«Demain, c’est vendredi». Plate banalité d’un système prévisible, mais qui lui ouvrait soudain une lueur d’horizon. Demain sera un jour. Un jour qui compte, qui a sa place comme les autres. En tout cas.
Demain est déjà un peu caractérisé, demain est déjà un peu là. Et demain sera différent d’aujourd’hui - puisqu’aujourd’hui c’est jeudi.
Sur le bruit de fond sans fantaisie qui récitait son chapelet de litanies sans issue, une voix s’élevait. Pas jusqu’à s’imposer, pas encore, mais on pouvait l’espérer. C’était déjà ça.
Les barrières qu’on avait dressées autour de lui, murs plats de sa chambre larve, prés et forêts à l’humidité inhospitalière, chemins montant et descendant pour le décourager, tout cela pouvait ne pas être vainqueur. D’autres choses dureraient que ces caporaux tristes, d’autres choses porteuses d’un germe de vie.
Demain, un enfant pourra naître. Qui nous sauverait de nos aujourd’hui. Peut-être les inconnus grands rois de leurs mythes étaient-ils déjà en marche pour solenniser l’avènement. Peut-être de banals moutons bêlaient-ils déjà en pressentant le surgissement d’un éclat au milieu de leur nuit. Peut-être une auberge se remplissait-elle quelque part de joyeux festoyeurs pour mieux refuser l’indésirable nouveau-venu.
Demain un homme pourra mourir pour ouvrir à de nouveaux demains. Pour débloquer ce futur qui patine dans la choucroute depuis tant de temps. Pour libérer un espace fou où nous puissions enfin danser, réconciliés. Peut-être un homme gris méditait-il déjà quelque trahison monnayable. Peut-être un tribunal défensif s’endormait-il dispersé, mais prêt à être éveillé de toute urgence pour un agitateur imprévu. Peut-être le charpentier polissait-il déjà ses poutres en forme de croix.
Demain, oui, demain. Mais aujourd’hui déjà, il pouvait rêver. Rêver d’un demain qui lui permettrait d’espérer.
Aujourd’hui, en paix, il s’endormait.
Jean-Jacques Corbaz, Ndoungué, le 22 mai 1975
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