horreur!)? Ne risquons-nous pas aussi de penser que ceux qui s’enfoncent dans les bourbiers de l’existence, eh bien c’est de leur faute, et nyaka et nyaka...
 

La fin de la vie terrestre de Jésus telle qu’elle est rapportée dans la Bible nous incite à voir les choses de manière moins triomphaliste. Elle voudrait surtout nous aider à comprendre un peu mieux ce mystère: depuis Vendredi saint, le Christ n’est plus présent sur notre terre, en chair et en os. Et pourtant! Les fêtes  de Pâques, de l’Ascension et de Pentecôte nous disent qu’il est toujours présent quand même parmi nous; et vivant; et agissant; même si c’est mystérieusement, d’une autre manière.

Pâques d’abord nous dit ceci: quand bien même Jésus est mort (et vraiment mort), cependant, il continue de vivre, différemment. Non plus historiquement, physiquement: il continue de vivre en nous! Dans les croyant(e)s! Dans l’Eglise, communauté humaine de ces chrétiens. Il n’est plus dans son tombeau, non, il habite   en moi, en toi, chaque fois que nous faisons un acte de foi.

L’Ascension, ensuite, nous précise une chose importante: le Ressuscité n’appartient plus du tout à nos catégories humaines et terrestres. Quand les évangiles disent qu’il est monté au ciel, ils veulent affirmer qu’il évolue dorénavant dans une autre sphère, dans une autre dimension. Le ciel, à l’époque, c’est tout ce qui n’est pas la Terre! Le ciel, à l’époque, c’est là où se trouve Dieu!

Enfin, il y a Pentecôte. Le don du Saint-Esprit, disons-nous. Quelque chose de Jésus, quelque chose de son Père nous est offert. Si l’Ascension souligne que le Ressuscité est entré dans le monde de Dieu, qui n’est pas la Terre, eh bien Pentecôte affirme presque le contraire! Ou mieux, l’inverse! C’est Dieu qui “descend” en nous! C’est le monde divin qui vient se loger sur notre Terre! C’est presque comme si, en entrant auprès du Père, Jésus nous avait pris avec lui, et qu’il nous avait élevés, nous aussi, jusqu’à ce paradis!

Le Saint-Esprit, c’est donc un accès au monde de Dieu. En termes d’informatique, j’ai envie de dire que le Saint-Esprit, c’est comme un “alias” de Dieu. Une porte ouverte qui permet d’entrer dans sa substance; dans son message.

Car, lors de la première Pentecôte, les disciples de Jésus, qui s’étaient dispersés après sa mort, se sont retrouvés à nouveau réunis à l’occasion de la fête juive des récoltes. Là, ces hommes ont connu une illumination. De celles qu’on signale dans les bandes dessinées par une ampoule qui s’allume au-dessus de la tête!  Les amis du Christ, une fois ensemble, ont retrouvé le message de leur maître, son coeur, sa substance. Ils ont enfin compris le lien entre ses paroles d’amour; ses actes d’accueil sans condition; ses promesses de pardon; entre tout ça et sa mort sur la croix, sa non-violence.

Oui, ils ont réalisé alors la cohérence qui a habité tout ce que Jésus a été, tout ce qu’il a dit et fait. Ils ont compris son seul but, qui était que vive et se multiplie sa parole chantant la proximité de Dieu, sa tendresse infinie pour chacun(e), sa volonté passionnée de libérer, de sauver, de pardonner; ses appels; ses promesses. Tout cela leur est devenu clair, soudain.

Et cette illumination, nous dit le livre des Actes, elle ne leur a été accessible que parce qu’ils s’étaient réunis. Ils avaient pu ras-sembler tous leurs souvenirs sur Jésus, en les partageant, en les faisant revivre. Comme s’ils avaient mis ensemble les pièces du puzzle que chacun portait en lui.

Voilà à quoi ça sert, le Saint-Esprit! Et voilà à quoi ça sert, le culte, ou le rassemblement de l’Eglise: faire mieux vivre, entre nous, ce souvenir qui est en nous, des paroles du Christ. Les faire revivre pour aujourd’hui. Et pour demain. Il nous invite à la fête, la fête de sa présence!
  

Quand nous habitions le Gros-de-Vaud, une voisine nous a offert un jour un gâteau de l’amitié. Un gâteau de l’amitié, c’est de la pâte qui contient un ferment, une levure. Pendant quelques jours, on rajoute de la farine pour “nourrir” le ferment. Et puis, on peut partager la pâte en trois parties: l’une sera mise au four et donnera un cake délicieux; une 2ème sera offerte à un(e) ami(e), un proche; et une 3ème part permettra de recommencer le processus!

Le ferment, bien que partagé en trois, se trouve entièrement dans chaque part. Chaque tiers comprend exactement ce qu’avait la part reçue au début. En donner ne m’a en rien appauvri!

Eh bien, le Saint-Esprit est pareil à ce gâteau de l’amitié. Il est comme un ferment qui fait lever notre pâte humaine, qui l’allège, la travaille pour qu’elle devienne meilleure! Plus agréable, plus digeste!
 

Et quand je le transmets (et c’est souvent sans m’en rendre compte), quand je le transmets, je ne m’appauvris pas en Esprit de Dieu, bien au contraire! La part du Saint-Esprit qui passe plus loin contient tout l’amour de Dieu; et celle que je garde pour moi également!

Ainsi, de part offerte en amitié donnée, la présence proche du Père habite en chacun(e), pleinement, entièrement!

Vivre un culte, ou se réunir en Eglise, c’est alors se rapprocher pour mieux nous transmettre les uns aux autres ce ferment de l’Esprit de Dieu, et pour travailler notre pâte humaine comme on travaille la terre; afin de permettre à la bonne semence de pousser, et de fructifier! Amen                                          


Jean-Jacques Corbaz  



dimanche 29 avril 2018

(Pr) Maudire les mécréants??!

Prédication du 29 avril 2018, « Un curé pas très catholique » 

Lectures:  1 Corinthiens 16, 19-24; Matthieu 5, 43-45; Luc 9, 51-55


Il est rare qu’on lise attentivement les salutations qui figurent à la fin des épîtres de la Bible, et qu’on prêche sur elles. Mais là, il y a un verset qui m’a sauté à la figure, c’est celui-ci: “Si quelqu’un n’aime pas le Seigneur, qu’il soit maudit”. Ouille là! J’espère qu’il vous a fait sursauter aussi!!
 
Cette phrase surprend, elle fait tache, avec le reste de la lettre, et en particulier les autres salutations, qui parlent d’amour et de baisers. Elle tranche surtout avec tout ce que nous savons de l’amour chrétien dans le Nouveau Testament! Elle nous gêne et nous interroge. Comment la comprendre?
 


Un qu’elle ne devait pas gêner, c’est un curé espagnol nommé Don Eladio Blanco Vila. Lors d’un service funèbre, il a tiré sur ses paroissiens avec un pistolet, parce que ces derniers n’étaient pas d’accord avec lui!

