On raconte à Toto, 7 ans, l’histoire de saint Martin, qui a partagé son manteau avec un pauvre. Le gamin s’écrie: “Mais c’était pas une bonne idée! Passqu’ils n’avaient plus qu’une manche chacun! Ça leur faisait une belle jambe!”
Bon, je précise pour Toto: le manteau de saint Martin (celui des soldats romains) était en fait une cape. Un tissu rectangulaire. Donc le partager en deux était tout à fait plausible. Saint Martin et le SDF auraient tous les deux un peu chaud, même si c’était nettement moins confortable qu’avec un manteau entier.
Saint Nicolas a montré dit-on une générosité plus grande encore. La légende raconte qu’il lançait, dans la cheminée des pauvres, des bourses pleines de pièces d’or. Jawohl, c’est probablement cela qui est à l’origine du Père Noël qui amène des cadeaux dans les cheminées. D’ailleurs, dans bien des pays, “Père Noël” se dit Santa Claus, soit Saint Nicolas.
Partager. Cela me prive, mais ça permet à quelqu’un d’autre de survivre. Et c’est l’occasion de dire un “merci” grand comme une cathédrale à tous les Martin et saint Nicolas d’aujourd’hui - j’en vois bon nombre devant moi ce soir - vous qui partagez votre argent, votre nourriture; votre temps, aussi; votre savoir; votre toit, votre espérance, votre joie; votre foi...
Et voici qu’apparaît une dimension nouvelle: il y a des choses qui, quand on les partage, ne diminuent pas! Il y en a même qui augmentent quand on les partage! Pensez à la fête! Au plaisir; à l’amitié; à l’espoir!
Je dirai même plus (comme les Dupondt): quand on partage ses habits ou son argent, il y a quelque chose qui augmente, en soi, quelque chose de l’ordre de l’amour, comme un trésor spirituel.
Voilà pourquoi sans doute tous les saint Martin aiment partager: s’ils se privent d’une partie de leur manteau, ou de leurs biens, pourtant, du même coup, ils s’enrichissent en relations humaines; en joie; en fraternité... Toutes ces valeurs non sonnantes et non trébuchantes, mais qui résonnent et qui affermissent, au fond des coeurs!
Il est regrettable, voire révoltant, que tant de générations aient parlé du partage en termes moralisants: tu dois donner, c’est la loi religieuse, c’est le devoir. Mais non! Cette conception annule le plaisir, la fierté, la solidarité. Elle n’est qu’une caricature, un partage décharné. L’entraide, la vraie, elle nous enrichit!
Quand j’étais catéchumène, notre pasteur nous avait emmenés à mi-décembre rendre visite à des personnes âgées et isolées de la paroisse. Nous leur apportions un petit cadeau, une branche de sapin que nous avions garnie; nous leur chantions un cantique de Noël. Et ces gens chez qui nous allions, ils nous ont accueillis avec une telle reconnaissance, une si grande chaleur! Je m’en souviens encore, comme d’un trésor!
Malheureusement, le partage est aujourd’hui moins facile, vous le savez. À cause d’une évolution générale de notre façon de vivre. Nous sommes moins reliés entre nous. Nous nous sentons de plus en plus seuls, et donc fragiles, et menacés... donc moins enclins au don. Notre époque prône la réussite matérielle, jusqu’à en oublier les autres valeurs... Trop souvent, nous avons peur de partager; ce qui bien sûr alimente le cercle vicieux de la solitude et de la vulnérabilité; de la méfiance aussi. Hélas.
Pour sortir notre siècle de cette ornière, il est heureux que nous rencontrions, aujourd’hui, des saint Nicolas. Je veux dire: des hommes, des femmes et des enfants qui partagent par plaisir! Et qui en vivent! Et chez qui ça se voit!
Oui, notre monde a besoin de nous comme contrepoison à l’égoïsme ambiant; à l’isolement; à l’éclatement social. Il est vital, il est urgent que se lèvent aujourd’hui des MartiNicolas qui s’engagent dans le partage des ressources. Pas seulement pour en parler, mais pour le vivre. Devenir nous-mêmes ferments de communion, signes d’espérance!
Jean-Jacques Corbaz
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