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vendredi 1 mars 2024

(Co) La vieille dame

La vieille dame… n’était pas vieille, en fait. À peine plus de la quarantaine, c’est jeune quand on est pleine de vie, sportive, dynamique. Mais qu’on doit soudain se promener dans une chaise roulante. La vieille dame l’était devenue en quelques semaines, le temps qu’une maladie féroce s’empare de sa hanche et l’immobilise sans espoir.

Sans espoir: c’est ainsi que le Malin entra dans cette famille. Sans grand fracas, bien sûr, discrètement, modestement; humblement même, comme il semblerait que Dieu seul puisse le faire.

Cela commença par des jérémiades. Rien que de très normal, dans ces conditions, rien d’inattendu. Mais c’est toujours par le «normal» qu’Il s’introduit. Il est malin.

Ainsi la vieille dame était admirable. Moralement admirable, en fait. Toujours pleine d’initiative, elle faisait marcher mille choses du haut de ses deux pattes caoutchoutées. Lesquelles la menèrent aux quatre coins du monde, à la suite du personnage important que semblait être son mari.

Moralement admirable, mais physiquement défaitiste, sinon défaite. Aucune tentative de rééducation, de physiothérapie ne fut entreprise. Aucun spécialiste consulté. La résignation commença son règne malin, insinuant le goût fade de la défaite. Révélant une facette nouvelle de sa personnalité.

En fait, la vieille dame si digne se satisfaisait de sa nouvelle condition. Réflexion faite, ce n’était pas si désagréable que ça, d’avoir tout le monde à ses pieds. De se plaindre sans cesse, et d’être écoutée. D’être la maîtresse, et d’être excusée. Que voulez-vous, dans cet état…

Le mari, et surtout les trois enfants, qui atteignaient à peine l’âge adulte, furent mobilisés. Accourez, vaillants guerriers! Obéissez!

La cadette put s’échapper après quelques années en se mariant avec bonheur, retrouvant la paix et l’harmonie dans son nouveau foyer. Marinette. Mari nullement désiré par l’Impératrice Anastasie (nom censuré!), ça va sans dire. Le fils Eddy prit aussi ses distances. Eddy fils, sacré fils! Mais l’aînée, Antoinette, ne put trouver le havre souhaité dans son nouveau ménage. Plus loyale, elle resta, discrète, subordonnée au tyran à roulettes.

Là où le petit Malin eut un coup de génie, et où en fait il devint grand, ce fut ce dramatique accident en terres lointaines où Antoinette, rends-toi nette, fit place déserte en disparaissant, volatilisée en mille atomes de poussière en même temps que son mari et ses enfants. Le tour était joué, et diablement bien joué.

Les disparus furent donc canonisés, le culte en leur mémoire s’installa: «Ta soeur ne m’aurait jamais fait ça. Elle avait pitié de moi, elle» etc.

La vieille dame devint vieille, en fait, et le chantage s’installa: «Chantez un chant nouveau, soldats au repos! Chantez à cause de ma santé. Apportez-moi du thé. Sinon, vous m’abandonnez».

Omniprésente Anastasie. Omnipotente l’impotente en furie. Omnivolente pour que les benêts volent. Attirent d’elle la boulimie.

L’appétit vient en mangeant, le petit en devient grand. Omnivore mère-grand, comme vous avez de grandes dents!

Le Gros Malin, grommelant, introduisit le mensonge, son enfant turbulent. Et je m’évade, et je te mens. Oui, j’ai pitié de tes tourments, mais je suis absente en ce moment. Je suis juste passée au tournant.

Le tournant. L’histoire ne serait pas morale s’il n’y avait ce tournant. Carrousel ailé, emporte-moi bien loin, auprès d’autres misères et d’autres faims. À l’autre bout du monde, enfin. Et tempête Anastasie, elle a perdu son autre fille. Marinette est partie.

Les regrets ne servent à rien, c’est bien connu. Sa marionnette envolée avec son mari honnête, il n’y avait plus de terrain de conquête. Et cognent tes reins en omelette, se tendent tes mains en vaine quête, il serait temps que tu regrettes.

Les regrets ne servent à rien, et la vieille dame devenue très vieille fut logique, elle ne regretta rien. On est sage, à cet âge. 

Les regrets ne servent à rien, donc mon histoire n’a pas de morale ni de fin. Sans fin non plus est le Malin, c’est certain, nous resterons sur notre fin!


Jean-Jacques Corbaz, le 24 février 1975    
   


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