C’est en 1987. Don Eladio préside les funérailles d’une dame âgée. Or, celle-ci n’allait pas à l’église. En chaire, le curé déclare que la défunte n’a donc pas droit au sacrement, puisqu’elle ne pratiquait pas. Et que, dès lors, il n’ira pas au cimetière pour la mise en terre.
 
La famille et les quelque 300 fidèles murmurent et se fâchent. Mais Don Eladio n’apprécie pas cette colère, il la considère comme une offense. Indigné au point d’en oublier le commandement  “Tu ne tueras pas”, le curé sort de sa poche un revolver! Il tire cinq fois sur ses paroissiens avant d’être désarmé par la foule.

Don Eladio court alors se barricader dans la sacristie, d’où il menace la foule avec un fusil d’assaut militaire. On appelle la police pour ramener le calme... Et on découvre un véritable arsenal chez ce curé pas comme les autres. Hem! On se croirait dans un roman noir de San Antonio!! Et, vous le voyez, les musulmans djihadistes ne sont pas seuls de leur espèce...
 
  


Cette histoire s’est réellement passée, en 1987. On ne sait pas très bien s’il faut en rire ou en pleurer. En tout cas, elle révèle un état d’esprit inquiétant: penser que la foi chrétienne, c’est un ensemble de “devoirs”, qu’il faut accomplir; et croire qu’avec des menaces, par la force ou par la peur, on peut changer les gens.
 
Nous sommes bien d’accord: tout ça n’a rien à voir avec l’évangile. Même si parfois, un bout de phrase dans le Nouveau Testament lui-même va dans ce sens. Car l’intolérance est un poison répandu partout, et prêt à resurgir à l’occasion, prêt à se développer, dans un accès de colère ou de frustration, comme dans notre histoire.
 
Faut-il en rire ou en pleurer, de ce curé flingueur? Pour ma part, je vous propose plutôt d’en rire. Mais d’un rire qui se moque autant de Don Eladio que de nous-mêmes. D’un rire qui n’oublie pas nos envies de parfois imposer «notre» vérité, voire notre intolérance. D’un rire qui démasque la violence qui dort en nous, en chacun(e). D’un rire qui la révèle comme l’a fait l’événement fondateur de notre foi, la mort de Jésus sur la croix.
 
  


“Si quelqu’un n’aime pas le Seigneur, qu’il soit maudit. Maranatha (= le Seigneur vient)”. Pour les exégètes, ce verset serait un ajout de la première Eglise, tiré des liturgies de sainte cène. On sait qu’à Corinthe, le repas du Seigneur était vécu dans l’anarchie: certains bâfraient et se saoulaient alors que d’autres n’avaient que des miettes. Notre menace de malédiction était donc destinée à mettre en garde les croyants, pour éviter qu’ils ne prennent la communion sans être conscients de l’immense cadeau que nous fait Jésus, quand il meurt pour mettre fin à la spirale de la violence.
 
De plus, il faut se souvenir que cette injonction date d’un temps où il était vital pour les premiers chrétiens de bien baliser les limites qui les séparaient des païens. On vivait alors dans une société où l’intolérance et l’exclusion étaient la norme. J’ose croire que ce n’est plus le cas aujourd’hui, grâce à l’enseignement du Christ. Euh... Même si j’ai des doutes, parfois, quant à notre capacité de nous comporter en êtres évolués...
 
Pour ma part, je ne peux pas maudire celui (celle) qui n’aime pas le Seigneur. Le Dieu en qui je crois, c’est celui qui, par la bouche du Christ, réprimande les disciples quand ils voulaient appeler le feu du ciel sur les villes infidèles. Jésus, oui, a versé son sang pour détourner de nous cette malédiction, pour la prendre sur lui à notre place. Et c’est ce qui lui permettra d’oser nous demander cette énormité, oui, cet appel hors normes: “Aimez vos ennemis”.
 
Depuis Vendredi Saint et Pâques, la violence et la haine ont été condamnées à mort! Au matin du tombeau vide, Dieu a semé les graines d’un avenir différent, de relations nouvelles entre les humains. Dieu travaille en nous, par son Saint-Esprit, pour que meurent en nous les tentations d’imposer par la force ou par la peur notre vérité, si juste soit-elle; pour que naisse en nous une qualité de dialogue et d’écoute: qu’on se parle, sans se tirer dessus!
 
Tolérance. Tout le monde en parle, de la tolérance. Tout le monde est d’accord avec la tolérance. Peut-être même Don Eladio et ses frères... Le problème, c’est quand on arrête d’en parler pour la vivre, la tolérance. Le hic, c’est quand les frustrations et le stress s’accumulent; et tournent en colère mal maîtrisée. Alors, parfois, ça explose: une gifle, une insulte, que souvent après on regrette. Et puis, une fois tous les coups de canon, c’est le drame. Peut-être qu’un Don Eladio sommeille en chacun(e) de nous?
 
Merci donc de veiller sur nos colères, sur nos vexations, sur l’intolérance qui nous chatouille, parfois. Merci de veiller sur nos germes de violence. Veiller dessus, ça veut dire pour moi oser les regarder en face, avec le Christ qui m’aide à rester fort. Ça veut dire pour moi les remettre à Dieu, les laisser se transformer au soleil de la Tendresse majuscule qui nous est donnée, gratuitement, grâce à Jésus.
 
Essayer de désamorcer nos germes de violence. Et aussi, bien sûr, de prévenir celles des autres! Autour de nous, et dans le monde. Comme le disait déjà Dieu à Caïn, au tout début de la Bible: “La violence est comme un monstre tapi derrière ta porte. C’est à toi d’en être le maître. Domine-la!”
 
Et ici, chers amis, il faut encore dire, une énième fois, que nos contemporains font souvent fausse route. Car si mes frustrations, car si les injustices et les brimades que je subis peuvent réveiller le Don Eladio qui roupille en moi, combien davantage encore les humiliations que subissent certains, au hasard les musulmans chez nous, risquent d’attiser l’incendie et de provoquer des explosions comme on en a trop vu... L’intolérance provoque en retour l’intolérance, et seuls les extrémistes en profitent. Merci d’y veiller aussi! Comme disait Dieu: “La violence est pareille à un monstre tapi derrière ta porte. C’est à toi d’en être le maître... Domine-la!”.
Amen                                          


Jean-Jacques Corbaz 

  

dimanche 22 avril 2018

(Pr) "Dans les bras de qui?"

Prédication du 22.4.18, Villars, 10h

«Vous croyez en la résurrection... mais ya qqch qui cloche!»

Lectures: 1 Corinthiens 15, 1-5; 12-14; 19-20; 31-32; Esaïe 25, 6-9


Dans une réunion d’évangélisation, une jeune femme donne son témoignage. “Hier, dit-elle, j’étais dans les bras de Satan. Aujourd’hui, je suis dans les bras de Jésus Christ”. Alors, du fond de la salle, une voix d’homme: “Et demain, vous êtes libre?”

Et ce qui n’était, au départ, qu’une joyeuse mise en boîte est devenu soudain une jolie parabole de la foi chrétienne. En effet, c’est vrai qu’il nous arrive de passer d’une paire de bras dans une autre, dans le domaine de notre vie spirituelle. Ce n’est d’ailleurs pas tellement les bras de Satan ou ceux du Christ. La vie n’est jamais aussi simple qu’on le dit dans certaines réunions d’évangélisation!
 


Non, notre foi oscille plutôt entre le respect au Dieu créateur; entre la confiance dans un Dieu qui nous sauve sur la croix; entre la peur d’être puni, avant ou après la mort; entre l’obéissance morale aux commandements; entre les questions, les doutes; et entre l’espérance agissante dynamisée par la foi au Ressuscité...

Chers paroissiens: dans quels bras êtes-vous, aujourd’hui?

Il y a encore ceux du Dieu colérique, tout-puissant et tout-punissant de l’Ancien Testament; ceux du Bon-Dieu style Père-Noël; ceux d’une vague divinité bienveillante mais très très loin de nous; ceux d’une force vitale qu’on pourrait se rendre favorable ou non selon nos gestes, nos prières ou nos rites... Et j’en oublie des kyrielles, sinon on serait encore là à midi!

Dans quels bras êtes-vous, aujourd’hui?

Les Corinthiens, eux, étaient dans les bras du Ressuscité. Du moins le croyaient-ils. Ils avaient reçu de Paul la Bonne Nouvelle de l’évangile, et ils se réunissaient le dimanche, tout joyeux, pour rappeler que ce jour-là Jésus avait été remis debout et qu’il était sorti de sa tombe, libre et vainqueur.

Dans leur culte, ils aimaient réciter ces phrases, qui sont l’un des plus anciens résumés de la foi: “Christ est mort pour nos péchés, comme l’annonçaient les Ecritures (c’est-à-dire l’Ancien Testament). Il a été enterré. Il est ressuscité le troisième jour, comme l’annonçaient les Ecritures; il est apparu à Pierre, puis aux douze”.
 

Pourtant, l’apôtre Paul se rend compte qu’il y a quelque chose qui cloche. Ces affirmations de foi éclatantes ne débouchent sur rien. Il semble que la religion des Corinthiens se restreigne à la connaissance, au culte, à la mémoire. Rien ne se passe dans leur vie de tous les jours, dans le concret de leur quotidien. Et surtout, rien ne se passe dans leur attitude face à la mort! La résurrection du Christ n’a aucun impact sur la façon dont les chrétiens de Corinthe pensent à leur mort.

L’apôtre Paul, par conséquent, les sermonne, dans la plus grande partie de ce chapitre 15. Il leur tire les oreilles en ces termes:  Vous savez bien que le coeur de la foi, c’est la résurrection du Christ. Alors, pourquoi est-ce que vous ne vous sentez pas concernés, vous aussi personnellement, par cette dynamique? Pourquoi plusieurs d’entre vous pensent-ils que les humains, vous et moi, nous ne ressusciterons pas? Si vous laissez de côté cette espérance-là, vous restez en-dehors de l’essentiel de la foi chrétienne!

“Je vous rappelle, dit-il, -littéralement je vous présente- la Bonne Nouvelle que je vous ai annoncée; que vous avez reçue; et à laquelle vous êtes fermement attachés...”.

Pourquoi est-ce que Paul présente cette Bonne Nouvelle si ses lecteurs la connaissent, et s’ils y croient?

Il y a sans doute ici un peu d’humour. Un peu comme si,dans une soirée arrosée, un copain faisait du plat à ta femme et que tu la prennes par l’épaule en te tournant vers le gaillard, lui disant de manière appuyée: “Je te présente mon épouse”! - alors qu’il la connaît, bien sûr!

Et ce que Paul veut dire, avec ce clin d’oeil, c’est que les Corinthiens y croient sans y croire vraiment, à cette Bonne Nouvelle. Qu’ils ne sont pas allés assez loin. Qu’ils en sont restés à la porte d’entrée!

“Je vous présente l’essentiel, la Bonne Nouvelle: “Christ est mort pour nos péchés, comme l’annonçaient les Ecritures. Il a été enterré. Il est ressuscité le troisième jour, comme l’annonçaient les Ecritures; il est apparu à Pierre, puis aux douze”... Ce que vous récitez chaque dimanche, amis de Corinthe, pourquoi ne l’appliquez-vous pas à votre quotidien? Si le Christ nous ouvre la route de la vie nouvelle, et de la résurrection, comment pouvez-vous penser que ce n’est pas pour vous et vos semblables?

Si les morts ne ressuscitent pas, notre foi ne vaut pas un clou! Notre vie spirituelle repose principalement sur cet axe. S’il manque, ce n’est plus du christianisme!
  

22 avril 2018. Nous ne sommes pas là pour faire le procès des gens de Corinthe, évidemment! Mais pour nous demander si cette lettre ne nous concerne pas aussi un peu...

Il me semble que la résurrection des personnes après leur mort nous cause moins de problèmes qu’aux Corinthiens. Dans les cultes de funérailles, comme dans le secret de nos coeurs, et peut-être même dans les discussions de bistrot, nous chrétiens admettons volontiers qu’il y ait une vie après la mort. Donc Villars contre Corinthe: 1 - 0!

Mais. Aujourd’hui, est-ce que ce n’est pas la résurrection du Christ qui est difficile à croire, chez nous? Si nous sommes prêts à accepter que le Créateur nous fasse revivre, d’une façon ou d’une autre, pourtant notre culture rationnelle et matérialiste bute contre ce tombeau ouvert, immense point d’interrogation du matin de Pâques. Christ a-t-il vraiment été ramené de la mort à la vie? Comment est-ce possible?

Pour beaucoup de nos contemporains, la résurrection de Jésus est une sorte de supplément à la foi chrétienne, un élément pas du tout central. Un complément pour des gens particulièrement convaincus, qui ont envie d’aller plus loin.

Du coup, Corinthe égalise: 1 - 1!!

Bien sûr, la lettre de Paul ne répond pas à nos questions de gens modernes et cartésiens. L’apôtre s’adresse à des chrétiens vivant une tout autre culture. Et puis, il baigne, lui aussi, dans cette tout autre culture!

Ce qui va m’aider, c’est justement qu’il n’entre pas dans les détails. Il n’essaie pas de décrire; ni de prouver ou d’expliquer. J’ai l’impression qu’il me laisse libre de me représenter la résurrection comme je veux. Libre d’y voir un fait historique; ou au contraire d’y voir une prédication, un appel, un message général de victoire de la vie sur la mort. Libre d’inscrire l’évènement de Pâques dans nos catégories physiques (soit voir le ressuscité comme je vous vois); ou bien plutôt sous forme d’apparitions dans d’autres dimensions. Paul me laisse libre (davantage que les évangiles, écrits plus tard), et c’est justement cette liberté qui me parle de résurrection!
 
Mais le match n’est pas terminé. À Corinthe comme chez nous,  le plus ardu, la principale difficulté, c’est que notre foi puisse nous transformer; qu’elle ne reste pas au niveau des connaissances seulement, de la mémoire, du culte et des formules. Nous aimons chanter À toi la gloire, nous apprécions les textes liturgiques qui disent la fête, le tombeau ouvert, la vie deux fois donnée... mais comment est-ce que cette espérance se traduit dans nos existences quotidiennes?

La résurrection intervient-elle quand nous sommes fâchés avec quelqu’un? Ou quand nous sommes confrontés à notre fragilité, voire à notre propre mesquinerie? Croyons-nous que toute situation bloquée peut être dynamitée par le ressuscité? Pâques peut-elle changer quelque chose à mes rouilles, à mes trouilles et mes brouilles?

“Christ est mort pour nos péchés, comme l’annonçait l’Ancien Testament. Il a été enterré. Il est ressuscité le troisième jour, comme l’annonçait l’Ancien Testament; il est apparu à Pierre, puis aux douze”: une foi comme celle-là peut-elle dynamiser ma vie, et m’entraîner dans une espérance qui agit concrètement?

De la réponse à cette question dépend le résultat final du match. Corinthe: 1; Villars: 1, ou 2? Amen                                          

Jean-Jacques Corbaz 



dimanche 8 avril 2018

(Po, Li) Comme une promesse



Au bord de la nuit,
Ce n'est déjà plus tout à fait la nuit,
C'est l'aube - qui luit.
 


Au bord de la mort,
Est-ce la mort, encore, ou la vie qui dort?
Au bord du bord, désespoir enfoui - ou enfui,
Pâques vient naître, à l'aurore.


Au bord de tes pleurs,
Ce n'est déjà plus tout à fait des pleurs,
Mais une étoile, qui s'entr'ouvre, comme une fleur.


Au bord de ton regard privé de bleu,
Gris, pareil au ciel qui perle tes cheveux,
Triste comme le vide qui déborde de tes yeux,
Est-ce un regard, encore, est-ce un bateau sans port?


Au bord, à l'extrême fil du faufil de ton corps,
Germe le murmure de ton coeur d'or,
Fragile promesse de trésor.
Pâques naît, aujourd'hui encore.


Au bord de la nuit, c'est l'aurore,
Au bord de la mort, c'est la vie.


Au beau rivage de la tendresse,
Comme une promesse,
Pâques vient nous rendre plus forts.


 

J-J Corbaz, Pâques 2012


dimanche 1 avril 2018

(Li, Hu) Le logo de Pâques


Bonjour!
Les chrétiens du 1er siècle avaient du génie! Ils ont inventé un logo super-facile à dessiner, et pourtant très parlant! C'est devenu un signe de ralliement universel, clair et indispensable. Message caché au temps des persécutions, symbole d'appartenance et de foi: à l'heure où des armées de publicitaires phosphorent pour créer l'image idéale, personne n'a trouvé mieux!

(montrer le dessin)  


Il s'agit du poisson, vous l'avez sans doute deviné. Il évoque le baptême (puisque baptiser signifie "tremper dans l'eau"). Et il est une confession de foi élémentaire: en effet, le mot "poisson", en grec, est constitué de la première lettre de chaque mot dans la phrase "Jésus-Christ, fils de Dieu, Sauveur".

Tous les chrétiens naissent donc sous le signe des poissons! Et c'est spécialement le cas aujourd'hui!

En ce 1er avril, fête de Pâques, ce logo nous accueille, et nous relie. Il nous parle d'un Dieu qui nous reçoit les bras ouverts, qui que nous soyons, et quelle que soit notre position face à lui. Il souhaite que nous puissions, dans cette célébration, nous sentir... comme un poisson dans l'eau! Et c’est bien sûr tout spécialement vrai et important en ce qui concerne le baptême, que nous célébrons ce matin!
 
J-J Corbaz



(Pr) la “preuve” de la résurrection

Prédication de Pâques, 1er avril 2018

«Pâques: de la résignation au courage»

Lectures: Matthieu 28, 1-20 (+ Colossiens 3, 1-4 et Psaume 118, 1-6, 19-23, 29)



L’histoire se passe peu après la révolution d’octobre 1917 en Russie. Le nouveau régime envoie un commissaire du peuple parcourir les campagnes afin d’extirper les prétendues “anciennes croyances”, comprenez: la foi chrétienne! Cet homme explique aux habitants des villes et des villages que la religion est l’opium du peuple; mais que l’athéisme va libérer le prolétariat; débarrassé de ses illusions, il marchera de progrès en progrès.

À la fin de son discours, ce commissaire offre la parole à qui veut la prendre, même si c’est un contradicteur.

Un petit pope miteux alors s’avance. On le fait monter à la tribune. Quand le silence est établi, il ne prononce que ces trois mots: “Christ est ressuscité”; et aussitôt, la foule se lève et répond d’une seule voix: “Il est vraiment ressuscité”! - soit la salutation de Pâques bien connue, en usage dans l’Eglise orthodoxe.

   


Cette histoire vraie montre deux choses: d’abord, elle met bien en évidence le caractère irrationnel de la résurrection de Jésus. Rien ne peut la prouver, ni même la rendre probable. Elle est affaire de conviction, de conviction profonde et non raisonnable! La résurrection suscite des doutes même chez les disciples, nous l’avons entendu. Et elle provoque toutes sortes de tentatives pour essayer de l’expliquer rationnellement, tel le plan des chefs juifs selon l’évangile de Matthieu.

Le second enseignement de cette histoire, c’est que, malgré cela, la résurrection est le coeur de la foi au Christ. Pâques est la toute première fête chrétienne, et de loin la plus importante. C’est à cause d’elle que le dimanche est devenu le jour du Seigneur. La résurrection est le moteur de toute foi chrétienne.

À nous aussi, aujourd’hui, Pâques est proposée comme centre de notre vie religieuse. Comme coeur de notre relation avec Dieu, et avec nous-même. Comme pivot pour notre vie de tous les jours. Car Jésus était on ne peut plus inscrit dans le concret de notre terre.

Rappelez-vous son histoire: il vivait à une époque mouvementée. Son pays était occupé, et pliait sous la colonisation romaine.

Après trente ans de vie dans une famille modeste de travailleurs, il se met à annoncer l’évangile, la bonne nouvelle qui peut changer le monde. Il prêche un Dieu qui ne veut que le bonheur et la liberté de chacun(e). Les gens l’écoutent, le suivent; ils l’accueillent de manière triomphale aux Rameaux.

Mais ce que Jésus annonce ne plaît pas à tout le monde. Ceux qui tiennent le pouvoir n’aiment pas ce prophète de la bonté, de la gratuité; du pardon et de l’amour des autres sans conditions. Impossible, avec lui, d’exploiter et de manipuler le peuple tranquillement!

Les puissants complotent donc contre lui. Ils achètent les complicités nécessaires. En quelques jours, Jésus est arrêté, jugé, crucifié, enterré.
  


Mais il l’avait annoncé: il fallait qu’il soit torturé pour être avec nous partout, même dans les pires souffrances. Il fallait qu’il meure pour vaincre la mort, c’est-à-dire pour montrer que, quand on est relié à Dieu, même la mort peut avoir un sens. Trois jours après, il sort de la tombe, victorieux de tous les lâches (y compris ses disciples!), victorieux de tous les ennemis de la bonne nouvelle qu’il était venu proclamer.

Et c’est ainsi qu’au soir du tout premier dimanche de Pâques de l’histoire, les disciples se sont rassemblés, une nouvelle fois (mais aussi une nouvelle foi!!). Ils ont échangé ce cri de joie, qui est devenu la salutation de Pâques par excellence: “Le Seigneur est ressuscité, il est vraiment ressuscité”!
 

Les évangiles, à vrai dire, ne décrivent pas la résurrection elle-même. Ils essaient encore moins de l’expliquer. C’est impossible. Mais ce qu’ils montrent, ce sont des femmes et des hommes (oui, oui, Mesdames, les premiers témoins de Pâques s’appelaient Marie-Madeleine et Marie!!), des femmes et des hommes qui ont été brusquement transformés: des femmes et des hommes qui ont passé de la passivité à l’action; qui ont changé leur timidité en volonté de se prendre en charge; qui ont passé en quelques heures d’une résignation presque fataliste au courage d’affronter le monde.

Et depuis cette époque, depuis 2000 ans, savez-vous: il y a toujours eu des femmes, il y a toujours eu des hommes qui ont vécu une expérience semblable. Qui ont passé étonnamment de la résignation au courage, grâce au Christ.

Une telle expérience serait-elle exceptionnelle, ou réservée à quelques privilégié(e)s?

Pas du tout! J’ai presque envie de dire qu’elle est à la portée de chacun(e). Mais ce serait exagéré.

Ce serait exagéré, parce qu’il y faut une condition essentielle, pour que ce soit possible. Car pour réussir de tels retournements, nous avons besoin le plus souvent d’une aide concrète qui ne se paie pas de mots, mais qui paie en actes! Nous avons besoin d’exemples, nous avons besoin de voir des personnes concrètes transformées et ressuscitées, elles aussi, et qui nous permettront de suivre un peu leur chemin. Nous avons besoin de les voir, de les entendre, de les toucher. Car savez-vous: de passer de la résignation au courage, c’est réellement contagieux!

J’aime le dire: la seule “preuve” de la résurrection, ce sont des femmes et des hommes que Pâques a remis en marche, relevés, remis debout; des vies transformées. De même que la seule preuve du vent, ce sont les feuilles qu’il fait bouger, et les voiliers qu’il fait avancer!
  

Aujourd’hui donc, l’Espoir majuscule a besoin de nous. La Vie a besoin de nous. Chaque fois que nous nous relevons, chaque fois que le courage l’emporte sur le fatalisme, et l’amour sur la haine, alors de nouvelles personnes se voient offrir ce fabuleux cadeau de Pâques, cette porte ouverte sur une vie libérée!

Bien sûr, notre monde est rempli d’obscurité; de violence; de souffrances. Mais ce n’est qu’en retroussant nos manches que la lumière augmentera; que la paix gagnera; que la liberté et le bonheur que Dieu nous destine deviendront accessibles au plus grand nombre. En retroussant nos manches: pas une seule, mais dix manches (au moins!) - puisque c’est le jour de Pâques!

Merci donc aux femmes et aux hommes de notre temps qui relèveront ce défi-là! Sans eux, sans nous, Dieu est manchot et muet. Seuls nos gestes et nos sourires permettront à nos contemporains de commencer à ressusciter, eux aussi.

Et là vous voyez, Khanh et Lambro, chère famille, vous voyez la force de votre choix, en ce dimanche de Pâques, de baptiser Elina; de la placer sous les promesses et la Vie majuscule de Dieu en Christ; et donc de tâcher de toujours mieux devenir, pour elle, ces exemples de vie réconciliée et ressuscitée; ces modèles de solidité intérieure et d’amour, de soi, des autres et de Dieu. En ce 1er avril, on peut dire qu’Elina maintenant est née, non pas seulement sous le signe des poissons (comme le disait avec le sourire notre introduction au baptême), mais sous le signe de la Passion! La Passion de Dieu pour elle, et la nôtre pour la mission que Jésus nous confie!

Chers amis: que notre Pâques soit joyeuse, mais surtout vraie et rayonnante! Amen                                          


Jean-Jacques Corbaz 



vendredi 30 mars 2018

(Pr) Jésus est mort. En quoi est-ce une bonne nouvelle?



Prédication de Vendredi saint 30 mars 18, Huémoz

«Je n’ai rien voulu savoir d’autre»


Lectures: Matthieu 27, 27-50;  1 Corinthiens 2, 1-2 (+ Ps. 118 introït)


L’année chrétienne est jalonnée de fêtes.

Certaines sont hyper-connues, par exemple Pâques et Noël. Et d’autres beaucoup moins, comme l’Ascension et Pentecôte, qui ne doivent qu’à leur jour de congé de ne pas être tombées dans l’oubli.

Et Vendredi saint, que nous célébrons aujourd’hui? Quelle est sa place?

Vous l’avez entendu, lorsque l’apôtre Paul veut exprimer en un seul mot ce qu’il a découvert au centre de la foi, il ne mentionne ni Pâques ni Noël. Pour lui, le coeur de l’Evangile, c’est la croix. La Bonne Nouvelle, qui est bonne pour chacun(e), parce qu’elle est capable de renouveler toute personne, quelle qu’elle soit,  c’est d’abord l’évènement de Vendredi saint, Jésus crucifié!

“J’ai décidé, écrit Paul aux Corinthiens, j’ai décidé de ne rien savoir d’autre parmi vous que Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié”.

L’acte décisif de notre salut, il se place ce vendredi-là, que nous appelons à juste titre “Vendredi saint”. Et dont on dit même que c’est une fête.
  


Pourquoi donc? Pourquoi les chrétiens ont-ils pris comme centre de leur foi ce qui est d’abord un échec, ce qui paraît le comble de la souffrance et de l’abaissement? Pourquoi le signe, le symbole des croyants au Christ est-il la croix?

Dans les évangiles, on lit que les disciples ont ressenti la mort de Jésus comme une écrasante défaite, qui les a laissés désemparés. Comment se fait-il qu’un peu plus tard, ces mêmes disciples s’acharnent à mettre en évidence cette catastrophe? Dans l’optique d’une évangélisation efficace, le simple bon sens aurait commandé de porter l’accent sur autre chose que la fin désastreuse du fils de Dieu, non?

D’où vient cette insistance de Paul et de beaucoup d’apôtres? “Parmi vous, je n’ai rien voulu savoir d’autre que Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié”.

Ce changement de perspective vient du fait capital que, pour les disciples, ce qu’ils avaient d’abord ressenti comme l’échec   de Jésus s’est révélé sa victoire. Leur interprétation des évènements a été tournée à l’envers par un fait nouveau, et ce fait nouveau c’est la résurrection.

Les disciples ont été témoins, d’abord stupéfaits, souvent incrédules, témoins que leur maître après sa mort était toujours vivant et agissant. Petit à petit s’est glissée en eux la certitude que dans cette mort même Dieu avait montré le plus fort de sa puissance créatrice. Il y avait fait la démonstration éclatante que la mort n’est pas une défaite; autrement dit, que quand on est relié à Dieu, même la mort peut avoir un sens.



À partir de ce bouleversement, toute la foi des disciples s’est restructurée, reconstruite, autour de Vendredi saint. Comme le disait déjà le Psaume 118: “La pierre que les bâtisseurs avaient rejetée est devenue la pierre de l’angle, la pierre principale” (v. 22).

Ainsi, la foi dans le Christ ressuscité a fait réinterpréter toute la vie et la mort de Jésus, son enseignement et ses actes... On s’est aperçu que la croix n’était pas une fin un peu étrange, mais un signe, une preuve même que Dieu est avec nous partout, y compris dans la souffrance la plus horrible, y compris dans la pire injustice, y compris dans l’échec le plus intolérable. Que partout Dieu est avec nous comme créateur, ouvreur d’horizons nouveaux, espoir et vie!

Les victimes de violences, les innocents sacrifiés le trouveront à leur côté infiniment proche, qu’ils soient dans les camps de concentration nazis, dans les salles de torture en Turquie ou dans les bateaux qui coulent en Méditerranée, surchargés de migrants; qu’ils soient dans nos hôpitaux ou dans les cimetières de nos villages. “Même quand je passerai par la vallée de l’ombre de la mort, je n’aurai pas peur, Seigneur, car tu es avec moi. Tu me conduis, tu me protèges. Auprès de toi, je suis en sécurité” (Ps. 23).

Sachez-le: c’est la résurrection, au matin de Pâques, qui nous permet de vivre Vendredi saint comme une fête, vraiment. Une fête qui fait de Jésus crucifié le signe de l’amour de Dieu, le signe d’un amour fou, inconcevable; d’un amour comme on n’en verra jamais de pareil. Le signe de son pardon. De sa victoire sur toute forme de désespoir.
 

Il est génial (et je pèse mes mots!), il est génial que notre religion ait compris le véritable visage de Dieu, le but ultime de sa révélation: que c’est justement dans la pire catastrophe, dans le sommet de l’injustice que le Christ est venu planter sa présence lumineuse, sa victoire. C’est justement en priorité pour les victimes de toutes les atrocités qu’il s’est fait proche, qu’il s’est montré sauveur, et réconciliateur, et bon berger. Pour tous ceux qui, à la suite de Jésus, s’identifient à l’auteur du Psaume 22, priant dans la détresse: “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?” (v. 2).
 
Ainsi, les humains ont bénéficié de multiples manières de l’évènement de Golgotha. Beaucoup y ont reçu un signe d’amour, de solidarité, de proximité de Dieu. Si certains ont appris à pardonner, tous ont pu connaître qu’ils étaient pardonnés. À cause de Jésus, plusieurs ont pu mourir sereins, mais certains ont compris qu’il fallait combattre et vivre.

À cause de Jésus mort sur la croix, quelques-uns ont pu donner leur vie en mourant, tel le lieutenant-colonel Arnaud Beltrane, ce croyant convaincu dont vous avez pu lire l’histoire dans les journaux tout récemment; quelques-uns ont pu donner leur vie en mourant, et d’autres l’ont donnée en vivant, en assumant leurs responsabilités, en portant visiblement la passion de Dieu pour tout être qui vit, de manière chaleureuse et rayonnante!
 

Pour cette mort, que nous fêtons, oui, fêtons aujourd’hui, disons MERCI! Et que ce Vendredi saint nous remette au coeur, et à l’esprit, cet appel de l’évangile à laisser Dieu nous rejoindre; à laisser Dieu nous aimer; à laisser Dieu vaincre, en nous. Amen                                          


Jean-Jacques Corbaz 



dimanche 4 mars 2018

(Pr, Li) Dieu, et la violence?

Prédication du 4 mars 2018, Ollon et liturgie de bénédiction
«La jalousie de Dieu - la guerre sainte»


Lectures: Nombres 25, 1-5; 2 Samuel 18, 31 – 19, 5; Jean 3, 14-17



Nous n’aimons pas la violence. Et nous avons cent fois raison. Nous pressentons bien que Dieu non plus n’aime pas la violence! Mais que faut-il faire de ces passages de l’Ancien Testament (AT) qui prônent l’extermination des infidèles? Que faut-il penser de ces soi-disant “missionnaires” qui, il y a quelques siècles à peine, obligeaient les prétendus “sauvages” à choisir: soit la conversion au christianisme, soit la mort violente?
  


Les musulmans intégristes ont vite répondu à cette question: pour eux, la guerre aux infidèles serait non seulement tolérée par Allah, mais encouragée. Or, attention, cette attitude n’est le fait que d’une minorité de musulmans, fanatiques et intolérants. Dommage, évidemment, qu’on parle d’eux bien davantage que de la majorité, infiniment plus ouverte et pacifique!

Chez les chrétiens aussi, du reste, on trouve des demi-fous qui appellent à la croisade. Au Moyen Âge, nos Eglises étaient  en plein dans cette violence.

Evitons donc les schémas simplistes, du style “les musulmans  tout noirs, les chrétiens tout blancs”; ou “y en a point comme nous”! Evitons aussi, bien sûr, à l’opposé d’accuser la foi en l’évangile de tous les maux, comme certains l’ont fait.

La réalité, c’est que la violence est au coeur de l’être humain. De tout être humain, en moi comme en chacun(e) de vous! Sinon nos ancêtres des cavernes n’auraient pas survécu, d’ailleurs. La violence est au coeur de chacun, et seules quelques toutes grandes personnalités, comme Gandhi ou Martin Luther King, sont arrivées à extirper totalement cette violence de leur être.
  
Or, Dieu s’est révélé à nous à travers des paroles humaines; à travers des systèmes de pensées, à travers des schémas humains. Dieu s’est montré à nous, dans toute la Bible, en passant par nos tripes, en passant par nos sentiments, nos épaisseurs humaines; en passant par nos intelligences limitées et orientées, en passant donc aussi par nos préjugés, nos défauts, nos oeillères. Et nos violences!

Pour dire qui est Dieu, il a bien fallu utiliser nos mots maladroits, nos raisonnements imparfaits, nos cultures imprégnées de petitesses toutes humaines!


Si vous deviez expliquer à une abeille ce qu’est l’amour maternel, dans un langage abeille (à supposer que vous la connaissiez, cette langue!), quel serait le résultat? ... Vous parleriez de leurs larves; mais que savons-nous des sentiments des abeilles pour les larves? Vous parleriez de prendre soin, de veiller sur, de protéger... alors que tout ça n’a aucun sens pour une abeille, surtout que c’est une ouvrière qui ne peut pas se reproduire!! Bref, c’est sans espoir.

Tout cela pour vous aider à mesurer l’impossible défi que représente l’envie de Dieu de se faire connaître à l’humanité! Dieu qui est cent mille fois plus différent de nous que nous ne le sommes d’une abeille! L’impossible défi aussi, bien sûr, de parler de lui à nos enfants, à nos contemporains, ou aux peuples à qui nous annonçons l’évangile, à travers ce qu’on appelle la mission.

Depuis la première mission, celle de Dieu lui-même, c’était la plantée garantie, vous êtes d’accord?!

Donc, il a bien fallu, il faut bien, aujourd’hui encore, passer par nos étroitesses, nos sentiments faussés; en sachant que le résultat sera de toute façon incomplet, décevant. En sachant que tout ce que nous disons de Dieu est une projection à partir de nos vécus humains, une déformation imposée par notre langage et nos raisonnements trop particuliers. Pour dire Dieu tout spécialement, traduire, c’est trahir!
  


Un bon exemple, c’est le thème d’aujourd’hui: la jalousie de Dieu. Pour les peuplades guerrières et à moitié civilisées qui vivaient au temps de Moïse, il était nécessaire de parler d’un Dieu qui ne supporte pas la concurrence d’autres divinités. Cela pour éviter que les religions ne se mélangent, pour éviter que les peuples convertis au Dieu d’Israël ne conservent en même temps leurs anciennes traditions religieuses; leurs adorations païennes; leurs superstitions, incompatibles avec la nouvelle foi.

- Et nous savons que ce mélange a été extraordinairement difficile à éviter; qu’il a fallu batailler à de nombreuses reprises pour qu’Israël ne sombre pas dans une “puissante” mixture avec les Baal, Astarté, et autres divinités de Babylone ou de Canaan.

Donc, il fallait, pour que la foi survive, dire que Dieu était jaloux. Mais la jalousie, en ce temps-là, s’exprimait par la violence, en cas d’infidélité. C’était automatique. À cette époque, une jalousie sans violence aurait été comme une loi sans amende ou autre sanction en cas d’infraction: inimaginable. Ç’aurait été un aveu de désintérêt, de faiblesse. Impossible!

Voilà pourquoi de nombreux passages de l’AT décrivent Dieu comme exigeant une entière adhésion, sans compromis - ce qui est toujours d’actualité! Mais avec des sanctions qui vont souvent jusqu’à la mort. C’était la norme, alors. Une norme qui est “joyeusement” appliquée par Moïse, dans notre récit du livre des Nombres.

Avez-vous remarqué? Comme Elie avec les prophètes de Baal dans l’épisode du sacrifice au Carmel, Moïse va bien plus loin que ce que Dieu demande. Il commet un énorme excès de zèle! Dieu lui dit de pendre les chefs du peuple, mais Moïse fait exécuter tous les Israélites idolâtres.

Pourtant, je vous l’ai dit, Dieu a essayé de relever le défi. Il a parfois réussi à ouvrir de petites brèches dans ces normes pesantes. Tout-à-coup, une phrase ou une image montre un aspect de Dieu qui tranche avec les croyances de l’époque. Une parole “avant-gardiste”, dirait-on aujourd’hui. Dans la Bible, on dit: une parole prophétique.
  


C’est ainsi qu’Elie, après le massacre du Carmel, doit fuir au désert; et là, à l’Horeb, à la montagne sainte, c’est l’épisode du souffle fragile, qui lui fait découvrir que Dieu n’est pas dans la violence, mais qu’il se donne dans la faiblesse. Annonçant ainsi la crucifixion de Jésus.

Parole prophétique, c’est aussi le cas de ce récit du roi David,  dont nous avons entendu un extrait tout-à-l’heure. David, séducteur impénitent; David à qui le pouvoir était monté à la tête, jusqu’à faire tuer un de ses meilleurs officiers pour s’approprier son épouse; ce même David, à la fin de sa vie, est traité comme il a traité les autres: ses propres fils lui font la guerre, obnubilés par le pouvoir royal et ses richesses. Eh bien David, quand il apprend que la guerre civile s’est achevée par la défaite de son fils rebelle, Absalom, et par sa mort, David pleure en répétant: “Absalom, mon fils, que ne suis-je mort à ta place? Absalom, mon fils, que ne suis-je mort à ta place?”

Parabole! Superbe image! Cet épisode nous parle de Dieu! En même temps que sa jalousie; juste à côté de son refus des compromis religieux, il nous fait découvrir son immense tendresse, infiniment plus grande encore que son intransigeance. À travers David pleurant, Dieu nous dit, à nous aussi, à nous pécheurs, à nous qui le trahissons si souvent, Dieu nous dit aussi: “Mon fils, que ne suis-je mort à ta place?”



Il le dit, et il le fait, en Jésus Christ, il meurt à notre place pour nous libérer de nos culpabilités!

Voilà comment l’AT (et le Nouveau également, bien entendu) sont des mélanges d’épaisseurs humaines et d’éclairs prophétiques lumineux, qui annoncent les dimensions toujours nouvelles de l’amour de Dieu!

Ne dites jamais: “Dieu est comme ceci, c’est écrit dans la Bible”, sans ajouter: “Mais il est aussi très différent, c’est également écrit dans la Bible”! - La Bible qui n’est que le pâle reflet de la lumière  indescriptible de Dieu, indicible (soit: impossible à dire).

Ne tirez jamais des conclusions exclusives d’un seul passage biblique, sans regarder encore tout ce qui le nuance, le complète, le corrige. Nos langages humains sont incapables de dire autre chose que des caricatures, des simplifications extrêmes, quand ils essaient de décrire la transcendance.

Vous me direz: la Bible n’est-elle pas la parole de Dieu? Oui, mais c’est une parole immergée, figée, réduite dès qu’elle est exprimée dans nos mots humains, dans nos cultures terrestres. On ne peut pas représenter la quatrième dimension dans nos trois dimensions sans l’appauvrir considérablement.

Et c’est pour cela que nous avons besoin de quatre évangiles, et non d’un seul, pour esquisser le message de Jésus. Et c’est pour cela que nous avons besoin de 66 livres bibliques, dans leur diversité, pour parler de Dieu sous autant d’angles différents. Et c’est pour cela que nous avons besoin du Saint-Esprit, du souvenir dynamique du Christ, pour éclairer notre lanterne trop souvent embuée par nos préjugés!

  

Alors, dans nos limites, dans nos maladresses, redisons-nous souvent cet autre éclair prophétique de notre livre saint: “Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique afin que quiconque croit en lui ne soit pas perdu, mais qu’il ait la vie éternelle. Dieu n’a pas envoyé son fils dans le monde pour nous condamner, mais pour nous sauver”.
Amen                                          


Jean-Jacques Corbaz  





 

Bénédiction finale:

Dans le livre des Actes, il est dit aux apôtres: “Ne regardez pas vers le ciel” (mais vers la Terre)...
La Bible entière aujourd’hui nous dit: “Regardez le ciel! Regardez la Terre! Regardez-vous vous-mêmes!
Fermez les yeux, parfois! Ouvrez-les parfois sur le monde et ses peines!
C’est par ces mille regards différents que vous pourrez mieux discerner Dieu votre Père, lui dont la hauteur; lui dont la largeur; lui dont la profondeur dépassent toujours infiniment tout ce que vous pouvez comprendre de lui, et de son amour passionné!”
Tels que nous sommes, et tel qu’il est, Dieu nous bénit, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Amen 



dimanche 25 février 2018

(Pr) Carême, ne pas nous priver!

Prédication du 25 février 18, Villars, «Les vraies valeurs - le bonheur»

Lectures: Luc 12, 13-21; Amos 8, 4-7;  2 Corinthiens 4, 14-18


Vous connaissez la chanson de Gilles: “Le bonheur est chose légère, que toujours notre coeur poursuit, mais en vain, comme la chimère, on croit le saisir, il s’enfuit”.
  


Chers amis, chers paroissiens: qu’est-ce qui vous rend heureux, vraiment? Qu’est-ce qui est le plus important pour vous?

On nous a tant seriné que “l’argent ne fait pas le bonheur, mais... qu’il y contribue”...

Alors bon, je ne vous apprends rien, la Bible nous invite à garder de la distance par rapport aux valeurs matérielles. Et chacun(e) le sait: notre fortune, nos mérites, nos achats, nos titres de gloire, voire nos médailles olympiques... tout cela est bon, voire agréable, mais nous ne les emporterons pas avec nous, au jour de notre mort. Nous ne les emporterons pas au paradis, au sens littéral!

Vous le savez, bien sûr. Tout le monde le sait. Tout le monde le dit.

Mais pourquoi alors tant de gens vivent-ils exactement le contraire? Comment se fait-il qu’aujourd’hui une immense majorité de gens soient obnubilés par les valeurs matérielles, au point de tout penser, tout juger, tout évaluer en termes économiques? Notre société semble incapable de voir autre chose que ce qui se monnaie de manière sonnante et trébuchante. Même le monde politique est devenu secondaire face au commerce et à la finance. Une seule règle, une seule priorité: faire du bénéfice.

Et la morale, l’éthique, dans tout ça? "Mais mon vieux,
c’est du passé, c’est dépassé, c’est démodé, une antiquité!! On ne fait plus de sentiment, quand on peut faire de l’argent..."
  


Pourtant, voilà que ce système est en train de révéler ses limites: par le chômage, d’abord, bien sûr; par toutes les personnes qui sont rejetées dans la bordure, larguées par une société qui ne sait plus qu’en faire... car les assistés coûtent cher!

Le système montre ses limites aussi par la dépression, et par les multiples formes de “casse” que nous connaissons, comme le burn-out, lorsque le corps ou l’esprit ne peuvent plus résister aux pressions de la vie quotidienne. Lorsque les personnes humaines se sentent obligées de répondre aux demandes d’efficacité et de rentabilité qu’elles reçoivent plutôt que de respecter leurs limites physiques ou psychologiques.

Et voilà, encore, que le vide spirituel est en train de nous exploser à la figure, avec la multiplication des sectes, et des fanatismes de toutes sortes. Avec ces groupes qui se rassemblent autour d’un gourou, en quête désespérée de sens à leur vie.  Avec ces gens qui se font plumer comme des pigeons parce qu’ils essaient de fuir notre monde trop matérialiste. Tragique!

Hier c’était l’Ordre du temple solaire, et aujourd’hui le djihad. Il n’y aurait pas toutes ces victimes si, chez nous, tant de personnes soi-disant éclairées n’avaient pas jeté l’évangile aux oubliettes pour s’intéresser en priorité au cours de l’aluminium ou aux mille façons de s’enrichir sans fatigue!?!
  
Chappatte
Et vous voyez que, là, nous sommes concernés. Tous. En tant qu’Eglise, en tant que croyants libérés en Christ, nous avons à mieux dire, et à mieux vivre les vraies valeurs de notre foi. À mieux les chanter, à mieux les danser dans notre quotidien!

Je sais, ça n’est pas facile. Mais nos contemporains déboussolés ont besoin de modèles -pas modèles au sens d’exemple parfait, bien sûr, mais au sens de référence, d’exemple parmi d’autres. Nos contemporains ont besoin de voir, de sentir (j’ai presque envie de dire de humer, de palper) des chrétiens authentiques, que leur espérance transforme, rende plus légers, plus souriants, plus chaleureux, et moins suffisants. Bref, des antidotes à cette morose course au fric qui n’amuse que la toute petite minorité qui gagne à ce jeu-là!

Il est ici, l’enjeu pour nous, en ce début de siècle; la mission qui nous est proposée pour cette année, et les suivantes! Que les disciples du Christ deviennent plus visibles, plus colorés, plus joyeux! “Un chrétien triste, a-t-on dit, est un triste chrétien”!

Si l’Eglise passe à côté de cette mission-là, j’ai bien peur que ce ne soit une dé-mission!

Savons-nous encore défendre nos valeurs? Pas les armes à la main, évidemment, mais savons-nous encore nous enthousiasmer pour nos valeurs spirituelles, et, du coup, contribuer à enthousiasmer les autres?

Dans 24 Heures d’hier, un psychiatre qui a beaucoup travaillé sur cette question du bonheur dit des choses qu’on pourrait croire tirées de l’évangile: “les résultats de notre étude montrent que le secret du bonheur (...) ne réside pas dans un compte en banque ou un statut social, mais dans le succès de nos relations affectives, dans la qualité des contacts que l’on entretient avec les autres
. Le bonheur vient aussi du “sentiment que l’on mène une vie qui a du sens”. (1)
 

Depuis dix jours, nous vivons le temps du Carême, de la Passion. Seriez-vous d’accord de faire un essai? Non pas prendre le sac et la cendre pour nous rabaisser, bien sûr, mais plutôt nous alléger. Elaguer dans notre vie ce qui nous sépare de l’appel de l’évangile. Faire des choix, pour que notre quotidien se débarrasse des valeurs matérielles qui entravent notre mission. Peut-être acheter moins, et vivre plus proches des autres. Cultiver nos relations, nos affections, nos amours... Laisser davantage de place à nos richesses humaines: tendresse, patience, accueil... sourire et paix... Laisser davantage de place, aussi, à la nature et aux trésors qu’elle offre à nos yeux, à nos oreilles, à nos odorats (c’est bientôt le printemps!).

Donc non pas nous priver, mais bien au contraire: nous combler de ce qui nous rend heureux!

D’accord? Allez, je vous fais un prix: un modeste bonheur du Bon Dieu, à l’essai pendant 40 jours. Bien sûr, c’est gratuit! Amen                                          


Jean-Jacques Corbaz 



(1)  Dr Théodore Hovaguimian, 24 Heures des 24-25 février 2018, p. 24


jeudi 22 février 2018

(Ci, Ré) Christ ne nous offre pas le ciel

Guilhem Lavignotte  

"Le Christ ne nous offre pas le ciel, il nous offre le salut. Le salut c’est être délivré de tous ses enfermements pour toujours progresser dans la vie avec le Christ comme dans un cœur à cœur pour voir avec ses yeux, toucher avec ses mains, entendre avec ses oreilles.

C’est cela le salut qu’il nous offre comme il était au commencement, comme il est et comme il sera pour les siècles des siècles. Le Christ ça n’est pas un paradis ou un ciel à gagner. Son salut est une liberté qu’il nous offre dès à présent et qui ne finit pas. Mais vous pouvez l’appeler le ciel si vous voulez, mais sachez que ce ciel commence ici et qu’il est déjà offert."